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L'univers du tatouage révélé au musée du Quai Branly à Paris

Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
300 œuvres exposées au Quai Branly proposent un voyage dans l'univers du tatouage à travers les époques et les continents pour en révéler la dimension artistique. Marquer la peau revient à inscrire le sujet dans le corps social et le tatouage est presque omniprésent dans les sociétés humaines. Un temps mal vu en Occident, il connaît un regain dans de nombreux pays. Du 6 mai au 18 octobre 2015.

Musée du Quai Branly, photo Thomas Duval

Partout, on tatoue pour guérir, pour vénérer. Le tatouage doit son nom au tatau polynésien observé au XVIIIe siècle par l'équipage du capitaine Cook. En Algérie, les tatouages que portaient les femmes avaient une fonction esthétique et devaient aussi protéger contre les maladies ou les malheurs. Cette photo est issue d'une campagne de photographie commandée par l'armée française pour ficher les populations en 1960, d'où l'hostilité muette exprimée par cette femme.
 (Marc Garanger, collection de l'artiste)
Depuis le marquage des esclaves de la Rome antique au Code noir de Colbert qui marque les criminels et les prostituées, le tatouage sert en Europe à contrôler les corps et à désigner l'individu dangereux.
En même temps en Occident, dès le 19e siècle, se développe un tatouage volontaire, instrument de revendication et d'affirmation, de la marine marchande à l'armée, de la rue à la prison. Ces images sont issues du recueil par Jean Lacassagne de photos anthropométriques réalisées entre 1920 et 1940 au laboratoire photographique de la préfecture de police de Lyon.
 (Gdalessandro /ENSP)
En Europe, on a retrouvé, conservé dans la glace, le corps tatoué d'un homme qui avait vécu il y a 4500 ans dans les Alpes tyroliennes. Mais plus tard, le christianisme, comme l'islam, a mis le tatouage hors-la-loi. Ce qui est issu de Dieu ne peut être souillé. Le tatouage a pourtant continué à être pratiqué par les pèlerins du Moyen-Age, et jusqu'à aujourd'hui par les chrétiens d'Orient. Ce tampon du 17e ou 18e siècle appartenait à une famille de Jérusalem, les Razzouk. Le dessin qu'il permettait de transférer sur la peau était ensuite tatoué avec une aiguille. Les pèlerins attestaient ainsi leur présence dans la ville Sainte.
 (Musée du Quai Branly, photo Thierry Ollivier, Michel Urtado)
Dès 1830, les tatoués deviennent des phénomènes de foires, et font partie des "sideshows" des cirques américains au même titre que l'homme tronc et la femme à barbe. L'Europe connaît un engouement pour ces performers et le spectacle du corps tatoué y connaît un âge d'or au début du 20e siècle. Affiche du spectacle du "Capitaine Costentenus, tatoué par l'ordre de Yakoob-Beg, chef des Tartares"
 (Fonds Dutailly, Ville de Chaumont)
Le tatouage est devenu une forme d'expression artistique grâce à la circulation des savoirs et des pratiques entre les tatoueurs des différents continents. Les échanges ont été particulièrement intenses entre le Japon et les Etats-Unis. Au Japon, le tatouage a une longue histoire, depuis le tatouage décoratif  des Aïnous jusqu'au tatouage qui recouvre tout le corps. Il a été interdit en 1872 et il est resté tabou au XXe siècle car il était associé aux yakuzas (mafieux).
 (Photo Tattooinjapan.com / Martin Hladik)
Les traditions des Amérindiens en matière de tatouage ont eu peu d'influence en Amérique du Nord en dehors des réserves, mais la scène du tatouage est particulièrement active au pays qui a vu la naissance de la révolutionnaire machine à tatouer électrique, inventée à la fin du XIXe siècle. Le Quai Branly donne la parole aux tatoueurs d'aujourd'hui : 13 artistes ont travaillé sur des volumes de silicone comme s'il s'agissait de peaux, et 19 autres ont créé pour l'exposition des motifs, projets de tatouages, sur des toiles vierges, comme celui-ci, de l'Américain Freddy Corbin.
 (musée du Quai Branly, photo Claude Germain)
En Thaïlande, le tatouage qui était tombé en désuétude à cause des missionnaires européens connaît un regain de popularité. Traditionnellement, composé de diagrammes, de formules sacrées, de représentations de divinités ou d'animaux, il fonctionnait comme un talisman, protégeant contre les balles ou la maladie ou favorisant une carrière. Le photographe Dow Wasksiri, qui improvise un studio sur un grand marché de Chiangmai, faisant poser les passants sur fond de toile cirée, a immortalisé ici deux hommes tatoués.
 (Dow Wasiksiri)
Les tatouages des maras (gangs) d'Amérique centrale sont hérités de ceux qui sont nés dans les cellules des prisons californiennes, sur la peau des détenus chicanos. Baptisées "fine line" ou "black and grey", elles empruntent à l'art de la peinture murale, au graffiti, à l'iconographie religieuse catholique, à la mémoire de la révolution mexicaine et à l'histoire précolombienne. Isabel Munoz a passé du temps dans les prisons du Salvador pour les photographier.
 (Serie Maras, 2006,Isabel Muñoz)
Au XXe siècle en Europe, le tatouage entre dans l'histoire de l'art. Le Français Tin-Tin, consultant artistique de l'exposition, a acquis depuis trois décennies une grande notoriété internationale. Il a créé le SNAT, Syndicat national des artistes tatoueurs, et cofondé le Mondial du tatouage à Paris, dont la dernière édition a eu lieu en mars dernier. Il a dessiné ce tatouage sur moulage de silicone pour le musée du Quai Branly.
 (Musée du Quai Branly, photo Thomas Duval)
En Nouvelle-Zélande, le tatouage maori, appelé moko, est en pleine renaissance. Traditionnellement, on portait des tatouages sur le visage. L'artiste Mark Kopua a réalisé ce tatouage sur silicone pour l'exposition. Il sera au Quai Branly le vendredi 9 mai pour une rencontre sur les aspects thérapeutiques du tatouage maori.
 (Musée du Quai Branly, photo Thomas Duval)

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