L'Exposition universelle de Milan ouvre ses portes dans un climat houleux
Du côté des non-opposants, les premiers visiteurs de l'exposition universelle ont franchi les portes vendredi matin à 10h00 locales (8hH00 GMT) pour découvrir les 80 pavillons rivalisant d'inventivité architecturale, où régnait encore une certaine fébrilité après des mois d'un chantier frénétique.
"Aujourd'hui l'Expo est une réalité. Ce n'est pas encore un pari gagné, nous avons six mois pour le gagner, mais c'est un défi que nous pouvons relever", a lancé peu après, cité par l'AFP, le chef du gouvernement italien, Matteo Renzi lors de l'inauguration officielle. "Ces prochains mois, le monde va pouvoir goûter l'Italie. Goûter ses spécialités, ses produits typiques, mais surtout le profond désir que notre pays a d'écrire une page d'espérance."
Il s'exprimait dans le vaste théâtre en plein air de l'Expo, où le Cirque du Soleil se produira ensuite pendant six mois, avant une parade des Frecce Tricolore, la patrouille acrobatique de l'armée de l'air italienne.
L'appel du "May Day" : la manif des opposants
Vendredi après-midi, peu sensibles à ces festivités, des milliers d'opposants à l'Exposition universelle de Milan ont défilé dans la ville, où des vitrines ont été brisées, pour dénoncer un gaspillage d'argent public et le recours aux travailleurs précaires et aux volontaires.Rassemblés sur une place de la ville, les manifestants ont commencé à défiler vers 15h30 locales (13h30 GMT). Les "No Expo" étaient accompagnés par une fanfare et des militants déguisés. Les organisateurs, qui avaient annoncé leur volonté de manifester dans une ambiance de "joyeux énervement", disent avoir réuni près de 30.000 personnes, un chiffre difficile à confirmer dans la mesure où la police italienne ne donne jamais d'estimation.
Sur le parcours cependant, certains s'en sont pris à plusieurs magasins, brisant notamment les vitrines d'une agence immobilière, incendiant une banque et taguant "Expo=mafia" sur un restaurant McDonald, l'un des partenaires de l'Exposition. "L'Expo c'est n'importe quoi. Le gouvernement se prostitue aux multinationales. Ce modèle de développement est terrifiant", a déclaré à l'AFP Federico, 29 ans, venu manifester en ce 1er mai à cause de l'Expo et de la récente réforme du travail.
"L'Expo est sponsorisée par les multinationales, contrairement à ce qu'ils affichent, McDo et compagnie... On sait bien qu'ils exploitent les travailleurs du tiers-monde, et ici aussi", a renchéri Valentina, militante communiste de 32 ans, employée chez Leroy Merlin.
Jeudi, une première manifestation des No Expo avait déjà donné lieu à des débordements.
Des scandales et des retards
Freiné par de retentissants scandales de corruption, le chantier de Milan 2015 a accumulé les retards, et les ouvriers s'y sont relayés presque 24h/24 depuis plusieurs mois.Mais vendredi matin, pour l'inauguration, lles allées avaient été dégagées et tous les pavillons ouverts au public, même si tous ne fonctionnaient pas encore à plein régime et beaucoup avaient encore des détails à régler, comme le pavillon soudanais qui n'a accroché le nom du pays sur son fronton qu'une heure avant l'ouverture.
Des polémiques multiples
La mise en oeuvre du projet a cependant suscité de nombreuses polémiques dans le pays. Outre les scandales et les retards, certains se sont émus de la présence marquée de grandes multinationales de l'agroalimentaire parmi les sponsors et partenaires.Dans un message vidéo lors de l'inauguration, le pape François a également plaidé pour que cette Expo soit l'occasion d'en finir avec le "paradoxe de l'abondance" qui conduit plus au gaspillage qu'à la solidarité. Évoquant "les visages des millions de personnes qui aujourd'hui ont faim", le pape a demandé à chaque visiteur de "sentir la présence de ces visages, une présence cachée mais qui en réalité doit être la vraie protagoniste".
Un accès encore compliqué
Dans un grand déploiement de forces de l'ordre, les abords du site semblaient cependant encore problématiques : un grand flou régnait sur les accès en voiture et la billetterie pour les imprévoyants était terriblement lente.De plus, des exposants d'artisanat indien ont fait part vendredi à l'AFP de leur exaspération : leur demande d'accréditation n'ayant pas encore été traitée, ils doivent acheter chaque jour un billet pour aller tenir leur propre stand, qu'ils ont payé 200.000 euros et qu'ils n'ont pas encore eu le droit d'approvisionner...
Les visiteurs, eux, sont contents
Mais les visiteurs semblaient ravis. "C'est une expérience toute nouvelle, j'ai choisi de venir ici à la première heure parce que cela va être spécial", a expliqué à l'AFP Hiran, Sri-Lankais de 34 ans qui vit en Grande-Bretagne et est venu avec cinq membres de sa famille.140 pays participants
Quelque 140 pays participent à l'événement qui s'étendra jusqu'à fin octobre sur un million de m2 avec pour thème officiel "Nourrir la planète, énergie pour la vie". Même le pavillon du Népal, dont de nombreux ouvriers sont repartis en catastrophe au pays après le séisme, était prêt, grâce à l'aide bénévole d'entreprises et d'associations italiennes.Côté français, un pavillon en épicéa du Jura
Côté français, trois ministres (Agriculture, Affaires étrangères et Écologie) ont inauguré dans la matinée un pavillon monumental en épicéa du Jura, qui veut présenter le savoir-faire de l'Hexagone et honorer le "repas français" consacré par l'Unesco.Ce pavillon "donne une idée positive de ce que la France pourra faire en 2025", a estimé le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius. La France a déjà fait part de son intention d'organiser l'Exposition universelle de 2025. Le chef de la diplomatie française a également défendu les 23 millions d'euros de budget du pavillon, entièrement démontable et remontable, et qui sera mis en vente à la fin de l'exposition. "Le pavillon donne une image de la créativité française (...). Il va donner aux millions de visiteurs une image extrêmement forte de la France et de son agriculture, sa recherche, sa gastronomie, sa qualité de vie et son commerce extérieur."
Quelque 20 millions de visiteurs sont attendus à Milan jusqu'au 31 octobre - et 10 millions de billets déjà vendus selon le gouvernement - pour cet événement dont l'Italie espère énormément en termes d'images et de relance économique.
Le pays espère des retombées de 10 milliards d'euros, dont 5 milliards pour le tourisme, dont l'essentiel profitera à Milan et à la Lombardie.
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