L'électricien de Picasso devant la justice
"Monsieur et Madame m'appelaient 'petit cousin'", a confié le prévenu à la barre, en racontant par le menu comment Jacqueline, dernière muse de Picasso, lui a donné un jour une boîte contenant 271 des œuvres du maître, qu'il a remisées dans son garage de Mouans-Sartoux (Alpes-Maritimes) pendant 37 ans. "Elle m'a dit : "Ca c'est pour vous"", se souvient-il. La découverte il y a quatre ans de ce trésor avait fait le tour du monde.
"Blanchiment international d'oeuvres", attaque l'avocat
Un avocat de la famille Picasso a accusé mardi l'ex-électricien d'être la couverture d'une "affaire de blanchiment international d'oeuvres d'art". C'est à lui qu'on a confié ces oeuvres volées parce qu'il avait eu des relations avec Picasso", a-t-il affirmé. "L'enjeu c'est que ça s'arrête à M. Le Guennec", a-t-il ajouté, en estimant que "le mythe du petite électricien a vécu".
Lorsque l'électricien avait pris contact en 2010 avec la Picasso Administration chargée d'authentifier les oeuvres, il les avait classées et commentées très précisément l'année précédente. Toutefois, le prévenu prétend ne rien connaître à l'art, mais il identifie par exemple une petite étude abstraite au crayon comme ayant des similitudes avec une peinture de 1915 d'un Arlequin exposé au Musée d'art moderne de New York (MoMA), met en exergue Me Neuer.
M. Le Guennec, qui répond confusément et ne semble pas connaître l'existence du MoMA, lui rétorque qu'il a fait la liste lui-même. Comment a-t-il daté un pendu de la période bleue du peintre ? Quelle est la définition d'un minotaure ? La différence entre une guitare et une mandoline ? "M. Le Guennec n'a jamais fait ces listes !", conclut l'avocat de Claude Picasso.
Le couple inculpé pour recel
A la suite d'une plainte des héritiers du peintre, Pierre Le Guennec et son épouse Danielle, de modestes retraités septuagénaires, doivent expliquer comment ils sont entrés en possession de ces oeuvres. Ils ont été inculpés en mai 2011 pour "recel de biens provenant d'un vol".
Le trésor hétéroclite comprend notamment six petites huiles sur toile et 28 lithographies (dont 14 fois la même), des collages cubistes, des carnets de dessin.
L'avocat du couple, Me Charles-Etienne Gudin, distingue seulement une dizaine d'oeuvres de valeur, le reste étant "très médiocre". D'ailleurs "Picasso n'a jamais cherché à les vendre !", dit-il.
Le Guennec remarqué quand il a fait authentifier les oeuvres
Face aux Le Guennec, Claude Picasso, fils du peintre et administrateur de la Picasso Administration qui authentifie ses oeuvres et gère les droits, ainsi que six autres héritiers de Picasso et de ses quatre muses, se sont portés parties civiles.
Sept témoins seront cités, dont l'ancienne présidente du musée Picasso Anne Baldassari et Claude Sassier, fils d'une gouvernante de l'artiste.
Le cadeau secret avait fait sensation lorsque Pierre Le Guennec s'était rendu à Paris à l'automne 2010 auprès de la Picasso Administration pour obtenir des certificats d'authentification.
"Ils ne se souviennent de rien, s'ils ont reçu ce don en 1970, 1971, 1972 (...) Si on vous donne 271 Picasso, vous vous en souvenez !", a fait valoir Jean-Jacques Neuer, avocat de Claude Picasso, avant le procès.
Les oeuvres s'échelonnent entre 1900 et 1932. "Il faudrait imaginer que Picasso les a gardées pendant 70 ans et a une volonté tout à coup de les donner", note-t-il.
La maison de Mougins était une forteresse
Elles ne sont pas signées. Or, "Picasso signait au dernier moment, pour les donner ou les vendre", rappelle cet administrateur de la succession de l'artiste. L'ancien électricien dispose seulement d'une brochure d'exposition dédicacée en 1971. "Cela montre leur niveau de proximité !", assène Me Neuer.
"Quand vous faites un cadeau, vous allez choisir une chose précise qui correspond à la personne. Picasso offre ici des oeuvres qui n'ont rien à voir les unes avec les autres. Notamment des collages cubistes extrêmement précieux, 10% de sa production ! Mais aussi deux carnets de dessins, des instruments de travail dont il ne se serait pas dessaisi", détaille-t-il.
"Le problème n'est pas de savoir si Picasso était généreux ou pas", argue l'avocat. "Picasso n'était pas quelqu'un d'inconscient de ses oeuvres, il ne donnait pas n'importe comment."
Pour Me Gudin, "ce n'était pas facile de voler dans les ateliers de Picasso qui avait une mémoire extraordinaire". Et de décrire sa dernière demeure comme "une forteresse" surveillée par deux gardiens.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.