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Intermittents du spectacle : un système trop généreux ?

Les intermittents du spectacle dans la rue ce jeudi après-midi à Paris et dans plusieurs villes de province. Au moment où reprennent les négociations entre partenaires sociaux sur l'assurance chômage. Les intermittents sont vent debout contre les récentes propositions du Medef de supprimer leur régime spécifique d'indemnisation, jugé trop favorable. Ce système est-il en effet trop généreux ?
Article rédigé par Jérôme Jadot
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (SIMON DAVAL Maxppp)

Ce qui est sûr c'est que ce régime a un coût : il est estimé à un peu plus de 300 millions d'euros. Le déficit de l'assurance chômage est à quatre milliards 300 millions. C'est un coût plutôt stable, qui n'a pas cru avec la crise. C'est en fait l'économie qui serait réalisée si les intermittents étaient soumis aux mêmes règles d'indemnisation que les autres salariés.

Doublement indemnisé

Aujourd'hui, un intermittent - c'est à dire en principe un artiste ou un technicien, dans le spectacle ou l'audiovisuel - qui travaille quatre mois peut être indemnisé pendant le double, c'est à dire huit mois. Un salarié "lambda" qui travaille quatre mois sera, lui, indemnisé uniquement pendant quatre mois.

"Inéquitable ", dit le Medef

C'est ce qui ressort de plusieurs rapports de la Cour des comptes et c'est donc aussi ce que dit le Medef. Jean-François Pilliard, négociateur de l'organisation patronale, confirme sur France Info qu'il entend bien relancer le débat : "Est-il légitime qu'une catégorie de salariés bénéficie de différences très importantes avec le droit commun ? Admettre de telles disparités nous paraît très discutable ".

D'où la proposition du Medef de faire payer la différence de coût par l'Etat, ou tout simplement de supprimer ces règles spécifiques pour les intermittents.

Les intermittents bondissent... ainsi que des patrons

Il s'agit des patrons du secteur culturel, qui ne sont pas représentés par le Medef, et qui l'accusent de faire preuve d'une "ignorance crasse ", mais également de Laurence Parisot, ex-patronne des patrons, qui a pris soin cette semaine de dégommer l'idée de ses successeurs : "L'artiste n'est pas quelqu'un qui travaille comme les autres. On ne peut pas quantifier son travail comme celui des autres métiers. Il faut intégrer cette spécificité, c'est l'intérêt de notre économie. Bien souvent quand vous êtes un dirigeant chinois, si vous avez envie de discuter d'un prochain Airbus à acheter, c'est aussi parce que vous avez été admiratif de la culture française ".

Laurence Parisot applaudie par la CGT

La CGT spectacle rappelle que les heures prises en compte pour l'indemnisation des intermittents ne reflètent pas forcément leur travail effectif. Les répétitions ou le temps passé à monter un projet ne sont pas comptés. Ajouté au caractère volatile du travail dans ce secteur, cela justifie le maintien de règles spécifiques, selon le secrétaire général de la CGT spectacle, Denis Gravouil : "La suppression du régime des intermittents, c'est la fin de l'existence professionnelle pour tous les plus fragiles. Et ce n'est pas en nivelant par le bas les droits de 10 ou 12.000 intermittents qu'on va améliorer le sort du reste des demandeurs d'emploi ".

Abus difficiles à quantifier

Chacun s'accorde à dire qu'il y a des abus, même s'ils sont difficiles à quantifier. D'après la Cour des comptes qui parle de "dérive massive " en 2007, 15% des intermittents étaient en fait salariés de façon permanente ou quasi permanente par un même employeur.

Et puis les professionnels du secteur ne sont pas contre une réforme. L'économiste Mathieu Grégoire a travaillé sur les propositions des entrepreneurs du spectacle vivant, propositions en partie soutenues par les syndicats : "C'est l'idée d'un cumul fixé à 3.000 euros. Au-dessus de 3.000 euros, on a le droit de toucher des salaires, mais pas des indemnités supplémentaires. Et on reviendrait aussi à un système à date anniversaire. Tous les ans, à la même date, les intermittents devraient revoir leurs droits. Ce système aboutirait à environ 100 millions d'euros d'économies ".

 
Alors y aura-t-il vraiment négociations sur ce sujet ultra-sensible ? En 2003, la fronde des intermittents avait abouti à l'annulation de festivals, dont celui d'Avignon. La question est d'ors et déjà aussi très politique, avec Aurélie Filippetti qui a accusé le Medef de vouloir "tuer la culture ". Certains syndicats se demandent si le Medef n'est d'ailleurs pas là dans une position uniquement tactique, dans une négociation sur l'ensemble des règles d'indemnisation de l'assurance chômage, avec aussi en toile de fond de possibles interférences avec les pourparlers sur le pacte de responsabilité Réponse à toutes ces questions fin mars, date à laquelle les discussions sont censées être bouclées. D'ici là les happenings militants des intermittents du spectacle devraient continuer d'occuper le devant de la scène médiatique.

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