Inde : première biennale d'art dans le bidonville de Dharavi à Bombay
Qu'il s'agisse de pots peints à la main sur les maladies sexuellement transmissibles ou d'une carte brodée indiquant les lieux connus de violence domestique, la biennale de Dharavi veut sensibiliser sans être moralisatrice, indiquent ses organisateurs. Ils veulent aussi mettre en valeur ce quartier, où habitent 750.000 personnes, souvent présenté comme un lieu de grande misère mais qui est aussi une ruche d'activités économiques.
"Nous constatons que Dharavi est une terreau de richesses, de talent et d'art qui passe inaperçu lorsque l'on montre la misère et les taudis", relève le codirecteur du festival Nayreen Daruwalla. Le prince Charles avait cité en 2010 Dharavi comme un modèle de mode de vie durable, saluant l'importance du recyclage des déchets et "l'ordre et l'harmonie" de la communauté, par contraste avec les lotissements "fragmentés" des pays occidentaux.
Les visites guidées des mini-usines de Dharavi, qui produisent toutes sortes de biens, sont désormais populaires chez les touristes. Des initiatives ont éclos, comme le groupe de hip hip les SlumGods, pour changer la perception négative des étrangers. Mais les habitants peinent toujours à joindre les deux bouts et "le danger existe de basculer à l'opposé et d'idéaliser" leur vie, estime Daruwalla, rappelant la surpopulation qui sévit, l'air vicié et le manque de toilettes.
Une première exposition, il y a 2 ans
L'ONG Society for Nutrition, Education and Health Action a organisé il y a deux ans à Dharavi une exposition baptisée "Dekha Undekha" ("Vu, jamais vu") pour susciter grâce à l'art le débat sur l'hygiène et la santé des mères. De ce succès est né le projet de biennale, plus ambitieux et financé par l'ONG britannique Wellcome Trust qui culmine ce mois-ci avec des expositions et événements en divers endroits du quartier.
La biennale de Dharavi a peu à voir avec les grandes foires artistiques organisées ailleurs dans le monde, souligne David Osrin, codirecteur de l'événement pour qui le choix de cette appellation relève "un peu de la plaisanterie mais aussi un peu d'un choix idéologique". "L'esprit et la structure de notre biennale sont très très différents", a-t-il dit à l'AFP. A Dharavi, l'accent a été mis sur la participation des habitants lors d'ateliers supervisés par des artistes. Parmi les oeuvres, l'"Immunity Wall" dépeint le système immunitaire humain à partir de matériaux recyclés et d'objets du quotidien: des pompons de cheveux roux pour les globules rouges, des éponges pour les lymphocytes B et des bracelets souples pour les anticorps.
Un esprit différent
"C'est assez ambitieux d'essayer de présenter des oeuvres d'art pour parler de santé sans être moralisateur et nous pensons y être parvenus mais il sera intéressant de savoir ce qu'en pensent les visiteurs", dit Osrin. L'organisation a relevé du défi logistique, que ce soit pour trouver des espaces d'exposition ou du financement. Présenter des oeuvres conformes au mot d'ordre du développement durable et de la santé s'est parfois avéré délicat, souligne la spécialiste des jardins urbains Adrienne Thadani, qui a travaillé sur le recours aux plantes d'intérieur pour améliorer la qualité de l'air dans les logements. "En employant des pots d'argile venant de l'artisanat local pour créer des jardins d'intérieur faciles à reproduire, nous avons utilisé des fours alimentés en chiffons usagés qui polluaient un peu plus l'air", explique-t-elle.
Mais surtout, la biennale a fait du bien au moral des habitants de Dharavi, comme Saraswati Bhandare, étudiante qui a fabriqué des marionnettes géantes pour le spectacle d'inauguration sur le thème de la tuberculose. "Les gens pensent qu'il s'agit d'un bidonville de personnes sans éducation, mais en réalité c'est le foyer de nombreux talents. Nous sommes fiers d'être de Dharavi", dit-elle.
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