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Fantômes d'Asie : six figures surnaturelles pour vous faire peur au Quai Branly

La figure du fantôme hante l'imaginaire de l'Asie. Le Musée du Quai Branly vous propose de plonger dans le monde des esprits japonais, thaïlandais, chinois, des mythes traditionnels à leurs adaptations contemporaines, de l'estampe ou du masque au cinéma d'horreur, au manga et au jeu vidéo (jusqu'au 15 juillet).
Article rédigé par Valérie Oddos
France Télévisions - Rédaction Culture
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Utagawa Kuniyoshi (1797-1861), La princesse Takiyasha et le spectre squelette
 (Victoria & Albert Museum, London)

Frisson garanti au Quai Branly qui a plongé les salles de la galerie Jardin dans une semi-obscurité pour accueillir spectres, démons et autres vampires sauteurs ou femmes-chats. Dans la philosophie bouddhiste, les enfers sont un purgatoire où les morts sont soumis à des supplices pour expier leurs fautes avant d'être réincarnés. Ils reviennent parfois hanter les vivants. Leurs histoires sont racontées dans des dessins, des sculptures, des jeux vidéo ou des extraits de films parfois très gore, comme "Narok", film thaïlandais de 2005, où des corps nus et luisants sont embrochés au milieu des flammes de l'enfer.

Voici quelques figures surnaturelles rencontrées dans l'exposition : 

Le fantôme d'Oyuki, par Maruyama Okyo
 (musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain)

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Le fantôme d'Oyuki
A partir du 17e siècle, les artistes japonais créent l'image du fantôme (yurei), inspiré notamment du théâtre, dépeigné et vêtu d'un linceul. Ils font sur rouleau de soie ou de papier des peintures de taille quasi humaine. On raconte que Maruyama Okyo, le précurseur de la peinture de yurei, s'inspirait des visions qu'il avait de son épouse disparue, Oyuki. Ses cheveux en bataille et le simple linceul sont contraires aux codes du portrait féminin idéal qu'on voit sur les estampes. Le fantôme japonais n'a pas de pieds, il émerge de l'entre-deux mondes.
L'affiche du film "Arima Neko" de Shigeru Kito (1937), qui met en scène la "femme-chat"
 (Shinko Kinema Oizumi/DR © musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain)
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La femme-chat
Alors que vampires et loups-garous triomphaient sur les écrans occidentaux, c'est la femme-chat (kaibyô) aux talents d'acrobate, sorte de chat-vampire, qui terrorise les Japonais. Ce personnage qui boit le sang d'une fille pour usurper son identité va régner sur les films d'horreur, inspirés du théâtre kabuki, comme "Le Chat d'Arima", de Shigeru Kito (1937). Au Japon, les chats protégeaient les rouleaux sacrés des temples contre les rongeurs. Ils étaient donc facilement associés au monde des esprits.
Peinture sur soie du fantôme d'Oiwa, signée Ikkyo (fin du 19e, début du 20e siècle), Mingei Arts Gallery
 (musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain)
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Oiwa
Oiwa, le fantôme japonais le plus célèbre, est un spectre particulièrement effrayant : son mari l'a fait empoisonner et jeter dans une rivière. Affreusement défigurée, la pauvre fille revient le hanter jusqu'à ce qu'il sombre dans la folie et qu'il tue sa nouvelle femme. L'histoire d'Oiwa, à l'origine une pièce de kabuki écrite en 1825, a donné lieu à de nombreux films et continue à inspirer la J-Horror, nouvelle vague de l'horreur japonaise des années 1990-2000.
Des "phi prêt", damnés faméliques thaïlandais, au Quai Branly
 (musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Gautier Deblonde)
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Les "phi prêt", damnés faméliques
En Thaïlande, la croyance aux esprits, les "phi", coexiste avec le bouddhisme. Ils sont de plusieurs natures. Le "phi prêt", un damné famélique, a été condamné par les juges des enfers à souffrir de la faim à cause de ses mauvaises actions passées, ou parce que le rituel funéraire n'a pas été respecté. Sa bouche, petite comme le chas d'une aiguille, l'empêche de se nourrir. Il n'absorbe que la fumée qui se dégage des aliments et aime donc les plats fumants cuits à la vapeur. Il erre parfois parmi les vivants. Vers les années 1970, le thème des supplices infernaux a pris de l'ampleur et sont apparus des "jardins des enfers" peuplés de "phi prêt" sous forme de sculptures géantes assez gore comme celles-ci.
L'affiche "Mè nak phra Khanong" (La femme fantôme), film d'épouvante thaïlandais de la fin des années 1970 tiré de l'histoire de Nang Nak © Droits réservés
 (© musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Claude Germain)
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Nang Nak, un spectre sentimental
Ce film d'épouvante de la fin des années 1970 est tiré de l'histoire de Nang Nak, le fantôme le plus célèbre en Thaïlande. Selon la légende, l'histoire s'inspire de faits réels qui se sont déroulés au XIXe siècle dans un village aujourd'hui intégré à Bangkok. La jeune mademoiselle Nak meurt en donnant naissance à un garçon alors que son mari est parti à la guerre. Quand il revient, il retrouve sa femme et son enfant mais ignore qu'ils sont des fantômes. Les voisins qui connaissant la vérité veulent tout lui dire mais chaque fois que l'un d'entre s'apprête à le faire, il est tué par Nak, qui ne veut pas être séparée de son mari. L'histoire a inspiré plusieurs films, dont le premier est un film muet de 1930.
 
Nang Nak a aujourd'hui un sanctuaire où les femmes viennent voir une statue à son effigie pour y faire le vœu d'avoir un enfant.
Des vampires sauteurs chinois
 (musée du quai Branly - Jacques Chirac, photo Gautier Deblonde)
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Les vampires sauteurs
Les vampires sauteurs (jiangshi), présents dans la littérature chinoise depuis le 18e siècle, se nourrissent du "qi" (souffle vital) des vivants. Imitant les vampires occidentaux, aujourd'hui ils boivent aussi leur sang. Vêtus en mandarins, ils sautent à pieds joints pour se déplacer car il était d'usage d'attacher les chevilles des cadavres pour qu'ils ne puissent pas revenir parmi les vivants. Visiblement, ça n'a pas suffi. Au début des années 1980, l'acteur et producteur de cinéma hongkongais Sammo Hung a créé les films de "kung fu zombies" où des prêtres exorcistes (fashi) affrontent ces vampires sauteurs. Comme l'ail et le crucifix pour nos vampires, celui qui combat le jiangshi peut le repousser avec un miroir, le symbole du ying et du yang, du saké ou du riz gluant.
 

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