Des chercheurs vont au musée pour comprendre les pollutions passées
Des chercheurs ont étudié plusieurs centaines de tableaux de grands maîtres. Ils y ont trouvé des indices des quantités d'aérosols volcaniques présents dans l'atmosphère à l'époque.
Et si les indices des grandes pollutions de l'histoire se trouvaient là, accrochés aux murs des galeries d'art ? C'est la thèse d'une équipe de chercheurs, qui pensent que les tableaux de grands maîtres sont à ce point fidèles qu'ils peuvent nous renseigner sur les pollutions atmosphériques du passé. Après avoir examiné à la loupe des centaines de toiles des cinq derniers siècles, ils ont publié leurs conclusions dans la revue spécialisée Atmospheric Chemistry and Physics (en anglais), mardi 25 mars.
William Turner, témoin d'une éruption indonésienne
Les chercheurs prennent appui, entre autres, sur l'œuvre de William Turner (1775-1851), témoin éloigné de l'éruption du volcan Tambora (Indonésie) – la plus meurtrière de l'histoire – en avril 1815. La quantité de cendres envoyée à plus de 40 km d'altitude fut telle qu'elle fit plusieurs fois le tour de la Terre. Ce "voile" provoqua à l'époque de spectaculaires couchers de soleil rouges et orangés, comme celui immortalisé par le peintre britannique dans Didon construisant Carthage. Idem pour l'éruption du Krakatoa indonésien en 1883, parfaitement lisible dans les paysages d'Edgar Degas (1834-1917) les deux années suivantes, selon l'étude.
Christos Zerefos et ses collègues ont donc analysé des centaines de couchers de soleil peints entre 1500 et 2000, témoins potentiels d'une cinquantaine d'éruptions volcaniques majeures. "Nous avons découvert que le rapport entre la proportion de rouges et la proportion de verts dans les crépuscules peints par les grands maîtres correspond bien avec la quantité d'aérosols volcaniques dans l'atmosphère."
Les particules en suspension modifient le spectre lumineux
"Dans la coloration des couchers de soleil, c'est la façon dont le cerveau perçoit les verts et les rouges qui renferme des informations importantes sur l'environnement", explique le Christos Zerefos, spécialiste des sciences atmosphériques à l'Académie d'Athènes. Les particules en suspension dans l'air ont la faculté de dévier une partie des rayons du soleil, ce qui modifie les nuances du spectre visible par l'œil. Et du même coup, les nuances retranscrites sur la toile par les peintres.
Cette méthode d'analyse des tableaux peut être utilisée directement dans les modèles climatiques. Elle pourrait permettre d'avoir une idée plus précise de la façon dont les aérosols et les pollutions atmosphériques ont affecté le climat au cours des siècles derniers. C'est "une autre façon d'exploiter les informations environnementales sur l'atmosphère dans des endroits et des siècles où les instruments de mesure n'étaient pas disponibles", résume Christos Zerefos.
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