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Bernard Maris, dit "Oncle Bernard" : pédagogue hors pair, économiste iconoclaste

L'économiste iconoclaste de gauche Bernard Maris a été tué à 68 ans dans l'attentat contre l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo, dont il était actionnaire et l'un des chroniqueurs les plus estimés. C'était un intellectuel brillant, reconnu pour la qualité de sa pensée et de sa pédagogie, ainsi qu'un homme "tolérant et bienveillant".
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
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Bernard Maris en novembre 2014.
 (BALTEL/SIPA)

"C'était un homme tolérant, bienveillant, amical, bourré d'humour et surtout ne se prenant pas au sérieux", a raconté ému, l'éditorialiste des Echos Dominique Seux, qui débattait avec lui chaque semaine sur France Inter. "Bernard Maris était un homme de coeur, de culture et d'une grande  tolérance. Il va beaucoup nous manquer", a déclaré de son côté dans un communiqué Christian Noyer, le gouverneur de la Banque de France, saluant celui qui a été nommé en 2011 au conseil général de la banque centrale.

Brillant économiste... 

Né en 1946, diplômé de l'Institut d'études politiques de Toulouse en 1968, agrégé de sciences économiques en 1994, il avait récemment achevé sa carrière d'enseignant-chercheur à l'université Paris 8 après un détour plus ancien par Toulouse I.

Originaire de ce sud-ouest dont il avait gardé un bel accent qui le rendait reconnaissable dans n'importe quel débat, l'économiste a longtemps défendu les thèses de la décroissance, prônant les valeurs de l'économie collaborative et participative et fustigeant les ravages de la société de consommation.

"On peut dire de lui qu'il était anti-libéral, de gauche... anarcho-keynesien", décrit Dominique Seux, insistant sur le fait qu'il représentait "la pensée économique de nombre de Français". Membre du conseil scientifique d'Attac et candidat des Verts aux législatives de 2002, Bernard Maris était aussi un universitaire reconnu. En  2011, le président du Sénat Jean-Pierre Bel avait créé la surprise en le choisissant pour intégrer le conseil général de la Banque de France. 
Récemment, Bernard Maris s'était attiré les foudres, y compris à gauche, après avoir pris position pour la disparition de l'euro.


... et pédagogue hors pair

"C'est tellement emmerdant l'éco ! Faut reconnaître que c'est plus agréable de lire de la poésie... Et en même temps, ça nous concerne tous. Alors, mon vrai plaisir - en dehors de la petite satisfaction personnelle et égocentrique de voir ma trombine dans les médias - est de me faire apostropher par un auditeur ou un télespectateur me disant : avec vous, on comprend !, avait-il ironisé dans un entretien avec Telerama en 2008.

Chercheur reconnu, Bernard Maris était en effet aussi un pédagogue hors pair, un véritable passeur. Esprit clair, sachant parler simple et doté d'une redoutable modestie. Il a écrit de nombreux ouvrages aux titres évocateurs parmi lesquels "Ah que la guerre économique est jolie !" en 1998, "Lettre ouverte aux gourous de l'économie qui nous prennent pour des imbéciles" en 2003 ou "Marx, oh Marx, pourquoi m'as-tu abandonné?" en 2010. Mais ce sont ses "Anti-manuels d'économie" sortis au début des années 2000, et dont le premier tome est consacré aux fourmis et le second aux cigales, qui ont connu le plus de succès.

  (Editions Bréal)
Toujours sur plusieurs fronts, il avait publié en 2014 "Houellebecq économiste" (Flammarion). Il voyait en effet dans les romans de l'écrivain provocateur une analyse lucide des rapports économiques, du monde du travail et de la désindustrialisation. Selon Livres Hebdo, Grasset doit publier en avril prochain "Et si on aimait la France ?", un essai dans lequel Bernard Maris estime que les Français, qu’ils soient bobos, enfants d'immigrés, patriotes ou banlieusards, sont unis par leur pays.

"Oncle Bernard", journaliste et écrivain

Il était familier de beaucoup pour ses multiples interventions à la radio et à la télévision et ses tribunes dans la presse. Et illustrait ses talents de vulgarisateur jusqu'à devenir tellement inclassable qu'il était souvent présenté comme un "journaliste-économiste".
   
Parmi ses casquettes, celle de chroniqueur à Charlie Hebdo était l'une des plus importantes. Actionnaire de l'hebdomadaire satirique depuis 1992, il y rédigeait chaque semaine un billet signé "Oncle Bernard", qui "faisait référence" selon Dominique Seux. 
  
Bernard Maris s'était aussi essayé au roman : il a publié "Pertinentes Questions morales et sexuelles dans le Dakota du Nord" en 1995 et "L'Enfant qui voulait être muet" en 2003 récompensé du prix Leclerc des libraires. Il défendait enfin la mémoire de l'écrivain Maurice Genevoix, grand témoin de la guerre de 14-18, dont il avait épousé la fille, Sylvie Genevoix (décédée en 2012).

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