Oscar Niemeyer, le grand architecte brésilien, est mort
Niemeyer "est décédé à 21h50" (locales, soit 23h50 GMT), a déclaré la porte-parole de l'hôpital Samaritano. L'architecte "a présenté une aggravation de son infection respiratoire, qui a provoqué son décès", a précisé l'hôpital.
Une veillée mortuaire sera organisée à Brasilia jeudi après-midi dans le Palais du Planalto, siège du gouvernement fédéral, un bâtiment construit par Niemeyer. Le corps sera ensuite rapatrié à Rio pour les obsèques vendredi.
Une figure majeure de l'architecture
Oscar Niemeyer est une figure majeure de l'histoire de l'architecture moderne. Il a conçu les bâtiments phare de la capitale Brasilia, inaugurée en 1960, un travail pour lequel il a été récompensé par le Pritzker (le Nobel de l'architecture) en 1988.
Depuis quelques années sa santé s'était détériorée, il avait été hospitalisé plusieurs fois au cours des derniers mois et une fracture du bassin l'obligeait à se déplacer dans une chaise roulante. Tout cela ne l'a jamais empêché de continuer à travailler. En février dernier, il avait visité les travaux de rénovation du Sambodrome, qu'il avait construit il y a trente ans et où se déroulent les défilés du Carnaval de Rio. Même s'il disait "qu'avoir plus de cent ans c’est la merde", il se disait content "de voir le Brésil aller mieux", Il avait fété ses 104 ans lors d'un cocktail avec sa famille et ses amis dans son atelier de Rio. "L'ex-président Luiz Inacio Lula da Silva (2003-2010) a été un grand président, un ami du peuple", avait-il alors déclaré, assis dans sa chaise roulante.
L'architecture internationale
Né en 1907 dans une famille bourgeoise d'origine allemande, portugaise et arabe, Oscar Niemeyer étudie l'architecture aux Beaux Arts à Rio, un enseignement qu'il juge trop classique. Il s'intéresse à l'architecture moderne internationale, européenne et nord-américaine, de Walter Gropius à Frank Lloyd Wright en passant par Ludwig Mies van der Rohe ou Le Corbusier. Il fait un stage dans l'agence de l'architecte Carioca. En 1936, il participe au groupe ayant oeuvré à la conception du nouveau siège du ministère de l'Education et de la Santé à Rio de Janeiro pour le gouvernement de Getúlio Vargas. En 1952, il travaille avec Le Corbusier sur le projet du siège de l'ONU à New York.
En 1956, Niemeyer participe à la création de la nouvelle capitale administrative du Brésil. Il conçoit les principaux équipements publics de la ville, dont la cathédrale, le Congrès National du Brésil, les ministères, où il allie la légèreté du verre et la brutalité du béton. Brasilia, inaugurée le 21 avril 1960, lui assure une notoriété internationale.
Son style en rondeurs était inspiré, disait-il, par les courbes des Cariocas, des plages où elles prennent le soleil et des pains de sucre qui les entourent. "Voilà l'architecture que je fais: la recherche de formes différentes et nouvelles. La surprise est la clé de tous les arts. Le potentiel artistique du béton armé est tellement fantastique. C'est la voie à suivre", disait-il, dans un entretien accordé en 2006 à Reuters.
Un homme engagé
Homme engagé, Niemeyer choisit l'exil en France lorsque le Brésil bascule dans la dictature militaire en 1964. Proche du PC, il construit le siège du parti à Paris, et celui du journal "L'Humanité" à Saint-Denis. Arrivé en 1967 en France, il donne à sa terre d'accueil près de vingt édifices, comme la Bourse du travail à Bobigny, ou le centre culturel Le Volcan du Havre.
Il avait aussi dessiné le Musée d'art contemporain de Niteroi (1996), près de Rio, célèbre pour sa forme de soucoupe volante.
Oscar Niemeyer avait obtenu en 1988 le Pritzker (Nobel d'architecture).
Le petit homme frêle au regard vif aimait se rendre tous les jours dans son atelier aux grandes baies vitrées donnant sur la plage de Copacabana. Depuis quatre ans, il ne se déplaçait plus qu'en chaise roulante, après une fracture du bassin. Au cours des dernières années, il avait été hospitalisé à plusieurs reprises, la dernière le 2 novembre en raison d'une déshydratation et pour la pose d'une sonde gastrique. Depuis, sa fonction rénale s'était détériorée, d'après son médecin.
Lors du dernier carnaval de Rio, l'architecte avait encore visité les travaux de rénovation du sambodrom qu'il avait construit il y a trente ans et où auront lieu certaines compétitions des Jeux Olympiques de 2016.
A plus de 100 ans, Niemeyer éditait encore la "Revista Nosso Caminho", trimestriel consacré à l'architecture, la littérature et l'art, avec sa femme Vera Lucia, 66 ans, qu'il a épousée à l'âge de 98 ans.
L'infatigable architecte brésilien a dessiné une architecture moderne, il a ouvert la voie sur l'ère contemporaine, faisant de la courbe sa marque de fabrique et la figure de son élégance.
Hommages au Brésil et dans le monde
"Le Brésil a perdu un de ses génies et c'est un jour pour pleurer", a déploré la présidente Dilma Roussef, qualifiant aussi Niemeyer de "révolutionnaire" qui a toujours "rêvé d'une ,société plus égalitaire".
"Il est parti, mais restera toujours parmi nous, présent dans les lignes des bâtiments qu'il a plantés au Brésil et dans le monde", a écrit l'ex-président Lula.
Le gouverneur de Rio, Sergio Cabral, a décrété un deuil de trois jours dans l'Etat en hommage "au génie de l'architecture mondial, ferme dans ses convictions et aimé du peuple brésilien".
A Paris, la ministre de la Culture française, Aurélie Filippettei, a salué "un des très grands bâtisseurs de notre temps". "Courbes libres et sensuelles, malléabilité et poésie du béton armé, refus du fonctionnalisme comme du rationalisme : sa signature reconnaissable entre toutes est gravée dans le paysage institutionnel des grandes capitales et particulièrement en France, où il avait choisi de vivre dans les années 1970", rappelle-t-elle.
Le Premier ministre français Jean-Marc Ayrault lui a aussi rendu hommage, rappelant qu'Oscar Niemeyer n'avait jamais renié ses idéaux qui l'avaient conduit en exil en France.
Le maire de Paris Bertrand Delanoë a salué un "architecte immense, un travailleur infatigable, un grand témoin du siècle dernier".
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