ALAgrApHY au Grand Palais : une mosaïque photographique créée par intelligence artificielle
L’artiste ALAgrApHY, spécialisé dans l’intelligence artificielle, expose l’une de ses œuvres au Grand Palais du 13 au 17 février. Il figure parmi les 2000 exposants d’Art Capital, un salon qui présente chaque année les travaux des artistes contemporains. Rencontre avec ce créateur très innovant.
Lorsqu’on le retrouve sous la nef du Grand Palais, tout est déjà prêt. L'artiste ALAgrApHY, ou AL, a accroché son œuvre "D(’)âme(s) Souriante(s)" aux murs de la section photographie et art digital. Il connaît bien les lieux, pour y exposer pour la seconde fois : "je voulais l’installer face au soleil pour que la lumière laisse voir ses reflets brillants", dit-il.
Puzzle
Son œuvre n’est pas une photographie comme les autres. Sa forme esthétique, une mosaïque photographique, interpelle. Elle dresse le portrait d’une vieille dame, sourire aux lèvres, à la manière d’un puzzle. Mais quelles sont les pièces qui le composent ? En s’approchant d’un peu plus près, des milliers de visages se laissent deviner. Accolés les uns aux autres, ils dessinent les contours bien définis d’une silhouette. "Un jour, un homme a sorti une loupe pour mieux distinguer les visages. Il les a parcourus sans un mot pendant une demi-heure."
Cette "dame souriante" déborde d’humanité. Humanité ? C’est pourtant une machine qui l’a créée, au moins partiellement. Pour lui donner vie, l’artiste a mis à contribution son ordinateur en fonctionnant par paliers. Première étape : choisir une photographie qu’il a lui-même capturée. Deuxième étape : nourrir la machine d’images de visages pour qu’elle les mémorise. Troisième étape : lui faire générer à son tour des milliers d’images de visages fictifs. Dernière étape : assembler les visages entre eux pour reconstituer la photographie originelle. Une œuvre en quatre étapes, à quatre mains, ou plutôt à deux cerveaux.
Enseigner l’art à des machines
Depuis près de cinq ans, AL mêle code informatique et création artistique. Scientifique de formation, titulaire d’un doctorat en intelligence artificielle, il est l’un des précurseurs de l’apprentissage de l’art à des robots. La science et l’art, deux disciplines qu’il juge complémentaires, voire indissociables dans le cadre de ses expérimentations : "La science n’arrivait pas à répondre à toutes mes questions ; c’est l’art qui a enrichi cette recherche."
Quand on lui demande si son travail est vraiment de l’art, il répond par l'affirmative. Pour AL, l’intelligence artificielle est un outil d’expression artistique, rien de plus. Il est convaincu qu’on n’assistera jamais au remplacement de l’artiste par la machine. Il compare d’ailleurs l’essor des robots-artistes à celui de l’appareil photo : "Quand on a inventé l’appareil photo, tout le monde pensait qu’on allait détruire les artistes et tuer l’art. Mais en réalité, on a juste créé une nouvelle forme d’art."
"Je suis, parce que nous sommes"
Mi-scientifique, mi-photographe, mais aussi mi-artiste, mi-activiste, AL se définit comme "artiviste". Polyglotte, il a vécu dans plusieurs pays de cultures très différentes, du Liban aux Etats-Unis, à la France et au Portugal. Par son art digitalisé et très connecté, il cherche à transmettre un message de paix et de coexistence. "Je ne serais rien sans ce que sont les autres", raconte-t-il.
L’une de ses premières œuvres, une mosaïque de la fête indienne Holi, est composée de toutes les photos de profil de ses amis Facebook. C’est l’intelligence artificielle qui les a agrégées. Son nom : "UBUNTU – I am because we are" ("Je suis parce que nous sommes"). Un moyen de rappeler qu’il a toute une collection de visages et de sources d’inspiration en tête.
Allez au Grand Palais. Armés d’une loupe, vous aussi, vous pourrez observer de plus près la forme des visages sortis tout droit du cerveau d’un système informatique.
Sa "D(’)âme(s) Souriante(s)" est à retrouver au Salon Comparaisons d’Art Capital au Grand Palais, jusqu’au 17 février.
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