À Toulouse, la Fondation Bemberg rouvre ses portes après travaux : une fabuleuse collection d'art de nouveau accessible au public
Avec ses cinq siècles d'histoire de l'art européen accueillis dans un "fleuron" d'architecture Renaissance, la riche collection Bemberg a retrouvé les regards du public vendredi 2 février à Toulouse, après plus de trois ans de travaux de rénovation.
"Des œuvres d'art abritées par une œuvre d'art", c'est ainsi que parle Ana Debenedetti pour évoquer la Fondation Bemberg dont elle a pris les rênes en juillet 2022 après des années passées au Victoria & Albert Museum de Londres.
L'hôtel d'Assézat, un chef-d'œuvre de l'architecture de la Renaissance
Car c'est ce qui frappe le visiteur lorsqu'il entre dans la vaste cour pavée de l'hôtel d'Assézat, dans la vieille ville de Toulouse. Le bâtiment qui porte le nom de celui qui l'a fait construire, un marchand du XVIe siècle qui s'était enrichi dans le commerce du pastel, est un "chef-d'œuvre hors normes", selon Pascal Julien, historien d'art et commissaire de l'exposition Toulouse Renaissance organisée au musée des Augustins en 2018.
"C'est l'hôtel particulier de la Renaissance française le mieux conservé, le plus remarquable et le plus intéressant d'un point de vue historique et esthétique", dit encore Pascal Julien. C'est aussi "un des fleurons du patrimoine historique de la mairie de Toulouse", déclare à l'AFP son premier magistrat, Jean-Luc Moudenc, qui se félicite de la réouverture de ce "magnifique écrin".
Les travaux visaient à la réhabilitation des espaces, le renouvellement de la muséographie, la création de nouveaux espaces pour les expositions temporaires, la création d'une billetterie-boutique et d'un accès pour les personnes à mobilité réduite. Pour cet édifice où la ville lui a proposé d'installer sa collection en 1995, le collectionneur Georges Bemberg a eu un véritable "coup de cœur", comme ceux qu'il a ressentis pour les centaines d'œuvres d'art qu'il a accumulées au cours de son presque siècle de vie (1915-2011), selon Ana Debenedetti.
700 œuvres, de Titien à Picasso
"On sait très peu de choses sur la façon dont il a construit cette collection", a expliqué à l'AFP Anne Sauvageot, autrice d'une biographie sur cet homme "profondément cosmopolite", également passionné de musique et de littérature. Issu d'une famille d'industriels argentins d'origine allemande ayant fait fortune dans la bière, Georges Bemberg était un esthète "extrêmement discret", dont même la famille, raconte Anne Sauvageot, n'a découvert qu'au soir de sa vie la richesse de ses acquisitions.
L'ensemble comprend en effet "plus de 700 œuvres", peintures, sculptures et objets d'art décoratif dont 400 sont présentées dans les 800 m2 d'espace muséal de la fondation. Les grands noms sont légion : pour la peinture ancienne, les Vénitiens de la Renaissance, Titien, Tintoret et Véronèse, voisinent avec les écoles du Nord, notamment représentées par cinq œuvres de Lucas Cranach l'Ancien. Le XVIIe et le XVIIIe siècle sont présents avec Francisco de Zurbaran, Luca Giordano, Antoon Van Dyck, Elisabeth-Louise Vigée-Lebrun, François Boucher…
Du côté des modernes, Georges Bemberg s'est passionné pour les impressionnistes, Caillebotte, Pissarro, Monet ou Renoir, et pour toutes les avant-gardes du début du XXe (pointillisme, fauvisme, symbolisme, etc.) avec des artistes comme Signac, Vuillard, Derain, Braque, Vlaminck, Egon Schiele ou Matisse.
Une trentaine de toiles de Bonnard
"J'ai voulu faire ressortir les goûts et la personnalité du collectionneur, les salles reflétant la passion de l'homme pour les arts décoratifs (mobilier, bronzes ou majoliques), autant que pour les beaux-arts visuels", explique à l'AFP Ana Debenedetti, qui les a mis en scène dans une muséographie épurée. Le collectionneur avait un goût particulier pour la couleur, la lumière, l'art du portrait à travers les âges, ainsi qu'un amour des savoir-faire techniques, des fils rouges que l'on retrouve tout au long de l'exposition permanente.
"Un des traits de la collection, c'est aussi d'avoir des œuvres atypiques pour certains grands noms", selon Ana Debenedetti. À noter, par exemple, ce dessin de 1917, étonnement classique, d'un certain Pablo Picasso, représentant l'oncle de Georges Bemberg, peintre et ancien élève du maître espagnol.
La visite se conclut avec l'artiste favori du collectionneur, Pierre Bonnard. "Pour Bonnard, il suffit d'être devant", disait le discret Georges Bemberg pour décrire l'évidence de l'éblouissement qu'il ressentait devant le peintre. La Fondation Bemberg possède le plus important ensemble de l'artiste après le musée d'Orsay et le musée Bonnard du Cannet. Une trentaine de ses toiles ornent les murs de cette dernière salle. Dont la préférée du collectionneur, une simple nature morte, "Les Pommes jaunes et rouges", une huile de 1920.
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