4 choses à savoir sur la 45e édition de la Fiac qui ouvre ses portes à Paris
"La Fiac, c'est le totem annuel auquel toutes les galeries française se préparent. Une Fiac réussie peut sauver des milliers d'emplois. Une mauvaise édition peut être un coup fatal", dit Thierry Ehrmann, le président d'Artprice et expert du marché de l'art contemporain. Vivier de jeunes talents, le "secteur Lafayette" est une destination désormais obligée pour un certain nombre de collectionneurs et de professionnels des musées, qui y passent beaucoup de temps à observer les nouvelles tendances.
Art moderne, art contemporain ou design : ce rendez-vous du marché artistique français, européen et mondial, accueille de jeudi à dimanche 195 galeries de 27 pays, de l'Amérique à la Chine, au Japon et à la Corée, dont 18 nouvelles venues. Parmi elles, 57 galeries françaises. Cinq galeries représenteront les nouvelles tendances du design, présent depuis 2004 à la FIAC. La présence asiatique croît toujours inexorablement : Corée du Sud, Japon et Chine notamment, qui sera représentée par cinq galeries contre deux l'an dernier.
L'événement s'ouvre plus de deux semaines après l'autodestruction d'une oeuvre de Banksy acquise pour plus d'un million d'euros chez Sotheby's à Londres. Ce pied de nez spectaculaire et ironique au marché de l'art, instaure un climat particulier, sans pour autant le mettre en danger, selon les experts du secteur. Trois sérigraphies et un objet de Banksy seront d'ailleurs exposés à la Fiac. Comme le paradoxe vivant d'un art de la révolte coté au plus haut.
La Fiac reste l'une des trois foires annuelles qui comptent avec Art Basel et la FRIEZE de Londres. Elle a la réputation d'être la plus ouverte, mais reste pourtant inaccessible à nombre de jeunes artistes français qui déplorent une trop grande présence étrangère et américaine. Une présence américaine saluée par la directrice de la Fiac, Jennifer Flay, qui observe un retour de la confiance après les attentats de 2015. Cette situation contribue à l'existence de nombreuses foires "off", au succès croissant à Paris et sa banlieue: Art Elysées, Paris internationale, Outsider Art Fair, YIA (ex-Young international Art fair), Asia Now...
Entrée trop chère ?
Sous les verrières du Grand Palais, l'entrée n'est pas accessible à tous : 38 euros, une hausse de 52 %. L'an dernier, la Fiac avait enregistré 75.000 entrées. Comme dans le passé, l'événement va s'étendre à travers Paris avec ses stands, ses installations, ses architectures éphémères dans le cadre de la "Fiac hors les murs". Et ce jusque sur la place de la Concorde et la place Vendôme, envahie par des étoiles de mer, en protestation contre le réchauffement climatique (installation des Danois Elmgreen et Dragset).
Pour soutenir les petites galeries, la Fiac a modifié sa politique tarifaire. Pour les stands de petite surface, le tarif a baissé de 5% au m2, et pour les plus grands stands, le tarif a augmenté de 2,2% en moyenne. Dix exposants (parmi plus de cent candidats), retenus par un jury, seront eux accueillis dans "le secteur Lafayette". Ces petites galeries, dont l'une vient de Calcutta depuis trois ans, bénéficient d'une tarification spéciale mise en place par le groupe Galeries Lafayette, qui prend en charge 50% du coût de leur stand, la FIAC prenant en charge le coût de l'hébergement.
Une adaptation toutefois insuffisante pour inverser la crise des petites galeries
Les petites galeriés peinent à vendre et ferment souvent leurs portes, alors que les plus grosses transactions sont réservées aux plus grandes galeries représentées sous la Nef du Grand Palais. Une sélection par la puissance financière à laquelle principalement les Anglo-Saxons répondent (20% des exposants sont nord-américains), selon des experts. Président d'Artprice et expert du marché de l'art contemporain, Thierry Ehrmann invite ainsi la Fiac à "desserrer cet étau élitiste et anglo-saxon pour ouvrir sa porte aux jeunes talents français".
3 Questions à Jennifer Flay, directrice de la Fiac
Jennifer Flay, la très déterminée directrice de la Foire internationale d'art contemporain (Fiac), cherche à corriger les disparités entre les grandes galeries du "top 50" et les PME du monde de l'art qui ont du mal à survivre.
Dans quelle atmosphère s'ouvre jeudi la Fiac 2018, alors que les marchés financiers sont instables?
Je reste très confiante même s'il serait exagéré de dire que le contexte est totalement euphorique. Le marché de l'art se porte bien pour les valeurs sûres. Mais il y a depuis un ou deux ans un ralentissement net pour les artistes installés qui ne sont pas des stars du marché, et aussi pour les jeunes artistes. Les marchés financiers sont instables et le Dow Jones a perdu des points; et les acheteurs n'évoluent pas dans un vase clos. Cependant la qualité des oeuvres que présente la FIAC est reconnue. Preuve en est la présence de très nombreux acteurs de haut niveau de très nombreux pays et, pour la première fois depuis 2016 suite aux attentats de 2015, un très grand nombre d'Américains.
Un malaise ne règne-t-il toutefois pas dans les petites galeries qui restent souvent vides et sans acheteurs ?
C'est vrai, les grandes galeries avec des valeurs sûres continuent à travailler de façon remarquable avec des prix record. Les difficultés que connaissent les galeries de moyenne ou de petite taille vont s'estomper, je l'espère, parce que c'est là que se découvrent les talents de demain. En 2017, nous avons mené une réflexion pour soutenir les galeries de petite et moyenne taille. Nous avons instauré un nouvelle structure de prix qui favorise les petites galeries sur les grandes enseignes. Les plus grands stands installés sur les grands croisements sont majorés en fonction de leur taille et de leur emplacement. En septembre, la Foire de Bale a annoncé aussi une redistribution de ses prix, Frieze London a annoncé la même chose pour ses éditions à venir, mais la FIAC a été la première."
Comment comprenez vous l'autodestruction de l'oeuvre de Banksy, fortement relayée par les réseaux sociaux, et dont l'impact pas toujours positif est important sur le marché?
Le spectaculaire exemple de Banksy est une anecdote, mais une anecdote fracassante. On a vu des singeries, des moqueries, et nombreux sont les commentaires qui circulent sur les réseaux sociaux, mais je ne pense pas que cela affectera le niveau des échanges à la Fiac. L'évènement est isolé, orchestré par l'artiste, notamment pour exprimer le fait que son oeuvre est une oeuvre de rue. Quand elle fait l'objet d'une transaction financière dans une maison de ventes, quelque part elle s'éloigne de sa nature première, démocratique, éphémère. Je ne pense pas que cela puisse avoir un fort impact sur le marché de l'art. Je ne crois pas que les réseaux sociaux favorisent une bonne connaissance du marché de l'art en tant que tel. Cela dit, ils favorisent une connaissance du paysage artistique, puisque beaucoup d'acteurs du marché de l'art publient des images, des points de vue sur les expositions qu'ils ont vues.
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