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21 nuits avec Pattie

Un film d’Arnaud et Jean-Marie Larrieu, avec Isabelle Carré, Karin Viard et André Dussollier
Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
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Synopsis**

Au cœur de l’été, Caroline, parisienne et mère de famille d’une quarantaine d’années, débarque dans un petit village du sud de la France. Elle doit organiser dans l’urgence les funérailles de sa mère, avocate volage, qu’elle ne voyait plus guère.

Elle est accueillie par Pattie qui aime raconter à qui veut bien l’écouter ses aventures amoureuses avec les hommes du coin.

Alors que toute la vallée se prépare pour les fameux bals du 15 août, le corps de la défunte disparaît mystérieusement.

 

Entretien avec Arnaud et Jean-Marie Larrieu

D’où est venue l’idée de 21 NUITS AVEC PATTIE ?

Jean-Marie : Nous avons commencé à écrire le scénario durant l’été 2013 à Castans, dans l’Aude, petit village très isolé du sud du Massif Central. C’est notre deuxième lieu d’origine avec les Pyrénées, un lieu d’adoption. La vraie Pattie, que nous connaissons depuis longtemps, était présente cet été-là.

Arnaud : Un soir, au cours d’un dîner, elle s’est mise à raconter sa vie amoureuse. Ou plutôt… sexuelle.

JM : L’idée du film est née ce soir-là. Nous avons entamé un travail d’écriture assez fidèle à son style, avec digressions, parenthèses… Nous avons finalement développé un scénario et inventé la situation de Caroline, qui arrive ici parce que sa mère est décédée… Puis le corps de sa mère disparaît…

A : D’un certain point de vue, le film dresse le portrait de deux mortes : la mère mais aussi Caroline, sa fille. Elle n’est pas très en vie non plus, comme éteinte, séparée d’elle-même.

JM : Quand le corps de la mère disparaît, on n’entre pas dans un film policier. L’important, c’est la trajectoire de Caroline qui arrive dans la maison, se nourrit des récits de Pattie, puis affronte peu à peu son problème avec le désir.

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Dans le film, le sexe se raconte mais ne se montre pas. Pourquoi avez-vous choisi de ne pas illustrer visuellement les récits de Pattie ?

A : Nous voulions adopter le point de vue de celle qui écoute. Caroline.

JM : Très rapidement, nous nous sommes rendu compte que nous écrivions un film sur la parole. Nous avons développé un érotisme parlé, sans nudité ou presque. Les images sexuelles sont d’abord dans le texte. Ce n’est pas si simple, c’est même encombrant : les mots de Pattie suggèrent de l’image.

A : Pattie réactive quelque chose en Caroline avec ses mots.

JM : Il y avait aussi l’idée d’une inversion, avec un discours sur la sexualité qui peut être perçu comme masculin, mais par une femme. Nous aimions cette provocation. La vraie Pattie parle du sexe des hommes comme d’une obsession. Elle reste fixée sur une idée…

A : La pénétration.

JM : Ce qu’elle produit dans le film, c’est le langage comme pénétration.

A : Nous voulions que Caroline soit pénétrée par ses récits.

JM : C’est la raison pour laquelle nous avons mis plusieurs univers en parallèle, tous guidés par l’idée de narration. Il y a les récits de Pattie mais aussi cet écrivain potentiel avec le personnage d’André Dussollier que Caroline prend pour Jean-Marie Le Clézio. Tout tourne autour du langage.

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Avec le fantôme, 21 NUITS AVEC PATTIE glisse légèrement vers le fantastique.

JM : Nous avons souvent l’idée de mettre des rêves dans nos films. La plupart du temps, on se dit que ce serait mieux qu’il n’y ait pas de rêves, mais que le film lui-même bascule dans une frontière où le réel se mélange avec l’onirique. C’est toujours dans le but d’éviter les explications psychologiques. Dans LES DERNIERS JOURS DU MONDE et L’AMOUR EST UN CRIME PARFAIT, nous avions déjà joué avec cela. Nos premiers films Super 8 étaient des films d’horreur et d’épouvante.

A : Avec la nuit, la nature, ces ambiances viennent vite. Je ne sais pas si nous avons voulu faire du fantastique, mais il y a ces yeux qui apparaissent dans la nuit quand Caroline traverse la forêt…

JM : Dans cette scène, nous mélangeons un orage réel que nous avons filmé et un éclairage par flashes. Nous y sommes allés franchement, dans une direction techno et fantastique. D’une manière générale, nous jouons avec le féminin, la forêt, l’enfance, ce bal que nous transformons en quelque chose de mythique… L’aspect fantastique est arrivé au tournage plus qu’au scénario.

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Comment s’est déroulé le travail avec Isabelle Carré, qui interprète Caroline avec beaucoup de subtilité ?

JM : C’est une actrice toujours prête à apporter quelque chose. C’était d’autant plus important que 21 NUITS AVEC PATTIE est le premier film où nous adoptons un point de vue féminin. Souvent, notre envoyé spécial chez les femmes était Mathieu Amalric ! La première scène a été la baignade en sous-vêtements. Isabelle est rentrée dans le film comme ça, avec courage. L’eau était très froide, je l’avais testée la veille ! Quand elle en est ressortie elle nous a dit : ça y est, je suis baptisée… Ce qui était beau – et que nous filmons – c’est le fait qu’elle peut appartenir à la catégorie des femmes-enfants, tandis que les signes d’une maturité arrivent. Selon les plans, elle est une femme, mère de famille, et à d’autres moments, elle devient une jeune fille. Le jeu entre les deux nous fascine.

A : Isabelle à un visage où il faut chercher la sexualité, la séduction, qui ne se donnent pas immédiatement. C’est intéressant.

 

JM : Bien que son personnage, Caroline, ait un problème avec le désir, nous ne voulions pas nier sa féminité ou la rendre puérile. Dans cet endroit où elle arrive, tout est exubérance, matière et sensualité. Elle a l’impression de ne pas pouvoir être à sa place, mais elle lutte.

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Son interprète, Karin Viard, est très sensuelle, comme dans votre précédent film.

JM : Quand on connaît la vraie Pattie et que l’on voit Karin, on a affaire à deux personnes très différentes. Et pourtant… Karin a beau être une bobo parisienne comme elle le dit elle-même, elle y est arrivée. Nous avons lancé un pari renoirien avec elle, celui de l’énergie particulière à chaque comédien. Les premières lectures du texte, qui est très érotique, voire obscène, n’avaient rien d’évident.

 

A : Au début, c’était un peu trop « interprété ». Nous voulions simplement de sa part une exubérance de la parole, de la joie, de l’amour, sans provocation ou connotation morale liée au mal ou à la manipulation. Nous étions tendus, car chaque récit de Pattie était tourné en plan séquence, pour en préserver la tension. Mais le résultat correspond totalement à ce que nous espérions. Karin a lâché prise. Au montage, nous avons aussi constaté à quel point ce que fait Isabelle Carré est incroyable, sa capacité à écouter, des plans de trois minutes où il se passe beaucoup de choses alors qu’elle ne dit rien. Leur duo fonctionne très bien, presque comme un personnage dédoublé…

 

En salle le 25 novembre

 

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