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Coupe du monde 2022 : Paris-Doha en vélo, le défi écologique de deux supporters de l'équipe de France

Alors que la prochaine Coupe du monde ne cesse de diviser, Gabriel et Mehdi se sont lancés dans une folle aventure à vélo pour promouvoir le cyclotourisme et aller encourager les Bleus au Qatar.

Article rédigé par franceinfo: sport, Gabriel Joly
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Mehdi et Gabriel avec leurs vélos quelque part entre Paris et Doha. (Gabriel Martin)

Près de 8000 kilomètres. C'est ce que Gabriel et Mehdi, grands supporters de l'équipe de France, s'apprêtent à boucler pour rallier Doha d'ici le début de la Coupe du monde, le 20 novembre prochain. Depuis le 20 août et un départ symbolique devant le Stade de France, ils sillonnent les routes cyclables en direction du Qatar pour aller soutenir les Bleus de Didier Deschamps.

Actuellement, les deux compères sont à Chypre, où ils cherchent un moyen d'atteindre Israël ou l'Egypte. "On a pris le bateau depuis la Turquie pour éviter la Syrie", raconte Mehdi. "On pensait passer par l’Iran mais je n’ai pas eu mon visa et de toute façon, la situation actuelle aurait compliqué notre avancée", rajoute Gabriel. Même si tout ne se passe pas toujours comme prévu, ils profitent d'une expérience unique.

Trois mois d'échauffement avant la compétition

Dans la vie de tous les jours, Mehdi, 26 ans, réalise des documentaires en freelance, tandis que Gabriel, 27 ans, travaille pour une chaîne de divertissement pour enfants. Mais depuis qu'ils se sont rencontrés en école de commerce, le cyclisme et le foot rythment leur amitié. "En novembre dernier, on est partis en Italie avec nos vélos pour suivre les Bleus en Ligue des Nations et rouler un peu. Une fois rentrés, on s’est dit qu’il faudrait le faire sur une distance bien plus grande", se remémore Mehdi. "Une idée lancée en l'air" plus tard, les voilà donc partis pour le Qatar.

Mehdi et Gabriel à Tasucu en Turquie, avant de prendre un ferry pour Chypre. (Gabriel Martin)

Outre l'exploit sportif entrepris, leur projet a pris une toute autre dimension alors que l'Emirat a annoncé mettre en place 160 navettes quotidiennes par avion pour acheminer les fans des 32 sélections présentes vers les stades durant la compétition.

L’idée n'était pas de relayer un message politique ou écologique, mais il est là de facto au vu des conditions d'organisation de cette Coupe du monde.

Mehdi, vélo-touriste de l'extrême et supporter des Bleus

à franceinfo: sport

S'ils ne veulent pas se poser en donneurs de leçon puisqu'eux-mêmes vont au Mondial, les deux amis tentent de promouvoir la mobilité durable via leurs réseaux sociaux.  "Si on peut inspirer des gens à prendre ne serait-ce qu'un train pour aller faire un tour en Europe, c'est génial, poursuit Mehdi. En plus, tout est aménagé pour faciliter la vie des cyclistes".

D'ailleurs, ces enragés de vélo ont lancé une cagnotte pour financer un week-end solidaire à leur retour du Qatar et faire découvrir "les joies et les galères" du cyclotourisme à des jeunes défavorisés.

Les effets bénéfiques du système D

Car tout n'est pas toujours facile lorsqu'on se déplace en bicyclette. Sur la route de Doha, Gabriel et Mehdi ont dû s'accomoder de "nuits peu réparatrices", souvent dans des conditions "spartiates" après avoir choisi de voyager léger. "Pas de tapis de sol ! On a juste une tente et deux sacs de couchage sur les portes-bagages", détaille Gabriel. 

En Turquie, les deux acolytes ont donc opté pour des nuits dans des mosquées, faute de camping. Mais ils restent positifs, portés par leur motivation, et se réjouissent des moindres motifs de satisfaction, à l'image des effets produits sur leurs corps par la centaine de bornes quotidienne avalée. Adieu les "bouts de jambon en guise de mollets", ils se sont musclés.

"Cyclistes du dimanche"

Il faut dire que Gabriel et Mehdi ne se sont pas facilités la tâche. Ni assistance électrique, ni matériel de professionnel. Les jeunes hommes ont pris des vélos d'entrée de gamme. "On reçoit beaucoup de messages pour nous dire qu’on est fous, qu’il faut tel ou tel type de pédale, des cuissards... Mais la difficulté est là, peu importe le matériel donc on tient au panache", précise Mehdi.

"On n’a pas une alimentation de champion, on manque d'entraînement. Mais on sait quelle distance on est capable de tenir… Quand on connaît ses limites, il n'y a que les incidents mécaniques qui peuvent ralentir."

Gabriel, supporter des Bleus

à franceinfo: sport

Pour l'instant, les deux s'estiment chanceux. Mis à part un moment de détresse en Bulgarie, où ils ont été contraints de pousser les vélos sur un chemin épineux avec une pente à 13% de moyenne, qui leur a valu quatre crevaisons d'un coup le lendemain, ils ont plutôt été épargnés. "Par contre, on a un peu plus peur pour l’Arabie Saoudite, avoue Gabriel. On n'a pas regardé le trajet là-bas pour éviter de se décourager".

Les deux redoutent en effet d'être livrés à eux-mêmes sur de longues distances dans le désert. Mais pas question d'abandonner. Même en cas de retard, ils ne jureront que par le vélo. "Pour l'instant, on est dans les temps et si c’est trop short, on pédalera 50-60 kilomètres de plus par jour", lâche Gabriel, déterminé. "On a même regardé pour traverser la Méditerranée en pédalo", rajoute Mehdi.

Istanbul comme point intermédiaire

Preuve de leur entêtement : leur passage du Bosphore à Istanbul. Alors qu'il n’existe qu’un pont autoroutier pour passer de la rive européenne à celle asiatique, les deux aventuriers ont remué ciel et terre pour franchir l'obstacle sur leurs machines.

"On a passé notre matinée dans les commissariats pour trouver une escorte policière. On s’est retrouvé dans le bureau du gouverneur à écrire des courriers en turc. C'était des tractations entre plusieurs grands chefs de la police mais on a réussi à prendre cet axe à vélo", détaillent-ils en choeur. Les voyageurs ont ensuite pris une vraie pause stambouliote, histoire de passer du temps avec leurs compagnes venues les retrouver sur place.

Le Mondial en ligne de mire

Malgré leur expérience incroyable, Gabriel et Mehdi n'oublient pas qu'ils se rendent au Qatar pour supporter les Bleus. Ces deux Irrésistibles français [groupe officiel de fans de l'équipe de France] savent que les derniers matchs de leur sélection ne se sont pas passés comme prévu mais ils sont tranquilles. "Ce voyage est tellement dingue que ça ne serait pas trop grave si les Bleus sortent dès les poules à Doha, explique le jeune réalisateur freelance. Après on cracherait pas sur une finale bien sûr !" D'autant que la FFF a décidé de les soutenir en leur fournissant des billets pour les rencontres des hommes de Deschamps après une demande naïve par mail.

Autrement, ils ont déjà des places pour Belgique-Maroc - "l’occasion de chambrer nos voisins" -, et certaines autres grosses affiches comme Allemagne-Espagne, moyennant un total d'environ 1000€. "On pouvait se le permettre car le budget du voyage n'est pas énorme vu qu'on se débrouille pour les logements". Pour leur prochaine arrivée à Doha, une Française expatriée a justement accepté de leur laisser planter leur tente dans son jardin. Et une fois sur place, l'échappée belle le sera jusqu'au bout puisqu'ils pourront se rendre aux stades... en vélo.

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