Coupe du monde 2022 : Sardar Azmoun, porte-parole du peuple iranien au sein de la Team Melli
S'élever au-delà de sa condition de sportif professionnel, c'est ce qu'a fait Sardar Azmoun en apportant son soutien au mouvement de contestation en Iran, causé par la mort de Mahsa Amini (22 ans), le 16 septembre, après son arrestation par la police des mœurs à Téhéran pour non-respect du code vestimentaire strict imposé par le régime iranien.
"La [punition] ultime est d'être expulsé de l'équipe nationale, ce qui est un petit prix à payer pour même une seule mèche de cheveux d'une femme iranienne", avait écrit dix jours plus tard l'attaquant du Bayer Leverkusen sur son compte Instagram aux cinq millions d'abonnés. "Ça ne sera jamais effacé de notre conscience. Je n'ai pas peur d'être évincé. Honte à vous d'avoir si facilement tué le peuple et vivent les femmes d'Iran. Si ces assassins sont des musulmans, que Dieu fasse de moi un infidèle". Le lendemain, avant un match amical entre l'Iran et le Sénégal, Sardar Azmoun et ses coéquipiers avaient, en guise de contestation, caché leur maillot sous une parka noire pendant l'hymne. De quoi faire du joueur de 27 ans un porte-parole des revendications du peuple iranien et un ennemi potentiel de la République islamique.
"La question d'une sanction s'est probablement posée, parce que jusqu'au dernier moment, on n'était pas sûr de sa participation", explique David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l'Institut de Relations internationales et stratégiques (IRIS), en référence à la blessure musculaire du "Messi iranien" début octobre, qui avait hypothéqué sa venue au Qatar. "Les autorités ont finalement dû penser que le sanctionner donnerait encore plus d'ampleur à son geste".
D'autres actions à prévoir ?
Encore diminué, Sardar Azmoun a débuté sur le banc lors du premier match du Mondial de l'Iran contre l'Angleterre (6-2), qui a vu la Team Melli, pourtant partagée entre les anti et pro-régime, s'abstenir de chanter l'hymne national. "C'est un geste important parce que l'équipe estime qu'elle incarne la nation iranienne et non pas le régime de la République islamique. Et c'est vraisemblablement à l'initiative de Sardar Azmoun", ajoute le directeur de l'ouvrage La République islamique d'Iran en crise systémique (L'Harmattan).
Alors qu'on ignore si d'autres actions auront lieu lors des prochains matchs face au pays de Galles ou aux Etats-Unis, il ne faut pas oublier que Sardar Azoum prend des risques pour lui et ses proches. "Les Iraniens adorent le football dans toutes les sphères de la société, donc toucher aux icônes sportives serait prendre un gros risque", tempère David Rigoulet-Roze, en prenant l'exemple du cinéaste Jafar Panahi, emprisonné au centre de détention d'Evin. "Si le régime faisait la même chose avec Azmoun, c'est que le mouvement serait proche d'un point de non-retour".
En attendant ou non ce basculement, le natif de la province du Golestan continue, grâce à ses performances et ses engagements, à se rapprocher des illustres Ali Karimi et Ali Daei au panthéon des meilleurs joueurs iraniens. Quitte à, comme le premier, devoir s'exiler de son pays.
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