Coupe du monde 2022 : Luka Modric, le crépuscule mondial d’une idole
"J'espère qu'il ne prendra pas cette décision." Jeudi 15 décembre, le sélectionneur croate Zlatko Dalic a conclu sa conférence de presse par un message direct à son numéro 10. Cette "décision", c’est celle de prendre sa retraite internationale pour Luka Modric, à l’issue de Croatie-Maroc, samedi 17 décembre (16 heures). Car le lutin croate s’apprête bien à quitter samedi la Coupe du monde par la petite finale, mais pas par la petite porte. S’il a déjà annoncé que cette édition serait sa dernière, il est resté en revanche bien plus vague sur son avenir en sélection, alors qu’il a fêté ses 37 ans en septembre dernier.
Médaille de bronze en poche ou non, Luka Modric refermera donc samedi soir son aventure mondialiste débutée en 2006. Dix-neuf matchs joués, deux buts et une passe décisive (avant l'ultime rencontre), mais surtout une finale (en 2018) et une demi-finale plus tard, le génie croate va tirer sa révérence après avoir propulsé un petit pays de quatre millions d’habitants parmi les géants du football mondial. Balayé par les Bleus en finale en 2018, il a cette fois subi la loi d’un Lionel Messi en mission, le renvoyant parmi les héros nationaux sans trophée mondial. "On est tristes, on espérait jouer une nouvelle finale. Ça n'est pas arrivé. Il faut féliciter l'Argentine et c'est tout", a-t-il sobrement commenté à la sortie.
Le Maroc, dernière montagne
Il lui reste une dernière joute pour sortir en beauté sur un nouveau podium. Ce sera dans un duel de stakhanovistes de la défense, face aux valeureux Marocains piégés par le plan diabolique de Didier Deschamps. "On doit se reposer et essayer de gagner le prochain match. On a fait un très bon Mondial et ça n'est jamais une punition de jouer pour la sélection. Il y a une médaille de bronze en jeu, on doit se préparer parce que si on l'obtient, c'est un bon résultat", ajoute Luka Modric.
A vrai dire, le résultat samedi sera sans doute anecdotique par rapport à la plaie qui sera béante pour le football croate si le capitaine venait à avoir joué son dernier match. "Il ne perd jamais le ballon", vantait Carlo Ancelotti, son entraîneur au Real Madrid, son club depuis 2012, et où il a garni son palmarès en y changeant définitivement de statut.
"Luka Modric a montré qu'il est un grand joueur, un grand professionnel et un grand sportif. Il félicite toujours son adversaire après le match, qu'il perde ou gagne. C'est un joueur de haut niveau et une personne exceptionnelle."
Zlatko Dalic, le sélectionneur croate
Zlatan Ibrahimovic résume lui Luka Modric comme "un des milieux les plus complets au monde", une "vitesse fantastique", une "vision du jeu" unique. Pourtant, il y a peu à douter que la sortie du meneur de jeu croate ne se fera pas en grande pompe.
Dominer sans fioritures, voilà ce que s’est toujours attaché à faire le joueur, que ce soit en club ou avec les Vatreni. "Je n'aime pas trop parler de moi, c'est comme si je la ramenais. Mais j'ai toujours eu le sentiment d'être un leader", pose le plus capé des Croates (161 sélections). "Luka n'a pas besoin de crier pour que nous écoutions", résume Andrej Kramaric. "Voir des gens comme Luka Modric courir et 'mourir' sur le terrain donne aux jeunes une énergie supplémentaire", renchérit le latéral Josip Juranovic.
Un successeur qui se profile ?
Vingt ans après l’épopée de Davor Suker et des siens en 1998, Modric aura réussi à faire revenir les Vatreni au plus haut niveau. "Il y a toujours beaucoup de scepticisme à propos de moi, à propos de mes qualités, de mon style de jeu et de mon physique", déclarait-il dans un entretien à l'AFP en 2020. "On a dit que j'étais trop chétif pour atteindre le haut niveau, mais cette adversité ne m'affecte pas, cela me motive encore plus", soulignait celui qui a fui les massacres de la guerre d'indépendance croate (1991-1995).
Bientôt orpheline de son maître à jouer, la Croatie couve déjà celui qu’elle espère à même de prendre une relève bien difficile à assumer : Lovro Majer. Le natif de Zagreb, remplaçant attitré du numéro 10 au Mondial, illumine tous les week-ends la Ligue 1 avec le Stade rennais.
La filiation est évidente, mais la route est longue. "Lovro est destiné à reprendre l’héritage de Modric et en France, avec le maillot de Rennes, il se débrouille très bien. Je pense qu’il est maintenant prêt pour franchir un nouveau palier", souffle son agent, qui espère le voir partir dans un grand club l’été prochain. Mais il devra peut-être encore attendre en sélection, si le "petit prince de Zadar" repousse l’échéance et poursuit finalement jusqu’à l’Euro 2024. "Si vous avez un secret, une recette pour moi pour rester jeune, donnez-la moi...", sourit Modric, qui aura alors 39 ans.
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