Cet article date de plus de deux ans.

Coupe du monde 2022 : "La guerre du football", ou quand le Honduras et le Salvador sont entrés en conflit après un match

Le Costa Rica et le Mexique sont les deux représentants de l’Amérique centrale. Une région du monde qui a connu un événement très spécial : une guerre du football ! Chaque jour dans le monde est foot, Jean-Marc Four donne un coup de projecteur sur les liens entre politique et ballon rond.

Article rédigé par franceinfo - Jean-Marc Four
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
L'équipe du Honduras avant d'affronter le Salvador pour un match de football de qualification pour la Coupe du monde 1970 au stade Flor Blanca à San Salvador, le 26 juin 1969. (STR / AFP)

Une guerre déclenchée par le football ? Cela se passe en juillet 1969. Le Salvador et le Honduras, ces deux pays voisins au cœur de l'Amérique centrale, sont opposés en éliminatoires de la Coupe du monde de football, prévue l'année suivante au Mexique.

>> Coupe du monde 2022 : la Rwandaise Salima Mukansanga, symbole des arbitres femmes au Mondial

Dès le match aller, à Tegucigalpa, la capitale du Honduras, l'ambiance est tendue. Les supporters honduriens empêchent les joueurs du Salvador de dormir. Résultat : 1-0 pour le Honduras. Match retour une semaine plus tard, au Salvador. Scénario inversé, les joueurs honduriens sont privés de sommeil, leurs supporters sont molestés. Le Salvador s'impose 3-0. Le Honduras ferme sa frontière. Les incidents se multiplient.

Une victoire partout, il faut une belle pour les départager. C'est la règle de l'époque. Le match a lieu à Mexico. Le Salvador gagne 3-2 mais le match se déroule dans une ambiance d'émeute : bagarres, viols. Dès la fin du match, des escarmouches éclatent à la frontière. Le 14 juillet, un avion salvadorien lâche une bombe sur la capitale du Honduras. La guerre ne va durer que quatre jours mais c'est une vraie guerre. Elle fait 3 000 morts et 15 000 blessés. C'est considérable en si peu de jours. Le Salvador progresse à terre, mais l'aviation du Honduras est plus forte. Le 19 juillet, le Salvador retire ses troupes.

Le football comme catalyseur

Le football a surtout été instrumentalisé par les pouvoirs en place dans les deux pays, dans une logique de nationalisme extrême. C'est le risque du sport. Les deux pays sont indissociables pour des tas de raisons : leur population est également métissée, et ils se partagent en quelque sorte l'isthme d'Amérique centrale à cet endroit : au sud, côté Pacifique, le Salvador, au nord, côté Caraïbes, le Honduras.

Le Honduras est plus pauvre, moins industrialisé. Le Salvador est plus petit mais plus densément peuplé. Il envoie donc beaucoup de travailleurs migrants au Honduras, sans même qu'il y ait de réelle frontière dans ces années-là. Au Honduras, le président de l'époque, arrivé au pouvoir par un coup d'Etat, a instrumentalisé la question migratoire pour pallier son impopularité et son incapacité à redistribuer les terres. Au Salvador, le gouvernement s'est senti plus puissant que son voisin. Le tout a été attisé par des médias nationalistes des deux côtés. Et le football est venu enflammer le tout.

Plus de 40 ans plus tard, les deux pays se voient toujours comme des rivaux. Ils sont rongés par la violence. Le Honduras reste et de loin le pays le plus pauvre de la région, d'où ces flots de migrants honduriens qui se dirigent régulièrement vers les États-Unis, vers le Guatemala et le Mexique, au Nord. Et pour la petite histoire à la Coupe du monde.

Une situation à l'opposé pour le Costa Rica. L'équipe est qualifiée et a disputé son premier match face à l'Espagne, mercredi 23 novembre. Le Costa Rica est plus au Sud par rapport au Honduras et au Salvador. La particularité de ce pays de cinq millions d'habitants est qu'il n'a pas d'armée. En 1948, elle a été supprimée après une révolution. Tous les budgets ont été réinvestis dans la santé, l'éducation, puis plus récemment l'environnement, en particulier les énergies renouvelables. La richesse par habitant y est cinq fois supérieure à celle du Honduras. L'ancien président du Costa Rica et Prix nobel de la Paix Oscar Arias Sanchez avait coutume de dire : "C'est parce que nous n'avons pas d'armée que nous sommes forts."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.