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Chasse aux signatures : à chacun sa technique !

A chaque élection présidentielle, c'est pareil : les petites et moyennes formations rivalisent d'ingéniosité et de force de conviction pour obtenir les 500 signatures nécessaires pour présenter un candidat.

Article rédigé par Salomé Legrand
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Pour obtenir les 500 signatures d'élus nécessaire à tout candidat à la présidentielle, les petits partis cherchent à convaincre en priorité les maires sans étiquettes des communes rurales. (GILE MICHEL / SIPA)

Cinq cents signatures d'élus… Une bagatelle pour les candidats poids lourds. Un vrai casse-tête pour les autres. A chaque présidentielle, c’est la même chasse : pour pouvoir présenter leur candidat, les petits partis lancent leurs militants à l’assaut des mairies, souvent des mois avant l’échéance fatidique.

FTVi a recensé trois méthodes pour décrocher ces précieux paraphes.

Front national : jouer le rôle de l'éternelle victime

C’est devenu une question récurrente, voire incontournable : le FN va-t-il obtenir ses 500 signatures ? Il faut dire que le parti d'extrême droite met un point d’honneur à entretenir le suspense. Et depuis toujours. Notamment parce qu’en 1981, Jean-Marie Le Pen n'avait pas pu se présenter : il n’avait obtenu que 320 signatures et le Conseil constitutionnel avait rejeté son recours.

Depuis, le FN récolte à chaque fois les signatures mais se pose systématiquement en victime jusqu’à la dernière minute. Quitte à changer de bourreau selon l’élection. En 1987, le président du FN dépose plainte contre Charles Pasqua pour "forfaiture". Il accuse le ministre de l’Intérieur d’alors d’avoir profité de son poste pour faire pression sur les maires tentés de le parrainer.

En 1995, il dénonce ces pressions jusqu’à la sortie du Conseil constitutionnel où il vient de déposer les fameuses signatures. Il accuse alors "un certain nombre de présidents de conseils généraux" d’en avoir été les auteurs, mais aussi deux candidats, le communiste Robert Hue et le souverainiste Philippe de Villiers.

En 2001, il se plaint de "difficultés" avant de reconnaître, en décembre, qu’il a déjà accumulé 400 signatures. A l’occasion, il indique verser 2 000 francs aux élus qui le soutiennent. Mais participe quand même à un reportage sur France 3 dans lequel il soupire : "Il ne faut jamais se décourager."


Une stratégie reprise en 2007, comme l’a confirmé un leader frontiste au quotidien France Soir. Avec en bonus cette année-là, une accusation de vol de parrainages à l’encontre de Philippe de Villiers.

Cette année, Marine Le Pen mise sur la dédiabolisation du parti qu’elle a opérée depuis quelques années. Mais elle n’a pu s’empêcher de lancer, dans une interview au Parisien Dimanche : "J’ai l’impression que ça va encore être un souci." Le 22 novembre elle tient même une conférence de presse au salon des maires de France, sans pour autant aller à leur rencontre. Elle dénonce le "système", "une ineptie" et demande la fin de la publication des noms des élus signataires. 

Et de menacer : "Ceux qui en seraient responsables le paieraient très cher dans les urnes, avec des conséquences dévastatrices pour eux aux élections législatives." Comme son père qui promettait "l’apocalypse politique" à Jacques Chirac s’il n’obtenait pas ses signatures. 

NPA : mettre en avant l'argument de la pluralité

Au Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), même combat, autre système. Même si lui aussi relève "des consignes données par des dirigeants à leurs élus, (…) des menaces de pressions financières", le parti d'extrême gauche a fait de la recherche des signatures son "premier tour" à lui. Et il les compte minutieusement, voire une par une, comme en Seine-Maritime.

Avec un candidat quasi-anonyme, Philippe Poutou, 3 000 adhérents et une poignée d’élus, le NPA ne peut compter que sur la détermination de ses militants. Et ils sont "plusieurs centaines" à sillonner les routes de France plus ou moins régulièrement avec des Google Maps imprimées dans une main, l’argumentaire dans l’autre, à la rencontre des maires des petites communes.


Priorité à ceux qui ont signé pour Olivier Besancenot lors des précédentes campagnes. Mais aussi aux parrains de José Bové et du "candidat des maires" Gérard Schivardi en 2007. Les militants font souvent une première approche avant de revenir à la charge un peu plus tard, comme le raconte Le Monde.fr dans un reportage avec l’une des équipes du NPA.

Détail intéressant : malgré un contexte porteur, ce ne sont pas les idées anticapitalistes que les militants mettent en avant. "Communiste, c'est déjà un gros mot. Alors LCR [Ligue communiste révolutionnaire] ou anticapitaliste, vous imaginez !", y déplore Thibault Blondin, qui chasse les signatures. Ils préfèrent l’argument de la démocratie. Et soulignent l’importance qu’un parti comme le leur puisse présenter un candidat et "exprimer une voix différente dans le paysage politique".

Et à en croire le site internet du NPA, ça marche ! "85 début septembre, 115 fin septembre, 150 mi-octobre, 210 ces derniers jours. Même si certaines promesses ne nous sont sans doute pas encore parvenues", revendiquait-il le 9 novembre 2011 tout en appelant à "accélérer la recherche".

Lutte ouvrière : soigner les liens personnels et politiques

La fébrilité se ressent aussi chez Lutte ouvrière (LO). D’un côté, l’équipe le répète : "On a l’expérience des campagnes d’Arlette [Laguiller], on est très confiants." De l’autre, la tension est palpable quand il s’agit de suivre les militants qui démarchent, ou d’interviewer un maire signataire. "Ils ne veulent pas forcément donner leur nom, et on ne veut surtout pas perdre un seul parrainage", souffle Pierre Royan, responsable de la communication de Nathalie Arthaud, la nouvelle et encore si peu connue porte-parole et candidate du parti trotskiste.

Leur méthode, "de l'huile de coude et des liens humains personnels", sourit la candidate, tandis que Pierre Royan insiste : "On tient beaucoup aux liens personnels et politiques avec les anciens parrains." Comme avec les nouveaux. Dimanche 6 novembre 2011, Nathalie Arthaud tient un meeting à Metz (Moselle). Juste avant, profitant de quelques minutes de répit dans son programme, le responsable LO dans l’Est lui présente un maire, potentiel parrain pour la première fois.

Ouvrier dans une usine qui fabrique des pièces détachées pour les chaudières, il se serait laissé convaincre par un "camarade Lutte ouvrière" qui le connaît depuis près de vingt ans. "Le fruit n’était pas mur avant", dixit le camarade en question.

Lutte ouvrière démarche aussi stratégiquement les maires des petites communes qui ont été ou sont encore ouvriers ou salariés. De toute façon, pas question d’échouer. "LO est de toutes les grandes élections depuis 1973, les gens ne comprendraient pas qu’on n’y soit pas", confie Henriette Mauthey, une des responsables du parti, à Libération.

Le compte à rebours est lancé

Ces trois partis ne sont pas les seuls à courtiser les édiles des petites communes de France par tous les moyens. Le souverainiste Nicolas Dupont-Aignan (Lien reportage), à qui il manquait 52 paraphes en 2007, est lui aussi investi à 100 % dans la course.

Frédéric Nihous, candidat de Chasse, pêche, nature et traditions (CPNT), a de son côté envoyé une lettre à 30 000 maires début juillet, mais sans trop d’espoir, selon Le Figaro. Christine Boutin, candidate du Parti chrétien démocrate, d’abord "pas du tout inquiète", confesse finalement des difficultés, beaucoup des 700 maires qui l’avaient parrainée en 2002 n'étant plus en place. Sans parler des autres : Carl Lang (Parti de la France), Hervé Morin (Nouveau Centre), Corinne Lepage (soutenue par Cap 21), François Bayrou (MoDem)... Verdict pour tous le 16 mars 2012 à 18 heures.

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