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"J'espère que cela fait réfléchir" : le photographe Manuel Litran raconte l'histoire de son cliché choc dénonçant les abandons d'animaux

Une photo datant de 1980 ressort régulièrement au moment des départs en vacances. Franceinfo a interrogé son auteur.

Article rédigé par Marie-Violette Bernard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min

Chaque année ou presque, la photo ressurgit au moment des départs en vacances. Un vieux cliché dénonçant les abandons d'animaux domestiques a été partagé sur Twitter, samedi 28 juillet, provoquant la colère des internautes. Il montre 140 cadavres de chiens allongés le long d'une route. Cette photo ne date pas d'aujourd'hui : elle a été publiée en 1980 dans Paris Match, comme le rappelle le magazine sur son compte Instagram. Le circuit de Magny-Cours indique que le cliché n'a pas été pris sur ses pistes, contrairement à ce qu'affirme la publication. Trente-huit ans plus tard, franceinfo a interrogé l'auteur de la photo, Manuel Litran.

L’image est saisissante, c'est la photo de la honte. Parce que tout est vrai, pas de montage numérique : les cadavres de chiens recouvrent l’asphalte. La scène est révoltante parce qu’elle se reproduit chaque été. Pour partir en vacances, on « oublie » trop souvent son chien ou son chat. En juillet #1980, notre photographe Manuel Litran, pour visualiser ce crime ordinaire, a fait déposer sur un circuit les 140 chiens abondonnés en seulement deux jours que la SPA a dû euthanasier. Depuis cette époque la Société Protectrice des Animaux (SPA) a voté la modification de ses statuts, et notamment l’interdiction de tout recours à l’euthanasie au sein de la #SPA qui ne serait pas justifiée par des raisons médicales. Mais le problème des abandons avant les vacances persiste... Photo: Manuel Litran / Paris Match #dog #sad #animal #abandon #spa #horreur #honte

Une publication partagée par Paris Match (@parismatch_magazine) le

"Paris Match a eu l'idée de faire un reportage sur le pic d'abandons d'animaux domestiques qui a lieu chaque été, pendant les vacances, se souvient le photographe. Nous avons pris contact avec la SPA, qui a tout de suite accepté de nous répondre." Déjà en 1980, les chiens étaient fréquemment "abandonnés sur le bord de la route" par leurs maîtres. À l'époque, l'association euthanasiait les animaux qu'elle ne pouvait pas accueillir dans ses refuges.

"Je n'ai pas dormi de la nuit"

Paris Match décide donc de faire honneur à son slogan : "le poids des mots, le choc des photos". "Nous avons loué deux camions frigorifiques, pour transporter les corps des 140 chiens abandonnés que la SPA avait dû 'pîquer' en seulement deux jours, poursuit Manuel Litran. Nous avons disposé tous ces pauvres animaux sur la route. Et il fallait faire vite à cause de l'odeur." 

Certains chiens étaient jeunes ; d'autres avaient encore leur laisse, un collier avec une clochette ou une médaille portant leur nom.

Manuel Litran

à franceinfo

"Je n'ai pas dormi de la nuit, j'ai été terriblement touché par cette photo, se rappelle le photographe. Manuel Litran n'est pas le seul à être choqué par ces 140 cadavres étendus sur l'asphalte. La réaction à la publication de la photo dans Paris Match a été "très forte""Des Américains m'ont appelé, pour me demander s'il s'agissait de peluches. Ils ont été très étonnés de la démarche", explique-t-il. À la demande de Brigitte Bardot, des tirages sont réalisés et affichés dans le métro, à Paris.

"Chaque été, on me parle de cette photo"

Plus de 30 ans plus tard, ce cliché pour sensibiliser à l'abandon des animaux continue de toucher le public. "On m'en reparle à chaque fois qu'arrivent l'été et les vacances", note Manuel Litran.

J'espère que cela fait réfléchir les propriétaires. C'est terrible d'avoir un chien chez soi, de s'arrêter sur la route des vacances et de le laisser au milieu de nulle part.

Manuel Litran

à franceinfo

Le photographe se félicite en tout cas d'une évolution : la SPA a modifié ses statuts et interdit désormais les euthanasies massives d'animaux. Seuls les "animaux jugés dangereux" ou ayant des maladies incurables sont aujourd'hui abattus, explique-t-elle sur son site. L'association estime toutefois que 100 000 animaux sont abandonnés chaque année par leurs propriétaires. Cet acte est passible de deux ans de prison et de 30 000 euros d'amende.

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