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Expérimentation animale : pourra-t-on vendre son animal de compagnie à un laboratoire comme le dit l'association 30 millions d’amis ?

La fondation s’est alarmée à tort d’un décret publié pendant le confinement qui autorise des dérogations pour l’utilisation d’animaux lors d’expériences scientifiques. 

Article rédigé par Thomas Pontillon, franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un chien couché par terre. (Illustration).  (F DUGIT / MAXPPP)

Alors que la France entrait en confinement, le gouvernement en a-t-il profité pour assouplir les conditions pour les expérimentations animales ? Selon la Fondation 30 millions d’amis, les scientifiques peuvent désormais trouver des animaux pour leurs essais en évitant les fournisseurs agréés habituels. "Les élevages de chiens de chasse, d'animaux de compagnie ou encore les particuliers peuvent désormais vendre leurs animaux à des laboratoires", affirment les militants de la cause animale vendredi 26 juin qui craignent qu'un marché parallèle se développe. Sauf que cette déclaration devenue virale sur les réseaux sociaux et reprise par certains médias est fausse. Si des dérogations existent bien dans le décret paru le 17 mars dernier, elles ne sont pas nouvelles. La cellule Vrai du Faux vous explique. 

La règle générale ne change pas

"C'est la porte ouverte à toutes les dérives", assure à franceinfo Reha Hutin, la présidente de la Fondation 30 millions d'amis. Pourtant le nouveau décret paru le 17 mars dernier ne change rien sur l’approvisionnement en animaux de laboratoire. Ceux qui sont utilisés par les scientifiques doivent toujours "provenir d'éleveurs ou de fournisseurs agréés". Selon les chiffres du ministère de l’Enseignement supérieur, plus de neuf animaux sur dix utilisés dans notre pays pour la science sont issus de ces filières très réglementées. Selon le décompte du ministère, 1 910 519 animaux ont été utilisés en France en 2018. Un chiffre qui baisse légèrement depuis plusieurs années.

Ce qui a alerté, à tort, 30 millions d’amis réside dans les lignes suivantes du décret. Avant le 17 mars, des dérogations pouvaient être accordées "sur la base d'éléments scientifiques dûment justifiés lorsque la production des éleveurs agréés est insuffisante ou ne convient pas aux besoins spécifiques du projet". Désormais la fin de la phrase a été retirée et le décret considère qu’une dérogation peut être accordée seulement "sur la base d'éléments scientifiques dûment justifiés". 

Les dérogations plus restrictives qu’avant

Ce coup de rabot fait dire à Christiane Laupie, secrétaire générale du comité scientifique Pro Anima, partenaire de 30 millions d'amis, que cela signifie que "n’importe qui peut vendre son animal à un laboratoire". Cette affirmation a été rapidement démentie par le ministère de l’Enseignement supérieur qui a réagi samedi 27 juin après la polémique liée à ce nouveau décret : "Les animaux de compagnie ne sont en rien concernés et cela ne sera jamais le cas. Les fausses informations relayées récemment à ce sujet desservent la cause de la protection animale." Les dérogations resteront l’exception et elles devront être validées par le ministère directement. Vous ne pourrez donc pas vendre votre animal à un laboratoire comme l’affirme 30 millions d’amis. 

Plusieurs organisations de la cause animale estiment d’ailleurs que les conditions de dérogations seront désormais plus strictes. La Fondation droit animal, éthique et sciences (LFDA) juge "que les trois conditions (justification scientifique, production insuffisante et besoin spécifique) n’étaient pas cumulatives mais alternatives. Désormais, la justification scientifique constitue la seule raison valable, poursuit la Fondation. Dans le cas où elle ne serait pas recevable, les raisons d’une production insuffisante ou d’un besoin spécifique ne peuvent pas être acceptées comme justification pour recourir à des animaux issus d’élevages non agréés pour la recherche".  C’est aussi la vision du ministère de l’Enseignement supérieur, à l’origine du décret : “Ce décret vient encore limiter les cas possibles justifiant une demande de dérogation, notamment liés à une production insuffisante chez les éleveurs agréés.” 

La Fondation Brigitte Bardot, qui milite pour la fin de l’expérimentation animale depuis de nombreuses années, abonde d’ailleurs en ce sens. "Nous ne pouvons pas dire ou publier n’importe quoi pour faire le ‘buzz’. Le décret du 17 mars n’a absolument pas été adopté en catimini mais travaillé pendant un an en retenant quelques dispositions demandées par les organisations de défenses des animaux." Parmi les nouveautés, il est notamment prévu de doubler la représentation des associations de protection des animaux au sein de la Commission nationale de l'expérimentation animale, qui disposeront désormais de six représentants.

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