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Quatre questions sur le centre d'hébergement d'urgence polémique du 16e arrondissement à Paris

Les habitants du très chic quartier parisien protestent contre la construction d'un centre pour sans-abris à l'entrée du bois de Boulogne. Une réunion publique pour présenter le projet a tourné à la foire d'empoigne.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le centre d'hébergement d'urgence du 16e arrondissement à Paris doit être installé dans l'allée des Fortifications, à la lisière du bois de Boulogne. (CAMILLE ADAOUST / FRANCETV INFO)

"Tout le monde est sur ses gardes ici." Dina est gardienne dans une résidence du 16e arrondissement. Début novembre, la mairie de Paris a annoncé qu'un centre d'hébergement d'urgence s'installerait dans son quartier dès le printemps 2016. La nouvelle ne ravit ni certains riverains, qui craignent une montée de l'insécurité, ni le maire, qui propose d'autres sites d'accueil.

Ils ont ainsi lancé une pétition contre un "Sangatte dans le bois de Boulogne", signée par plus de 40 000 personnes. Lundi 14 mars, une réunion de présentation du projet réunissait toutes les parties dans les locaux de l'université Paris-Dauphine. Les riverains y sont venus en nombre et la réunion a tourné court, après que les esprits se sont échauffés.

Pourquoi une telle rébelion ? En quoi consiste le projet ? Pourquoi avoir choisi ce site en particulier ? Francetv info vous résume la situation.

Qu'est-ce que ce centre d'hébergement d'urgence ?

"Le projet est tombé du ciel début novembre", assure Lionel Lemaire, président de l'association des riverains du bois de Boulogne, opposée au projet. Trop tard à leur goût. Les riverains ont appris dans la presse qu'un centre d'hébergement d'urgence de 200 places s'installera dans leur quartier d'ici l'été, à quelques pas de la porte de Passy, pour une durée de trois ans.

"Il accueillera une centaine de personnes seules et une trentaine de familles. Femmes victimes de violences, sans domicile fixe du 16e arrondissement... Ces personnes n'y resteront que le temps de se remettre debout et de trouver une situation durable", explique Eric Pliez, directeur de l'association Aurore, qui va gérer le centre composé de préfabriqués.

Pourquoi la mairie a-t-elle choisi cet emplacement ?

"Dans le 12e arrondissement, il y a plus de 1 000 places d'hébergement pour seulement 18 dans le 16e. Chacun peut faire un effort", juge Eric Pliez. Argument également avancé dans Le Parisien par Ian Brossat, élu PCF et adjoint au logement et à l'hébergement d'urgence à la mairie de Paris. Pour rétablir l'équilibre entre les tous arrondissements de la capitale, la mairie a donc arrêté sa décision sur ce lieu.

Une décision qui ne convient pas au maire Les Républicains du 16e arrondissement, Claude Goasquen. Il a proposé divers sites de remplacement, tous refusés par la mairie de Paris. "Le seul autre endroit capable d'accueillir 200 personnes dans cet arrondissement, c'est l'ancien musée des tradition populaires, mais il est plein d'amiante. Il n'y a pas d'autre terrain, d'après Eric Pliez. Dans trois ans, nous serons partis vers un lieu en dur. En attendant, ce centre va permettre à des familles de dormir au chaud."

Qu'est-ce qui pose problème ?

Pour les opposants au projet, le choix de cet emplacement est jugé "stupide". Ils mettent en avant la présence dans le quartier de "personnes âgées" et de lieux fréquentés par de jeunes élèves, "par des sportifs et des familles en balade". "Il y a également 12 ambassades ou représentations diplomatiques dans un rayon d'un kilomètre autour du site", expose encore le président de l'association de riverains qui, selon lui, "craignent pour leur sécurité". La capacité d'accueil d'un centre d'hébergement tel que celui-ci ne devrait pas, selon Lionel Lemaire, dépasser les 100 personnes, soit la moitié de la population prévue porte de Passy. Face à ce chiffre, Dina, gardienne, est très en colère : "Je ne veux pas d'inconnus chez moi, affirme cette mère de famille. On fouille déjà nos poubelles tous les matins. Ils n'ont pas de quoi vivre, ils vont venir rôder et voler." Dina, tout comme les autres habitants rencontrés par francetv info, craignent également que le centre accueille des migrants. La mairie a elle réafirmé, mardi 15 mars, le contraire, rappelant qu'il s'agira de personnes orientées par le 115, le numéro d'urgence social.

Si Eric Pliez comprend les inquiétudes que peut susciter la cohabitation avec ces nouveaux voisins, il assure que tout se passe très bien dans les 100 autres centres gérés par Aurore en Ile-de-France. "Les gens que nous recevons sont totalement intégrés au quartier. Nous contrôlons les entrées, il n'y a pas de débordements", décrit-il. Et d'ajouter : "Je suis persuadé que quand nous allons démontrer que nous répondons à un vrai besoin, plein de bons esprits citoyens vont se réveiller. La période la plus difficile est toujours avant l’ouverture."

Autre argument de l'association de riverains : le coût. "Le lieu n'est pas viabilisé. Pas d'égout, pas d'eau, pas d'électricité. Il va donc falloir engager des travaux importants. La mairie a estimé le coût total du projet à 4,8 millions d'euros", précise Lionel Lemaire. Un chiffre officiel que la mairie a détaillé : l'Etat prend en charge 4 millions d'euros, les 800 000 euros restant sont à la charge de la municipalité.

Où en est le dossier ?

"Le permis de construire a été signé par le préfet d'Ile-de-France vendredi 11 mars, explique Lionel Lemaire. Ils n'ont organisé la réunion d'information de lundi [14 mars] qu'après la signature." Un manque de concertation qui pousse les habitants à douter du sérieux de l'organisation du futur centre. "Ils nous disent 200 personnes, ça va être 500 puis 1 000. Ils nous disent trois ans, ça va être cinq ou dix", imagine Alain, domicilié à quelques rues de là.

Prochaine étape pour les riverains : le dépôt d'un recours au tribunal administratif contre le permis de construire. Entre temps, les riverains entendent trouver d'autres solutions à proposer à la mairie. 

Le centre d'hébergement d'urgence devrait donc voir le jour en avril et accueillir ses premiers occupants en juin. En attendant, Eric Pliez se dit "à la disposition des associations et des riverains pour venir présenter le projet et sa gestion future." 

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