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Euthanasie : les propositions floues de François Hollande

Sans se prononcer clairement, le président a évoqué, lors de sa conférence de presse du mardi 14 janvier, une "assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité". Explications de texte.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Un patient dans l'unité de soins palliatifs de l'hôpital de Puteaux (Hauts-de-Seine). (VOISIN / PHANIE / AFP)

Les mots "euthanasie" ou "suicide assisté" n'ont pas été prononcés. Pourtant, François Hollande a relancé le débat sur la fin de vie, lors de sa conférence de presse du mardi 14 janvier, tout en maintenant le flou autour de ses intentions.

Le président s'est prononcé pour une loi qui permettrait à une personne atteinte d'une maladie incurable de demander, dans un cadre "strict", une "assistance médicalisée pour terminer sa vie en dignité". Il s'agirait là de la première réforme majeure depuis la loi Leonetti de 2005, qui limitait l'acharnement thérapeutique.

Une promesse de campagne déjà floue

L'engagement n'est pas neuf : il figurait en 2012 dans les promesses de campagne du président, avec la même formulation quasiment au mot près. Le candidat Hollande proposait "que toute personne majeure en phase avancée ou terminale d’une maladie incurable, provoquant une souffrance physique ou psychique insupportable, et qui ne peut être apaisée, puisse demander, dans des conditions précises et strictes, à bénéficier d’une assistance médicalisée pour terminer sa vie dans la dignité".

Partisans et opposants de l'euthanasie estiment que le président pourrait aller plus loin que la loi Leonetti. Le texte de 2005, destiné à lutter contre l'acharnement thérapeutique, ouvre la possibilité de la procédure du laisser-mourir. Il permet l'interruption des traitements "disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie", à condition que le patient en ait fait la demande, ou s'il n'est pas en état de le faire, que sa famille ait été consultée.

Sauf que son application est parfois problématique, comme dans le cas de Vincent Lambert, victime il y a cinq ans d'un accident de moto. En état de conscience minimale, il n'est maintenu en vie que par une sonde gastrique, que ses parents refusent de débrancher. Sa femme, qui souhaitait, au contraire, que le traitement de son mari soit arrêté, n'a pas été suivie jeudi 16 janvier par le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne (Marne).

L'hypothèse du suicide assisté

Que pourrait faire François Hollande ? "Deux interprétations sont possibles", reconnaît Gaëtan Gorce, sénateur socialiste, qui avait travaillé sur la loi Leonetti. La première, la plus probable selon lui, correspond à la légalisation du suicide assisté. Dans ce cas, le malade se verrait fournir les substances létales pour se suicider, mais il devrait lui-même accomplir le geste final.

Cette proposition est au cœur des débats ces derniers mois. Rejetée par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) dans un avis de juillet 2013, l'hypothèse du suicide assisté a été soulevée dans un rapport du médecin Didier Sicard, remis en décembre 2012. Elle a été reprise fin 2013 par un panel de dix-huit citoyens, chargé par le CCNE de réfléchir à la fin de vie.

Cette solution ne règlerait pas le cas de Vincent Lambert, rappelle Gaëtan Gorce, puisqu'il ne serait pas en état de mettre lui-même fin à ses jours. Mais la deuxième option semble trop polémique : l'euthanasie, avec la possibilité pour les soignants de procéder à l'injection létale. L'hypothèse "provoque une résistance très forte de certains, pour des raisons philosophiques, juge le sénateur. Beaucoup de médecins considèrent l'idée qu'ils soient incités à un geste actif est en contradiction avec le principe même de leur métier."

Eviter une nouvelle controverse sociale

Une certitude : François Hollande souhaite qu'un "accord, le plus large possible, puisse être trouvé sur un texte de loi". La précision inquiète Jean-Luc Romero, conseiller régional d'Ile-de-France apparenté PS, partisan de l'euthanasie, qui ne veut pas d'un "consensus mou" sur le sujet.

"L'euthanasie n'est pas comme le mariage pour tous, où la question de l'adoption divisait", argue-t-il, s'appuyant sur des sondages commandés par l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), qu'il préside : 44% des personnes interrogées en octobre 2013 se prononçaient "absolument" pour l'euthanasie, 48% "dans certains cas".

Le président de la République a raison de temporiser, rétorque Gaëtan Gorce. "L'euthanasie suscitera toujours des controverses, explique le socialiste. Le président n'est pas là pour épouser une cause. Une attitude militante aurait été malvenue."

D'autant que la réouverture du dossier n'est pas sans risque politique : l'opposition s'organise déjà. "On va regarder de très près ce que les ministres vont faire, prévient Tugdual Derville, qui s'était déjà mobilisé contre le mariage pour tous. Est-ce que François Hollande veut provoquer une nouvelle bataille sociétale de grande ampleur ?" Seule issue acceptable pour lui : "affiner" la loi Leonetti et "améliorer l'accompagnement des malades et la lutte contre l'acharnement thérapeutique".

Le président attend désormais le rapport du Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sur la question. Les travaux devraient s'achever "fin février, début mars", assure le président du CCNE au Figaro. Partisans et opposants de l'euthanasie espèrent, d'ici là, une "clarification" de la position de François Hollande.

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