Cet article date de plus de sept ans.

Hôpital : le malaise des anesthésistes-réanimateurs

Publié
Article rédigé par La rédaction d'Allodocteurs.fr
France Télévisions
Crise démographique, dégradation des conditions de travail, effectifs insuffisants… Les anesthésistes-réanimateurs des hôpitaux publics traversent une crise sans précédent. Ils réclament des négociations sur leur temps de travail.

Ils sont les hommes et les femmes de l'ombre du bloc opératoire… Si l'on connaît son chirurgien, on est souvent bien en peine de mettre un nom sur celui qui nous a endormi : le médecin anesthésiste-réanimateur. Sans lui pourtant, aucune intervention chirurgicale n'est possible. Or, cette profession traverse aujourd'hui une crise démographique sans précédent : plus de 30% des postes sont vacants. Pour ceux qui exercent, la charge de travail est donc d'autant plus lourde. "Nous devons travailler 48 heures par semaine, c'est le temps prévu pour un praticien hospitalier. Mais il y a des semaines où on monte jusqu'à 70 ou 80 heures, et ce n'est pas si rare. On est de garde en moyenne une fois par semaine et un à deux week-ends par mois… Les conditions d'exercice aujourd'hui sont quasi repoussantes !", estime le Dr Willy-Serge Mfam, chef du service d'anesthésie-réanimation du Centre hospitalier régional d'Orléans (45).

La première cause à l'origine de cette pénurie d'anesthésistes-réanimateurs est le fameux numerus clausus, c'est-à-dire le nombre d'étudiants admis en deuxième année de médecine. En 1971, il était de 8.600. Abaissé jusque dans les années 90 à 3.500, il est ensuite remonté. Il est aujourd'hui fixé à 7.600. Mais le nombre de médecins disponibles sur le marché du travail n'est pas encore suffisant. Une pénurie qui survient alors que les anesthésistes ont affaire à des patients atteints de pathologies de plus en plus sévères. Et dans le même temps, l'hôpital cherche à réaliser plus d'interventions chirurgicales pour être rentable. "À un moment donné, il va bien falloir que l'on trouve une limite. Nous ne pouvons pas accepter une disparition totale de notre vie personnelle, de notre vie de famille, sur l'autel de l'économie budgétaire des établissements hospitaliers !", explique le Dr Yves Rébuffat, président du Syndicat national des praticiens anesthésistes-réanimateurs.

Revers de cette pression : les anesthésistes-réanimateurs fuient les postes de praticiens de l'hôpital public. Il faut savoir que dans le privé, la rémunération proposée est trois fois supérieure. L'autre échappatoire, c'est l'intérim médical : les praticiens se font embaucher à la journée au tarif moyen de 650 euros. Là encore, un salaire trois fois supérieur à celui des titulaires alors qu'ils ont moins de missions à remplir. Selon le Dr Yves Rébuffat : "La distorsion est non seulement dans la rémunération mais aussi dans le travail. On a l'impression que plus le travail est de qualité et implique les praticiens, moins on le rémunère. Donc cela crée un sentiment d'injustice qui est parfaitement insupportable".

Aujourd'hui, sans recours à l'intérim, aucun service d'anesthésie-réanimation du secteur public ne pourrait tourner. Ce qui donne aux intérimaires un pouvoir incroyable… celui de faire grimper les prix. "La problématique c'est moins l'intérim en soit que les conditions dans lesquelles il est pratiqué aujourd'hui : avec des tarifs excessifs et un régime qui n'était pas régulé jusqu'à présent. La loi santé a prévu cette disposition en plafonnant les conditions de facturation de l'intérim. Nous attendons avec impatience la publication du décret d'application de cette disposition pour la rendre effective dans nos établissements et d'une certaine manière, rétablir l'équité des conditions d'exercice médical entre le public et le privé", affirme David Gruson, délégué général de la Fédération hospitalière de France (FHF).

Les médecins anesthésistes du public demandent aujourd'hui l'ouverture de négociations sur le décompte de leur temps de travail. En filigrane, c'est une revalorisation de leur salaire qui est en jeu.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.