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Trois questions sur Zéalandia, présenté comme un nouveau "continent"

La Société de géologie américaine a récemment publié un article annonçant la présence d'un nouveau "continent" immergé au large de la Nouvelle-Zélande. Une découverte à relativiser, selon plusieurs chercheurs. 

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le continent Zéalandia serait situé au large de la Nouvelle-Zélande. (KAI SCHWÖRER / SCHWÖRER PRESSEFOTO)

Une étendue de terre cachée sous les eaux ? Vendredi 17 février, de nombreux articles ont évoqué la découverte d'un nouveau "continent" immergé au large de la Nouvelle-Zélande, baptisé Zéalandia. Une trouvaille annoncée dans un article de la Société de géologie américaine mais qui aurait été largement gonflée, selon plusieurs spécialistes interrogés par franceinfo.

C'est quoi, cette prétendue découverte ?

Tout a commencé avec la publication d'un article dans l'édition mars-avril 2017 de la revue de la Société de géologie américaine. Son titre aguicheur, "Zéalandia : le continent terrestre caché", n'a pas tardé à faire parler de lui. Dans l'article, les chercheurs évoquent l'existence d'un continent presque entièrement immergé, d’une superficie de 3,5 millions de km², au sud-ouest de l’océan Pacifique. La Nouvelle-Zélande en serait la partie émergée. Pour établir cette conclusion, les scientifiques ont mis en avant "l'épaisseur de la roche, entre 10 et 30 kilomètres", ainsi que sa densité, explique à franceinfo Hubert Whitechurch, professeur à l'Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre de Strasbourg. Cette zone continentale serait aussi complètement détachée de l'Australie, ce qui en ferait un continent autonome, selon les conclusions de l'article.

Pour autant, "l'article ne révèle aucune nouvelle donnée", explique Hubert Whitechurch : "Il s'agit d'un texte de discussion, dans lequel des chercheurs comparent des analyses et en débattent." Les discussions sur la nature de cette zone proche de la Nouvelle-Zélande sont d'ailleurs loin d'être nouvelles. "Il y a des articles sur ce sujet qui remontent aux années 1980, explique-t-il. Le débat a été relancé en 2012, avec de nouveaux prélèvements de roche." Rien de bien nouveau donc, mais plutôt une compilation de données existantes qui ont permis d'établir des conclusions plus fiables.

Mais alors, Zéalandia est-il vraiment un continent ?

Au risque de vous décevoir, la réponse ne peut pas être limitée à "oui" ou "non". "Cela dépend du point de vue, explique à franceinfo Robin Lacassin, chercheur de l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP). D'un point de vue de géographe, il n'y a pas de nouveau continent, car très peu de surface émergée. Et d'un point de vue de géologue, il s'agit seulement d'une étendue importante de croûte continentale", dont le matériau se distingue de la croûte océanique. Quoi qu'il en soit, "cela n'a rien de miraculeux". Selon ce chercheur, "il existe aussi une croûte continentale au large de la France".

Hubert Whitechurch met aussi en garde contre le risque d'extrapolation des conclusions de l'article : "Il ne faut pas rentrer dans les fantasmes des continents oubliés ou d'une Atlantide immergée". Il s'agit seulement "de la découverte d’une nouvelle zone de roche continentale. Mais présenté comme cela, l'article aurait fait moins de buzz", explique un autre professeur de l'IPGP, Yann Klinger.

Du coup, comment définir un continent ?

Difficile d'y voir clair. Le dictionnaire Larousse évoque seulement une "vaste étendue de terre émergée, considérée comme une partie du monde et à laquelle on rattache les îles proches." Ainsi, Zéalandia a été présenté aussi bien comme le septième ou huitième continent. Un chiffre fluctuant, qui indique le manque de précision de cette notion.

Pourquoi un tel flou ? "En termes scientifiques, les continents n’ont pas beaucoup de sens", explique le professeur Yann Klinger. "La bonne notion, c’est la notion de plaque tectonique, mais elle n’a pas beaucoup de sens pour Zéalandia, car le plateau continental est coupé par une faille", explique-t-il. En conclusion, "la notion de continent n’est pas très pertinente, mais elle fait rêver. Ils ont réussi un joli coup en utilisant ce terme", estime Yann Klinger.

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