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"J’ai testé pour vous le dépistage génétique de maladies"

Article rédigé par Nicolas Enault
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le kit de prélèvement pour le décryptage du génotype, fourni par la société américaine 23andme. (FRANCETV INFO)

Une société américaine a décrypté le génotype de l'un de nos journalistes. Il raconte son expérience.

J'ai lu mon futur dans quelques millilitres de salive. Si les analyses génétiques ne sont utilisées en France que dans un cadre médical précis, n'importe quel particulier peut obtenir le décryptage de son génotype, l'ensemble de ses gènes, sur internet.

L'argument de vente des entreprises américaines qui pratiquent cette procédure est fort : anticiper et mieux gérer votre capital santé tout au long de votre vie. Le prix, quant à lui, s'avère plutôt faible : une centaine de dollars pour une analyse complète.

Mes gènes en open data

Quand la rédaction de francetv info lance une enquête sur l'évolution de la génétique, il nous paraît incontournable de réaliser l'un de ces tests. Mais la perspective d'apprendre peut-être qu'on va contracter une terrible maladie ne suscite guère l'enthousiasme dans l'équipe. Moi, je suis volontaire. Quand ma collègue qui enquête sur ces tests dans le milieu médical français apprend que j'accepte le rôle de cobaye, elle m'écrit : "Regarde bien cette liste : https://www.23andme.com/health/all/" (en anglais).

23andme est l'un des principaux acteurs du marché, avec près de 300 000 clients depuis la création de la société, en 2006. La liste en question comporte les 300 maladies et autres prédispositions génétiques détectables lors d'un génotypage. Si connaître sa capacité à absorber la caféine fait plus envie que découvrir ses probabilités de développer la maladie d'Alzheimer, l'ensemble est un peu angoissant.

Quand mon ADN part en Californie

Une fois acquittée la somme évoquée (qui double avec les frais de port), en avril, je reçois mon kit de prélèvement. Pour exécuter un bon génotypage, les analystes ont besoin uniquement de salive. Mais de beaucoup de salive. Ce kit ressemble donc à un tube à essai que je remplis de cette matière première. La méthode de prélèvement est assez basique, et pas vraiment distinguée : il faut cracher dans le tube.

Puis j'envoie l'échantillon à un laboratoire situé "en plein cœur de la Silicon Valley", à Mountain View, en Californie, accompagné d'une panoplie de documents nécessaires pour faire entrer du matériel biologique aux Etats-Unis. Je dois même remettre le courrier en mains propres au transporteur, quitte à ressembler à un expéditeur d'anthrax.

Bref, j'ai fait un dépistage global

Les résultats me parviennent deux mois plus tard. Ce n'est pas le traitement de l'échantillon qui semble être le plus long, mais la file d'attente avant que les analyses ne débutent. Le service a manifestement du succès.

Je ne ressens pas les craintes inhérentes à l'attente de résultats d'analyses plus classiques. Le caractère à la fois inné et inéluctable de la situation que je vais découvrir balaie toute inquiétude.

Alzheimer ou Parkinson, le clic à part

Lorsque les examens sont terminés, les résultats sont mis en ligne et répartis en plusieurs catégories : les maladies et notre prédisposition ou non à les contracter, les attributs physiques issus de nos gènes, et notre sensibilité à certaines molécules.

C'est bien évidemment sur la première catégorie que je clique tout de suite, là où se trouvent les éléments inquiétants. Ils sont classés en fonction du risque que l'on présente : élevé, typique ou faible. Tout est statistique, les risques sont calculés par rapport à une moyenne issue des recherches effectuées par la société. Il faut interpréter les résultats de la façon suivante : "Un certain pourcentage de personnes qui partagent mon génotype développeront la maladie."

Je m'aperçois que les résultats des deux maladies qui m'effraient le plus (Alzheimer et Parkinson) ne sont pas affichés. Il faut cliquer spécifiquement sur celles-ci pour connaître le verdict. Il est même nécessaire de confirmer que l'on est bien certain de vouloir en prendre connaissance. De façon générale, le service prend beaucoup de précautions, et les avertissements sont omniprésents, rappelant que les résultats sont purement statistiques et qu'il ne s'agit en rien de diagnostics médicaux.

"Bon parti génétique"

Une fois ces craintes dissipées (en dessous de la moyenne pour Alzheimer et dans la moyenne pour Parkinson), je parcours la liste de toutes ces maladies - j'en découvre un certain nombre au passage.

Globalement, mes résultats sont rassurants. Lorsque je les montre à mes collègues, quelqu'un me qualifie même de "bon parti génétique". Ils sont également plutôt cohérents par rapport à mon histoire familiale : les maladies pour lesquelles je présente les plus grands risques, en l'occurence le diabète et le cancer de la prostate, ont déjà affecté certains membres de ma famille. Je suis dans la moyenne pour la plupart des autres. A première vue, le chiffre 54,2% à côté de la mention "obésité" m'inquiète. Et pourtant, je suis en dessous de la moyenne (63,9%). Il semblerait également que j'ai moins de probabilités que la moyenne de développer un psoriasis.

Physique de sprinter

La cohérence de mes résultats est aussi valable pour les deux autres catégories : mes "traits" correspondent bien à ce qui était prévu dans mon ADN, même si certains de mes collègues émettent des doutes sur le fait que mes performances musculaires sont censées ressembler à celles d'un sprinter. Dans la partie "sensibilité", je me découvre une potentielle intolérance au lactose insoupçonnée, mais pas si invraisemblable que cela.

Quelques jours plus tard, je reçois un mail pour m'informer que mes analyses de généalogie génétique sont disponibles. Je découvre l'existence de ce service supplémentaire en même temps que le fait que 2,8 % de mon ADN proviendrait directement de l'homme de Néandertal. Cette surprise n'est néanmoins pas suffisante pour me pousser à acheter le tee-shirt correspondant.

Cette analyse généalogique, figurée par cette répartition géographique de mes gènes, est en accord avec ce que je sais de mes origines.

La répartition géographique de mes gènes, selon les analyses de 23andme. ( FRANCETV INFO)

Coucou, tu veux voir mes gènes ?

Cet article aurait sûrement revêtu une tournure différente si j'avais fait des découvertes plus négatives. Il ne s'agit pas bien entendu d'oublier que ces résultats ne sont fondés que sur des recherches en cours d'élaboration. Ni d'ignorer que toutes ces maladies n'ont pas uniquement pour origine des prédispositions génétiques. Etre en dessous de la moyenne ne signifie en aucun cas être immunisé. L'un des arguments de vente de 23andme réside d'ailleurs dans le fait que ces analyses ne servent que de bases pour choisir son style de vie.

Si j'ai accepté que mes échantillons soient conservés par la société 23andme, afin qu'ils soient utilisés pour tous les tests qu'ils développeront dans le futur, je ne suis pas allé jusqu'à prendre contact avec les autres utilisateurs qui partagent une partie de mon génotype.

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