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Si j'étais... Booba

Karl Zéro s'est imaginé dans la peau du rappeur Booba.

Article rédigé par franceinfo - Karl Zéro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Le chanteur Booba à l'émission "Le Grand Journal" sur Canal +, à Cannes, le 19 mai 2014. (LOIC VENANCE / AFP)

Si j’étais Booba, alias B2O, alias Kopp, alias "Le Duc des Hauts-de-Seine"’, je serais "de race noire", comme dit  Alerte Enlèvement. Du coup, pas le choix, je suis devenu rappeur. C’est enfoncer une porte ouverte que de dire que pour nous, hommes de "race noire", rappeur c’est la voie royale, que sinon à la limite il y a footballeur et en dernier choix taulard. C’est une porte ouverte que j’enfonce mais vous noterez que personne ne la referme jamais ! Comme si on prenait soin de la laisser ouverte.

Aux Etats-Unis, c’est pire, il y a une quatrième possibilité : c’est "mort". Remarquez, si j’étais Booba, la case prison, j’aurais aussi donné : 18 mois pour braquage de taxi. Je n’en suis pas fier. Depuis, j’ai changé : je prend des Uber, à Miami. J’ai quitté Boulogne-Billancourt pour South Beach, pour faire du rap, du bizness et de la muscu. J’suis à fond, mec ! (Ça ne vous gêne pas si je vous appelle mec ?) La preuve j’ai même arrêté le teushi pour être au top dès l’aube

Alors, vous allez me dire : "C’est bien gentil tout ça, M. Booba, mais nous, pendant ce temps-là, on n'est pas là à faire les beaux à Miami, nous on est resté en France, le pays relou où on galère vegra, tout spécialement quand on est de  race renoi ". Donc, tes clashs via Instagram avec la Fouine, Sinik ou Rohff, franchement, ils nous laissent de marbre. Et on reste polis.

Si vous me disiez ça, et que j’étais Booba… je vous casserais la bouche ! Après je réfléchirais, je m’excuserais de mon emportement, et je vous dirais que oui, vous n’avez peut-être pas tout à fait tort. Ma place, elle est sans doute parmi vous, et pas à Miami, ce qui fait " hièch " parce qu’il y fait quand même moins deg’.

Booba candidat

Mais en mettant de coté ce point météo, si j’étais Booba, avec plus de quatre millions de fans sur Facebook, deux millions et demi de followers sur Twitter et pas loin de 800 000 abonnés sur Instagram, je me rendrais compte qu’en terme d’admirateurs je dépasse de très loin tous les politiciens réunis. En plus, je les achète pas moi, mes followers. C’est pas des armées de robots au Sri-Lanka qui me likent à tout-va, c’est des vrais gens. Qui pour la plupart ne votent pas, parce qu’ils rejettent la politique, le système.

Faut dire qu’il a largement commencé le premier, le système, à les pourrir. C’est ma majorité silencieuse. C’est mon monde du silence. Cette marée humaine, ça pourrait en faire un gigantesque, de parti politique. Imaginez, je fais un tweet pour leur demande d’aller voter à la primaire de la droite et du centre. On fait élire qui on veut ! Même Poisson, tiens, on le fait élire, rien que pour déconner, pour monter notre puissance. S’il était moins facho, quoi, c’est juste une hypothèse d’école. Je sens que Bruno Le Maire va m’appeler…

Si j’étais Booba, ce serait décidé, je me présenterais à la présidentielle. C’est à moi de venir leur parler, au Zemmour, à la Marine, au Sarko. A moi de venir leur expliquer c’est comment la vie quand tu es de "race noire". Absurde ? Pas tant que ça ! Toutes celles et tous ceux qui se sentent rejetés, exploités, humiliés, mis de côté, se reconnaissent déjà en moi, quelque part.

Attendez, il y a même des féministes qui me kiffent, même si a priori tout nous oppose. Même mon célèbre "Suce-moi dans ma Lambo [rghini]" ça leur va bien ! Je cite l’auteur féministe Marie Debray : "Un mec qui vient des colonies ne peut ignorer que nous, les femmes, venons des maisons closes…" Alors ? Je cite mon collègue Oxmo Puccino : "Le discours de Booba est représentatif du décalage que la France a pu créer par mégarde vis-à-vis de ses jeunes." Allez n’en jetez plus !

Si j’étais Booba, y'aurait plus qu’à. Mais attention, pas une candidature de rigolo à la Coluche. Une vraie. Avec l’écharpe tricolore et tout, quoi. Bref Booba président, t’as vu...

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