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Lionel Fontagné (Université Panthéon-Sorbonne) : "L’ombre de Trump va peser sur le G20 à Baden Baden"

L'économiste Lionel Fontagné était l'invité de l'interview éco jeudi. Il a analysé pour franceinfo les enjeux du G20 qui a lieu du vendredi 17 au samedi 18 mars en Allemagne. 

Article rédigé par franceinfo, Emmanuel Cugny
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Lionel Fontagné est professeur à l'univesité Paris 1 Panthéon-Sorbonne.  (RADIO FRANCE / CAPTURE D'ÉCRAN)

"L'Europe va devoir faire front", alors que se tient vendredi 17 et samedi 18 mars une réunion des ministres des finances du G20 à Baden-Baden, en Allemagne, a estimé jeudi 16 mars sur franceinfo Lionel Fontagné, professeur à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, et membre du cercle des économistes. Il publie un livre, en anglais, sur l’avenir de l’industrie dans les pays développés.

franceinfo : L’ombre de Donald Trump va-t-elle peser sur ce G20 ?

Lionel FontagnéNécessairement. L’administration Trump est en train de se mettre en place. Les nominations qui ont été faites jusqu’ici correspondent le plus souvent aux déclarations assez inquiétantes qui ont été faites par exemple sur les questions de commerce international ou de protectionnisme.

L’Allemagne entend affirmer une nouvelle fois le principe de libre échange dans le commerce mondial, contrairement à ce que voudrait Donald Trump. Est-ce une mission impossible pour Berlin ?

Il est important de rappeler que le G20 représente les trois quarts des exportations mondiales en valeur. L’Allemagne elle-même, qui accueille ce G20, a le premier excédent commercial dans le monde, devant la Chine. Ce sujet est donc absolument primordial. Il faut laisser les frontières ouvertes. C’est le point de vue, non seulement de l’Allemagne mais aussi de la Chine et de l’ensemble des participants, sauf des États-Unis. Cela va être un sujet qui va être au cœur des négociations.

Quel poids peut réellement représenter l’Europe face à ces nouveaux États-Unis ?

L’Europe a un avantage : elle arrive très unie, car elle a compris qu’il y avait danger dans la demeure et qu’il fallait s’unir pour faire front. En même temps, elle est affaiblie par la perspective du Brexit et il y a un sujet sur lequel Trump va être très offensif : la fiscalité des entreprises, avec son nouveau projet de taxation aux frontières. [...] Trump arrive avec ses projets et les Européens vont devoir faire face. Sur la question de la fiscalité, ils ne sont pas très à l’aise car ils doivent parler à l’unanimité.

La gouvernance mondiale va-t-elle voler en éclats ?

La gouvernance mondiale ne va pas forcément voler en éclats, car il va falloir faire front à cette attitude des États-Unis. Si par exemple les États-Unis décidaient de sortir de l’Organisation mondiale du commerce, les Européens se retrouveraient très probablement avec la Chine et peut-être même les Indiens pour essayer de sauver l’édifice. Car au-delà de Trump, nous avons besoin de cet édifice de gouvernance mondiale.

Une économie sans usine attend-t-elle vraiment les économies développées ?

Est-ce notre avenir ? Nécessairement. Nos économies vont vers les services, les services deviennent une industrie, l’industrie produit elle-même de plus en plus de services, c’est la pente naturelle de nos économies qui est d’une certaine façon renforcée par la mondialisation. C’est cela que n’aime pas Trump, c’est cela que les lobbies industriels aux États-Unis n’aiment pas.

Les mouvements de délocalisation comme l'usine Whirpool à Amiens vont-ils se poursuivre ?

Ce n’est pas tant les industries qui sont concernées que les tâches, qui sont faites aux sein des industries et services. Toutes les tâches répétitives, routinières, codifiables risquent d’être délocalisées. Mais il ne faut pas trop s’inquiéter car la dimension, la sécurité juridique est importante pour les services. Elle est assurée en Pologne, mais ce n'est pas aussi sûr lorsque l'on va beaucoup plus loin. Nous serons moins sur des délocalisations très lointaines.

Est-il possible de fabriquer du 100% français ?

Les entreprises françaises sont déjà très présentes en réalité dans la commande publique. Il n’y a pas grand-chose à faire pour atteindre cet objectif. En même temps, il y a des biens que l’on n’arrive pas à produire en France, les ordinateurs par exemple. Il est exclu d’acheter des ordinateurs portables français. Ce qui est plus important est d’avoir une industrie française qui se positionne sur des créneaux, sur des segments de valeurs ajoutées, sur lequel elle est très compétitive. Il ne s’agit pas, par exemple, de produire des téléphones concurrents des grandes marques, mais d’être présent dans ces téléphones. C’est le cas notamment dans les Iphone et les Samsung. Les entreprises françaises sont présentes et s’ouvrent à des marchés mondiaux considérables.

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