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Histoires d'Info. Bruno Le Roux : dernière "victime" de la règle "Bérégovoy-Balladur"

Contraint par la règle "Bérégovoy-Balladur", Bruno Le Roux a démissionné mardi soir de son poste de ministre de l'Intérieur. C'est le dernier d'une liste de ministres suspectés. 

Article rédigé par franceinfo, Thomas Snégaroff
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Bruno Le Roux, ministre de l'Interieur, annonce sa démission, à la préfecture de Bobigny (Seine-Saint-Denis), le 21 mars 2017. (YOAN VALAT / EPA)

Démissionnaire mardi 21 mars, l'ancien ministre de l'Intérieur, Bruno Le Roux, est la dernière "victime" de la règle  "Bérégovoy-Balladur". Mais de quoi s'agit-il ?

Vendredi 22 mai 1992, le populaire ministre de la ville Bernard Tapie est l’invité de l’émission  Objections sur France Inter. Depuis plusieurs jours déjà, plane la menace d’une inculpation (à l’époque, on ne parlait pas encore de  "mise en examen") dans l’affaire dite Toshiba dans laquelle Tapie est accusé de détournement de fonds, une affaire qui n’a rien à voir avec la politique et qui date du milieu des années 1980. Pas question pour lui, de démissionner. "Si j'étais condamné,  c'est-à-dire si on me donnait tort, à ce moment-là c'est ma morale d'homme qui est en cause : même si ça n'a rien à voir avec des fonds publics, je ne resterais pas parce qu'on ne peut pas être mis en cause sur sa morale et être un des représentants dans une tâche les plus nobles qui soit pour un homme politique" explique alors Bernard Tapie. 

Revirement de situation

Et pourtant, le lendemain, un journaliste de France Inter raconte :  "Bernard Tapie a démissionné hier soir, officiellement pour mieux assurer sa défense en toute liberté de parole, défense face aux attaques de son-ex associé, aujourd'hui RPR, Georges Tranchant. Les démêlés de Bernard Tapie avec la justice gênaient manifestement le gouvernement. Le ministre de la Ville sera resté 52 jours à son poste."

Entre-temps, quelques poids lourds du Parti socialiste dont Pierre Mauroy et Laurent Fabius ont poussé le premier ministre Pierre Bérégovoy à exiger la démission de Tapie. Pour un gouvernement qui avait placé l’honnêteté comme valeur cardinale, la menace d’une inculpation était insupportable et dépassait de loin la présomption d’innocence. En 1994, cette jurisprudence Tapie ou Bérégovoy s’impose également à droite. Nathalie Saint-Cricq, journaliste à France Télévisions, demande à Alain Carignon pourquoi il démissionne de son poste de ministre de la Communication en 1994 (à l'époque, il est soupconné d'abus de biens sociaux) : "Je crois que c'est un choix moral. Parce que je suis cité dans une affaire du point de vue judiciaire et qu'à un moment ou à un autre, soit je serai convoqué par le juge pour être entendu sur ce dossier et je crois qu'il est loyal, il est de mon devoir par rapport au Premier ministre, par rapport à l'action gouvernementale, on doit pouvoir demander à quelqu'un de s'expliquer. Quand c'est un homme public, un ministre, je pense qu'il ne peut pas mêler son action d'homme public, son action de ministre à cette nécessaire explication. "

Suivront dans le même gouvernement Michel Roussin et Gérard Longuet, tous démissionnaires avant d’être mis en examen, comme le fera Dominique Strauss-Khan en 1999. Depuis les années 2000, la jurisprudence "Bérégovoy-Balladur" est moins strictement appliquée, les ministres s’accrochant plus longtemps à leur poste. La démission de Bruno Leroux et ce nouveau souffle de moralisation de la vie politique qui rappelle celle des années 1990 pourrait la remettre au goût du jour.

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