Cet article date de plus de sept ans.

En direct de l'Europe. L'Europe à plusieurs vitesses, une solution pour avancer

Le 6 mars se tiendra à Versailles un sommet entre la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Inhabituel, l'événement relance le débat autour du concept d'Europe à plusieurs vitesses que Jean-Claude Juncker a appelé de ses vœux jeudi.

Article rédigé par franceinfo - Aude Raso
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
François Hollande, Angela Merkel et Jean-Claude Juncker, le 28 septembre 2016 à Berlin (TOBIAS SCHWARZ / AFP)

"Il ne s'agit pas de définir à quatre ce que doit être l'Europe. Mais nous sommes les quatre pays les plus importants et il nous revient de dire ce que nous voulons faire avec d'autres, ensemble." C'est ainsi que François Hollande a justifié son annonce lundi 20 février d'un sommet entre la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne le 6 mars à Versailles. Une réunion entre ces quatre pays relève d'un format inhabituel. Elle interviendra à quelques jours du sommet de Rome, au cours duquel les États-membres de l'Union européenne (UE) célèbreront le 60e anniversaire du traité de Rome, acte de naissance de la Communauté économique européenne en 1957. 

Trump et Brexit, l'électrochoc

Il n'en fallait pas moins pour relancer le débat autour d'une Europe à plusieurs vitesses. Le concept n'est pas nouveau : il consiste au renforcement de la coopération entre quelques États dans certains domaines sans que l'ensemble du bloc suive le mouvement. Réunis à Malte le 3 février, François Hollande et la chancelière allemande Angela Merkel avaient déjà évoqué le sujet. Jeudi le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a annoncé que des propositions sur ce sujet seraient présentées dans un livre blanc dans les prochains jours.

Depuis la victoire des partisans du Brexit en Grande-Bretagne en juin et les propos fracassants de Donald Trump en janvier à l'égard de l'UE, "l'Europe a besoin d'un sursaut", analyse Olivier de France, directeur de recherche à l'Institut de relations internationales et stratégiques (IRIS) : "Par peur de perdre la protection américaine, les pays d'Europe de l'Est, d'Europe centrale et les États baltes préfèrent se dire aujourd'hui qu'il est urgent de ne rien faire en Européens. La solution pour les autres serait donc d'avancer entre pays qui sont d'accord. Bien sûr que l'Allemagne et la France préfèreraient qu'on avance à 28 ! Mais le fond de l'air est frais et ce n'est plus possible."

Avancer à 28 États membres ne produit aujourd'hui que du consensus mou. On n'arrive plus à prendre de grandes décisions.

Olivier de France (IRIS)

à franceinfo

Le concept d'Europe à plusieurs vitesses n'a rien de nouveau. Il est même un marqueur incontournable de la construction européenne. En 1995, seuls sept États membres de l'UE mettent en œuvre la convention d'application des accords de Schengen. Plus de 20 ans plus tard, l'espace Schengen s'étend sur les territoires de 26 États. Quant à la zone euro, elle a été créée en 1999 par 11 pays européens. Aujourd'hui, ils sont 19 à utiliser la monnaie unique.

Montrer l'exemple aux pays "récalcitrants"

"Contrôle des frontières, antiterrorisme, politique de défense commune... Sur ces sujets audacieux, qui touchent à la question délicate de la souveraineté nationale, quelques pays doivent aujourd'hui prendre le leadership", analyse Thierry Chopin, directeur des études à la Fondation Robert-Schuman. Mais "ce serait une erreur", dit-il, de considérer que l'Europe à plusieurs vitesses n'est qu'un moyen de se débarrasser de pays "récalcitrants" aux avancées européennes.

"Il s'agit au contraire de montrer l'exemple", souligne Thierry Chopin : "Un pays comme la Pologne est traditionnellement intéressé par des avancées européennes dans le domaine de la défense. Mais son gouvernement actuel (eurosceptique ndlr) n'est pas très allant... Nous pourrions donc considérer qu'il est souhaitable d'avancer à quelques-uns pour élargir ensuite ces sujets à d'autres pays quand ils le souhaiteront."

En Europe de l'Est et centrale ainsi que dans les pays baltes, les dirigeants s'appliquent à dénoncer l'idée d'une Union à plusieurs vitesses, brandissant la menace d'un délitement... craignant surtout de se voir relégués au rang d'États membres de seconde zone. Mais les déclarations répétées des dirigeants français, allemands, italiens, espagnols et de ceux du Benelux laissent entendre que le concept pourrait bien se retrouver inscrit noir sur blanc dans la déclaration finale du sommet de Rome, le 25 mars.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.