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Mais pourquoi la gauche du PS reste-t-elle au PS ?

Peu emballée par la politique du gouvernement Ayrault, voici l'aile gauche du PS atterrée par la nomination de Manuel Valls et les dernières annonces de celui-ci. 

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le député PS Jérôme Guedj et le vice-président PS d'Ile-de-France Emmanuel Maurel, lors des vœux du courant Maintenant La Gauche, le 13 janvier à Paris. (MAXPPP)

Socialistes et en colère. Depuis l'arrivée de Manuel Valls à Matignon, l'aile gauche du PS truste les plateaux télés et les pages de journaux pour dénoncer le pacte de responsabilité, les économies budgétaires ou pour s'émouvoir de l'image droitière du nouveau Premier ministre. Les élus de cette sensibilité ont ainsi dénoncé "le gel des prestations sociales" dans un courrier publié jeudi 17 avril.

Un chahut inédit dans la majorité, à tel point que l'état-major perd patience. "Quand on ne se sent pas à l'aise dans la majorité, il faut la quitter", a déclaré Eduardo Rihan Cypel, porte-parole du PS, cité par Le Figaro. Ambiance.

Pour le moment, peu ont claqué la porte, exceptée Caroline de Haas. "Nous avons fait reculer la gauche", estime-t-elle dans une lettre datée du 10 avril, après 13 ans passés au PS. La féministe a décidé de rendre sa carte pour monter sa propre liste aux européennes. Mais pourquoi les autres n'ont-ils pas (encore) choisi de l'imiter ?

Parce qu'il est encore trop tôt

Mardi 8  mars, Manuel Valls prononce son discours de politique générale qui ne convainc pas les sceptiques, déjà signataires d'une lettre réclamant un "contrat de majorité au gouvernement". Avant le vote de confiance, une cinquantaine de députés PS se retrouvent pendant deux heures à huis clos, salle Colbert, à l'Assemblée nationale.

Les députés souhaitent marquer le coup. Qui vote pour l'abstention ? Pour frapper fort, une vingtaine d'élus sont recherchés, le nombre d'élus nécessaires pour fonder un groupe parlementaire. Tout un symbole d'indépendance. Lors de la consultation à main levée, il ne manque que trois ou quatre députés. Pour le moment, l'aile gauche n'est pas tout à fait prête à prendre son indépendance.

"C'était avant tout pour le poids du symbole", explique un élu présent ce jour-là. "La création d'un groupe n'est pas d'actualité", ajoute une autre. "Peut-être y serons-nous acculés à l'avenir, mais c'est un choix très lourd politiquement." Au passage, quelques-uns ont préféré éviter les ennuis. Car lors du vote de confiance, seuls 11 députés se sont abstenus d'accorder leur confiance au gouvernement.

Parce qu'elle veut incarner la base du parti

C'est encore trop pour Bruno Le Roux, chef de file des députés PS. Interrogé par BFMTV, mercredi 16 avril, il fulmine. "Onze qui n'ont pas voté la confiance au gouvernement, c'est inédit, c'est anormal."

Ce qui a le don d'agacer Jérôme Guedj, l'un des principaux élus de l'aile gauche. "J'aime ce parti profondément, je ne supporte pas qu'on me donne des leçons, et si je reste, c'est précisément pour que tout le monde ne parte pas du PS". Selon lui, donc, la base socialiste a faim de gauche. Et ce n'est pas la politique du gouvernement qui va les retenir. "Réjouissez-vous qu'on mène le combat", lance Gérard Filoche, membre du bureau national, un rien bravache. 

Comme lui, plusieurs élus contactés par francetv info constatent un désamour de la part de nombreux militants, voire des désaffections dans les sections. A l'image de la sénatrice PS Marie-Noëlle Lienemann, qui s'inquiète de "l'évaporation des militants" et qui affirme que ceux-ci "n'ont pas voté pour cette politique-là". Difficile, toutefois, de vérifier l'ampleur du phénomène.

Parce que son message porte davantage en restant

"Hors de question de me sentir mal à l'aise dans mon parti", fulmine Gérard Filoche, membre du Bureau national. "Eduardo Rihan Cyprel est quand même gonflé, c'est lui qui ne devrait pas être à l'aise ! Moi je suis de gauche et socialiste." Pour certains cadres, la déroute du PS aux municipales illustre l'échec des politiques d'austérité.

"Pourquoi voulez-vous qu'on s'en aille alors qu'on n'a jamais autant progressé ?", poursuit Gérard Filoche. Lors de l'élection du premier secrétaire, le candidat de l'aile gauche Sylvain Mathieu a recueilli près de 33% des voix, malgré un déficit évident de notoriété. L'aile gauche, discrète depuis l'élection de François Hollande, a finalement décidé de hausser le ton. Et tant pis pour la solidarité.

"Nous ne sommes pas marginaux", estime Marie-Noëlle Lienemann. "Et si Bruno Le Roux ou Eduardo Rihan Cyprel s'énervent, c'est bien parce que nos idées progressent." Seuls 11 parlementaires ont pourtant signé la lettre adressée à Manuel Valls, jeudi. Qu'importe. Omniprésent dans les médias, Jérôme Guedj s'enhardit. "J'ai l'impression que nos idées infusent dans tout le parti, bien qu'on ait dit à un moment que nous étions un quarteron." Bref, ce n'est pas le moment d'abandonner.

Parce qu'elle est attachée au PS

Quand il faut défendre le PS sur le terrain, face aux administrés, le grand écart est parfois difficile. "[Le plan de] 50 milliards d'économie, vraiment, ça ne passe pas", explique Nathalie Chabanne, députée PS des Pyrénées-Atlantiques. "Je le vis très mal, ça peut paraître un peu schizophrénique !"

De quoi faire hésiter certains ? "Je ne sortirai pas du Parti socialiste. Peut-être qu'on m'excluera avant", sourit Barbara Romagnan, députée PS du Doubs. "Ça traverse l'esprit, bien sûr, mais on est plus fort dans un parti et je ne suis pas sûr que ça soit mieux ailleurs", surenchérit Philippe Noguès, député socialiste du Morbihan, lui aussi en désaccord avec les choix du gouvernement.

En revanche, beaucoup défendent un rapprochement avec le Parti de gauche et les Verts. La coprésidente du PG Martine Billard estime que la position des socialistes est "intenable à moyen terme", avec le vote décisif du pacte de responsabilité, le 30 avril. "S'il y en a qui veulent nous rejoindre, c'est avec plaisir. Mais nous ne sommes pas dans le racolage." Pour toutes les raisons évoquées, l'aile gauche du PS risque fort de décliner l'invitation. "Quand mon ami et mentor Jean-Luc Mélenchon a quitté le PS en 2008 pour faire le Parti de gauche, je lui ai dit non. J'ai eu alors des moments de doute", se souvient Jérôme Guedj. "Je ne regrette pas."

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