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L'article à lire pour comprendre les élections sénatoriales

Ce scrutin indirect aura lieu dimanche et conduira au renouvellement de la moitié de la chambre haute du Parlement. Franceinfo vous en donne le mode d'emploi.

Article rédigé par franceinfo - Laura Welfringer
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
L'hémicycle du Sénat, au Palais du Luxembourg à Paris, le 17 novembre 2016.    (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

C'est le dernier scrutin national avant les élections européennes de 2019. Dimanche 24 septembre, la moitié du Sénat sera renouvelée, comme c'est le cas tous les trois ans depuis 2011. Au total, 171 sièges sur 348 seront remis en jeu. Une élection qui intervient après une séquence politique particulièrement chargée, qui a vu s'enchaîner les primaires, la présidentielle et les législatives. Mais comment va se dérouler ce scrutin ? Quels en sont les enjeux ? Franceinfo fait le point.

C'est quoi déjà, le rôle des sénateurs ?

Elus pour six ans, les sénateurs sont avant tout chargés de représenter les collectivités territoriales. C'est pourquoi les candidats aux élections sénatoriales ne sont, a priori, "pas dans une logique partisane, c'est-à-dire qu'ils ne font pas campagne au nom d'un projet politique", analyse pour franceinfo Martial Foucault, président du Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof)

Au cours de leur mandat, les sénateurs examinent les projets de lois qui leur sont soumis par le gouvernement. Ils peuvent aussi déposer des propositions de lois et amender les textes votés en première instance par l'Assemblée nationale. On dit alors qu'ils participent à la "navette parlementaire".

Leur fonction est avant tout consultative, puisque l'Assemblée nationale garde le dernier mot. Cependant, les sénateurs "contrôlent aussi l'action du gouvernement et vérifient que les lois sont bien appliquées", indique le site internet du Sénat. "Le Sénat dispose d’un pouvoir de nuisanceanalyse Slate.fr. Il puise son seul véritable pouvoir dans sa force d'inertie." Le site rappelle ainsi que "pendant les années Mitterrand, le Sénat [de droite] mena une guérilla procédurière, saisissant le Conseil constitutionnel pour faire échec à la politique de gauche".

Notons aussi, au passage, que le président du Sénat – Gérard Larcher (LR) depuis le 1er octobre 2014 – est un personnage clef de l'Etat. Garant de la continuité de la République, il exerce les fonctions de président de la République si celui-ci est empêché, s'il démissionne ou vient à mourir. L'intérim dure environ 50 jours, le temps de procéder à l'élection d'un nouveau président.

Est-ce que je vais devoir aller voter dimanche ?

Non, aucun isoloir ne vous attendra dans l'école ou la mairie près de chez vous. Contrairement à l'élection présidentielle ou aux législatives, les sénatoriales sont un scrutin indirect, c'est-à-dire que les sénateurs sont élus par un collège de "grands électeurs".

Ainsi, 76 359 d'entre eux se rendront aux urnes cette année. Au total, il y a 162 000 grands électeurs, parmi lesquels 95% sont conseillers municipaux et 5% sont députés, sénateurs, conseillers régionaux et généraux. Pour eux, le vote est obligatoire, sous peine de devoir s'acquitter d'une amende de 100 euros. 

Tous les sièges de sénateurs vont-ils être renouvelés ?

Non. Seuls 171 sièges sur 348 sont remis en jeu, car le Sénat ne se renouvelle que par moitié tous les trois ans. Cette année, ce sont les 44 circonscriptions de la "série 1" qui sont concernées. En métropole, cela correspond aux départements allant de l’Indre-et-Loire aux Pyrénées-Orientales (du n°37 au 66), ainsi qu'à tous les départements d’Ile-de-France. Outre-mer, le renouvellement concerne les sénateurs de Guadeloupe, de Martinique, de La Réunion, de Mayotte, de la Nouvelle-Calédonie et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Par ailleurs, six des douze sénateurs qui représentent les Français établis hors de France sont renouvelés cette année. Petite subtilité : une élection partielle aura aussi lieu en Savoie, afin de remplacer Michel Bouvard, son sénateur LR qui a démissionné en juin. 

Qui peut se porter candidat ?

Depuis 2011, l'âge minimum pour se porter candidat aux élections sénatoriales est fixé à 24 ans, contre 30 auparavant. Dans chaque circonscription, le nombre de sénateurs dépend du nombre d'habitants et varie de un pour la Lozère à douze pour Paris. A partir du 2 octobre 2017, les sénateurs n'auront plus le droit de cumuler leur mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale, qu'ils soient fraîchement élus, réélus ou en cours de mandat.  

Le site du Sénat précise que l'âge moyen des sénateurs en septembre 2017 est de 64 ans. Seuls quatre parlementaires ont moins de 41 ans. Et toujours selon le site du Sénat, la part de femmes à la chambre haute du Parlement n'est que de 27,7%, soit 96 sénatrices. Ces dernières années, la représentation des femmes au Sénat s'est légèrement améliorée. Depuis 2000, les listes déposées dans les circonscriptions qui appliquent le scrutin proportionnel doivent comporter alternativement un homme et une femme, ou l'inverse. Cette règle paritaire a fait passer la part des femmes au Sénat de 5,6% en 1998 à 10,6% en 2001. 

Comment va se dérouler ce scrutin ?

Le mode de scrutin est différent selon les circonscriptions. Dans celles qui élisent un ou deux sénateurs, c'est le scrutin majoritaire à deux tours qui s'applique. Cette année, cela concerne 18 circonscriptions et 34 sièges. Pour être élu au premier tour dans cette configuration, un candidat doit recueillir la majorité absolue des suffrages exprimés et un nombre de voix égal au quart des électeurs inscrits. Si nécessaire, un second tour est organisé et l'élection se fait à la majorité relative. 

Dans les circonscriptions qui élisent trois sénateurs ou plus, les sénatoriales se font au scrutin de liste à la représentation proportionnelle. Pour la série 2017, 26 circonscriptions et 130 sièges sont concernés, ainsi que 6 sièges de sénateurs représentant les Français établis hors de France. A Paris, par exemple, 12 sièges sont à pourvoir à l'issue d'une élection à la représentation proportionnelle.

A quelle heure seront connus les résultats ?

Il ne faut pas s'attendre à l'annonce habituelle au "20 heures". Les résultats de chaque département vont remonter au compte-gouttes. Mais il y aura trois rendez-vous dans cette journée électorale.

A 11 heures du matin dimanche, c'est la clôture du premier tour pour les départements concernés par un scrutin majoritaire à deux tours. Certains sénateurs pourraient ainsi être élus dès le premier tour. Les résultats du second tour arriveront à partir de 17h30 au moment de la fermeture des bureaux. Pour les départements qui fonctionnent à la proportionnelle (plus de trois sénateurs), le scrutin se termine à 15 heures. De nombreux résultats arriveront donc au milieu de l'après-midi.

Va-t-il y avoir une vague En marche ! comme lors des législatives ?

La République en marche (LREM) rêve de ravir la majorité à la droite, mais "cela paraît presque inimaginable" compte tenu de "l'état actuel des forces politiques au Sénat" (la droite y détient la majorité) et parce que seule la moitié des sièges est renouvelée, explique Martial Foucault. D'autant que sur les 142 parlementaires Les Républicains, près de deux tiers (63%, soit 89 sièges) ne sont pas concernés par le renouvellement. 

En revanche, le groupe LREM peut espérer marquer des points sur le plan idéologique. "Si En marche ! est en mesure de constituer un groupe de trente à cinquante sénateurs, ce sera déjà une percée considérable", analyse Martial Foucault. D'après lui, "au sein du groupe socialiste, on pourrait imaginer qu’une vingtaine de sénateurs rejoignent LREM". De même, "il y a probablement des centristes qui vont garder leur étiquette, mais qui soutiendront Emmanuel Macron. Même chose pour une partie des électeurs de droite", prédit-il.

A l'heure actuelle, LREM dispose d'un groupe de 29 personnes au Sénat. "L'objectif est d'avoir un groupe de 45-50 sénateurs", précise François Patriat, leur président de groupe. "Nous ne nous attendons pas à un raz de marée [dans les urnes]reconnaît Christophe Castaner. Le porte-parole du gouvernement espère "une dizaine de gains" de sièges, comme il le confie sur France Inter.

Je ne pense pas qu’il y ait de révolution de palais au Palais du Luxembourg.

Christophe Castaner

sur France Inter

Mais alors, quels sont les enjeux de ces sénatoriales ?

"L’inconnue, c’est : 'Est-ce que la droite va faire mieux qu’à l’élection présidentielle ?'", souligne Martial Foucault, qui estime que si la droite maintient sa dynamique de reconquête engagée aux législatives, "on risque d’avoir au Sénat un groupe fort : la droite, ou en tout cas les Républicains, et trois groupes de taille assez proche qui seront En Marche !, les socialistes et l’union des centristes"

Selon lui, les circonscriptions à surveiller sont celles du "grand quart nord-est" de la France, où "Emmanuel Macron n’a pas fait des scores exceptionnels au premier tour de la présidentielle ni au premier tour des législatives", et où "le Front national est une menace crédible et sérieuse pour les candidats de droite". A l’inverse, "pour l’Ile-de-France et l’Ouest, le scrutin proportionnel avantage nettement le parti d'Emmanuel Macron", estime Martial Foucault. Autre enjeu des sénatoriales 2017 : savoir combien de sénateurs, élus sans faire campagne pour LREM, se rallieront aux macronistes après les élections (voir plus haut).

Enfin, la nouvelle composition du Sénat (historiquement acquis à la droite) sera déterminante en vue de l'élection (ou de la réélection), le 2 octobre, du président de la chambre haute"Est-ce que le groupe En Marche ! soutiendrait un président de droite au Sénat ? Est-ce qu’on aura un président docile ou un président qui essaiera de faire un peu d’obstruction au gouvernement actuel ?", s'interroge Martial Foucault. Les réponses à ces questions appartiennent aux sénateurs. 

J'ai eu la flemme de tout lire. Vous pouvez me faire un petit résumé ;) ?

Dimanche 24 septembre, 171 sénateurs seront élus par plus de 76 000 "grands électeurs". Ce scrutin est important pour le président de la République, car la nouvelle composition du Sénat (historiquement à droite) influera sur sa capacité à mener ses réformes sans encombre. 

Les traditionnels équilibres gauche-droite pourraient bien être chamboulés au Sénat en septembre, même si la droite espère maintenir ses positions, à défaut de renforcer sa majorité. Quant à la gauche, elle essaiera, comme lors des élections législatives, de limiter la casse. 

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