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Jérôme Cahuzac, le "paria" qui voudrait faire du droit (et reporter son procès)

Le procès de l'ancien ministre du Budget s'est ouvert, lundi, devant le tribunal correctionnel de Paris. 

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
L'ancien ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, le 8 février 2016 à son arrivée au tribunal. (LIONEL BONAVENTURE / AFP)

Il a failli tomber, une nouvelle fois. Trois ans après sa chute, Jérôme Cahuzac s'est pris les pieds dans la meute de journalistes. Le sac d'un caméraman, négligemment posé contre un pilier, a eu raison de la froide détermination affichée par l'ancien ministre du Budget à son arrivée, lundi 8 février, au palais de justice de Paris. Mais il s'est rattrapé au dernier moment, avant de "caresser" le visage d'un photographe un peu trop insistant.

Ce "retraité", comme il s'est présenté au tribunal, devrait cependant avoir plus de mal à écarter ses juges. Pour avoir détenu, de 1992 à 2013, un compte non déclaré à l'étranger, Jérôme Cahuzac, 63 ans, est jugé en correctionnelle pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Son ex-épouse, Patricia Ménard-Cahuzac, son banquier, François Reyl, sa banque et l'avocat qui a permis ses montages financiers, Philippe Houman, l'accompagnent sur le banc des prévenus.

Un "paria" peut faire du droit

Il lui reste cependant un infime espoir d'échapper à un procès, ou tout du moins d'en retarder l'échéance. Ses avocats, Jean Veil et Jean-Alain Michel, ainsi que celui de son épouse, Sébastien Schapira, ont déposé quatre questions prioritaires de constitutionnalité (QPC). Ce dispositif permet à tout justiciable de contester la constitutionnalité d'une loi. Dans cette affaire, Jérôme et Patricia Cahuzac estiment que le cumul des sanctions pénales et fiscales est anticonstitutionnel, et qu'ayant réglé ce qu'ils devaient au fisc, ils n'ont pas à répondre des mêmes faits devant la justice. "Ce n'est pas parce qu'on est désigné par la presse comme un 'paria' qu'on ne peut pas faire du droit", lance Jean Veil, avant d'observer que son client a déjà été sanctionné par le fisc.

Jérôme Cahuzac et son ex-épouse, Patricia, le 8 février 2016 au palais de justice de Paris. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCETV INFO)

En face, l'accusation a eu beau jeu de rappeler que "chaque année, un millier de contribuables sont jugés au pénal pour des faits de fraude fiscale". "Cela n'a pas choqué Monsieur Cahuzac, quand il était député, quand il était président de la commission des Finances de l'Assemblée nationale, quand il est devenu ministre du Budget, s'étonne le jeune procureur, Jean-Marc Toublanc. Et aujourd'hui, parce que la loi s'applique à sa personne, il vous dit : 'Non, pas pour moi, c'est anticonstitutionnel'." 

Prison, amende et permis de conduire

Pour le procureur, le fait que les sanctions encourues au pénal soient "beaucoup plus sévères" que les sanctions fiscales justifient le cumul. En matière fiscale, l'amende est, au maximum, de 1,4% de la valeur de la totalité des avoirs. En matière pénale, Jérôme Cahuzac risque pas moins de huit peines, dont sept ans de prison, un million d'euros d'amende, la perte de ses droits civiques et de son... permis de conduire.

Sous les yeux d'Eliane Houlette, la procureur du parquet national financier, Jean-Marc Toublanc renvoie Jérôme Cahuzac à son image de chirurgien bling-bling. "Pour la défense de Monsieur Cahuzac, l'argent aurait le même prix que la liberté, résume-t-il. Quelle étrange conception que de mettre l’argent sur un tel piédestal ! Ce ne sont pas nos valeurs au parquet."

Jean-Marc Toublanc lors de son réquisitoire contre les QPC déposées par les époux Cahuzac, le 8 février 2016 au palais de justice de Paris. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCETV INFO)

"Je n'ai rien à dire"

Cette pique fait réagir la défense. "J'ai été horrifié par ce que j'ai entendu, choqué, lâche Me Jean Veil, après s'être lancé dans une comparaison inattendue. Pendant des siècles, on a condamné à mort en France, il est heureux que l'on ait supprimé cette peine." A l'écouter, son client, qui n'a pas fait appel de son renvoi devant le tribunal, souhaite simplement "améliorer le droit"

Calé sur sa chaise, Jérôme Cahuzac semble surtout souhaiter s'éclipser de la Chambre des criées. Invité par le président à s'exprimer à la fin de l'audience, il quitte un instant sa rêverie silencieuse : "Merci Monsieur le président, mais je n'ai rien à dire." Poursuivi par une nuée de caméras et un homme qui le traite de "super menteur", Jérôme Cahuzac quitte le palais sans un mot.

Le tribunal décidera, mercredi 10 février, s'il accepte de transmettre les QPC à la Cour de cassation. S'il le fait, le procès sera reporté à l'automne.

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