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Syrie : 15 mars 2011, le jour où tout a commencé

Il y a un an, le régime de Damas était rattrapé par le révolutions arabes. FTVi retrace les premières heures du soulèvement, parti de Damas.

Article rédigé par Gaël Cogné
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Des centaines de personnes manifestent à la mosquée des Ommeyyades, à Damas, le 25 mars 2011. (ON)

Un an que le régime de Bachar Al-Assad s'arc-boute pour repousser les assauts des manifestants. En Libye, Mouammar Kadhafi, lui, a tenu à peine plus de huit mois. Depuis un an, donc, les manifestants syriens se sont mués en rebelles, l'armée syrienne les traque et la communauté internationale est tétanisée par le veto sino-russe au Conseil de sécurité de l'ONU. Retour sur le premier jour de la révolution.

Février 2011 : faux départs

Le 15 mars 2011, ce n'est pas la première fois que des militants essaient de mobiliser via Facebook, comme en Tunisie ou en Egypte. Le réseau social est censuré depuis deux ans et demi par les autorités, mais les internautes parviennent à contourner l'interdiction en passant par l'étranger. Alors des militants appellent à manifester le 4 février contre la "monocratie, la corruption et la tyrannie", sur les réseaux sociaux. C'est un vendredi, jour de la grande prière. Ils annoncent l'heure et le lieu de la manifestation. Mais les villes restent calmes. Une pluie battante s'abat sur Damas. Pas de rassemblement.

Pourquoi ce faux départ ? Les potentiels manifestants redoutent les services de renseignements. Les forces de sécurité occupent les rues. Un autre appel quelques jours plus tard échoue encore.

Pourtant, le pays est à cran. Bourhane Ghalioune, directeur du Centre des études arabes à la Sorbonne à Paris, prédit alors : "Ce que qui s'est passé en Tunisie et en Egypte (...) est un cataclysme qui va (tout) emporter, et la Syrie n'est pas à l'abri."

Le 17 février, déjà, la contagion a bien failli aboutir, signale alors le journaliste de Ouest France Bruno Ripoche. Selon l'AFP, qui relaie les informations d'un site indépendant, plus de cent personnes protestent dans les rues d'un quartier de Damas après que le fils d'un commerçant ait été battu par la police.

Les manifestants sont restés plus de trois heures sur une place, bloquant les rues avoisinantes et huant les policiers aux cris de : "le peuple syrien ne se laissera pas humilier."

Cette manifestation du 15 mars...

Après ces faux-départs, la mayonnaise commence à prendre le 15 mars. Le régime vient de rétablir Facebook et YouTube. Certains y ont vu une volonté d'apaisement. D'autres, un piège. "A mon avis, les principales raisons sont que les autorités peuvent ainsi mieux contrôler ce qui se passe sur ces sites, et ils se sont aussi rendus compte que la censure n’était pas forcément efficace", explique, à France 24, Bassam Al-Kadi, responsable du site Syrian Women Observatory.

Une page Facebook intitulée "La révolution syrienne contre Bachar Al-Assad 2011" appelle à "une Syrie sans tyrannie, sans loi sur l'état d'urgence, ni tribunaux d'exception" et incite à protester "dans toutes les villes syriennes" le 15 mars.

Malgré l'interdiction de manifester dans ce pays depuis une loi d'urgence de 1963, cinq jeunes hommes scandent des slogans près de la grande mosquée des Omeyyades, dans le vieux Damas, rapportent des témoins et un militant des droits de l'homme.

Cette fois, les manifestations sont dirigées contre le régime. Les protestataires appellent à la liberté, à des réformes et à la lutte contre la corruption. "Appelons ensemble à une Syrie sans tyrannie, sans loi d'urgence ni tribunaux d'exception, une Syrie sans corruption ni vols ni monopole des richesses. Appelons à une Syrie exempte de pauvres, d’analphabètes et pour un Etat civil", ont écrit les organisateurs dans un communiqué.

Le groupe s'étoffe et se dirige vers les souks Hamidiyeh et Hariqa, où avait eu lieu la manifestation du 17 février. Quelques dizaines de personnes scandent "Dieu, Syrie, liberté", "Syriens, où êtes-vous?", "marche pacifique".

Al-Jazeera filme :

Finalement, les manifestants sont dispersés par les forces de l’ordre qui arrêtent deux d’entre eux, d’après des témoins.

"La Syrie est stable"

"Il y aura des mesures en vue de réformes politiques qui seront introduites cette année", annonce le même jour le ministre syrien des Affaires étrangères, Walid Mouallem. Le régime ne croit probablement pas encore au soulèvement. Interrogé sur l'Egypte et la Tunisie, Bachar Al-Assad n'a-t-il pas répondu, au Wall Street Journal fin janvier, que la Syrie était "en dehors de cela"  "La Syrie est stable, bien qu'elle passe par des conditions plus difficiles que celles de l'Egypte, qui reçoit une aide financière des Etats-Unis alors que la Syrie est sous embargo", a-t-il expliqué.

"C'est peut-être au tour du régime syrien d'être contaminé par le syndrome des révoltes arabes", écrit, clairvoyante, La lettre de la méditerranée.

Ce 15 mars syrien passe presque inaperçu dans les médias français, absorbés par les pays voisins. Trois jours plus tard, le 18 mars 2011, quatre manifestants sont tuées à Deraa (sud) alors que 3 000 à 4 000 personnes réclament des réformes à la sortie de la grande prière du vendredi, à la mosquée Omari. La révolte est lancée.

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