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Radical, rigolard et fan de foot, qui est Reuven Rivlin, le nouveau président israélien ?

Elu mardi pour succéder à Shimon Pérès, Reuven Rivlin donne un tournant radical à la présidence israélienne.

Article rédigé par Kocila Makdeche
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Le nouveau président israélien Réouven Rivlin, à la Knesset, à Jérusalem, le 10 juin 2014. (OMER MESSINGER / NURPHOTO / AFP)

Cheveux blancs, fines lunettes et sourire aux lèvres, Reuven Rivlin prononce son premier discours en tant que président d'Israël, devant le Parlement qui l'a élu mardi 10 juin avec 63 voix, contre 53 pour son concurrent centriste Méïr Sheetrit. Ce membre du Likoud, le parti de droite nationaliste du Premier ministre Benyamin Netanyahu, hérite du fauteuil de Shimon Pérès, 90 ans, prix Nobel 1994 avec Yasser Arafat et Yitzhak Rabin pour ses efforts en faveur de la paix avec les Palestiniens. 

Si la fonction de président est surtout symbolique en Israël et représentative à l'étranger, certains observateurs sont inquiets. "L'élection du dixième président israélien annonce un changement de direction pour la présidence : elle va passer de la politique internationale aux questions intérieures", prédit ainsi l'éditorialiste ChemiShalev dans le quotidien de gauche Haaretz.

Ardent défenseur de la colonisation

Si la présidence change de visage, elle change en effet surtout d'orientation politique. Reuven Rivlin n'a jamais caché son opposition à la création d'un Etat palestinien et a exprimé de nombreuses fois son soutien ardent à la colonisation israélienne. "Rivlin se situe à l'extrême droite de la position consensuelle en Israël. Il est opposé à la solution de deux Etats (israélien et palestinien) et est un partisan acharné de la colonisation", a rappelé mardi Ben Caspit, du journal Maariv

Au sein du Likoud, il s'est opposé à de nombreuses personnalités, dont l'ancien Premier ministre Ariel Sharon au moment du retrait de l'armée de la bande de Gaza en 2005. Nouveau sujet de discorde avec l'exécutif suivant : la création de deux Etats, défendue par l'actuel chef du gouvernement, Benyamin Netanyahu. En Israël, la haine que se vouent les deux hommes est de notoriété publique. C'est donc une difficile cohabitation qui les attend.

Netanyahu a d'ailleurs tout fait pour mettre des bâtons dans les roues de Reuven Rivlin pendant la campagne. Dans une interview accordée au journal israélien centriste Yediot Aharonot, le prix Nobel de la paix Elie Wiesel raconte que le Premier ministre israélien lui a demandé de se présenter à la présidence et l'a assuré de son soutien. Tout était bon pour barrer la route à Reuven Rivlin. Deux semaines avant les élections, Netanyahu s'est finalement résolu à apporter un soutien très discret à Reuven Rivlin. "Nous avons traversé beaucoup de choses l'un et l'autre, des bons jours et d'autres qui l'étaient beaucoup moins, j'espère que nous aurons désormais des bons jours", lui aurait-il dit en privé, selon le Jerusalem Post (en anglais).

Le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, félicite Reuven Rivlin à la Knesset après son élection, le 10 juin 2014. (GALI TIBBON / AFP)

Radical mais démocrate

Dans les études de popularité, Reuven Rivlin devançait son adversaire, Méïr Sheetrit : son côté râleur, son image de fervent démocrate emportent l'adhésion. Ancien président de la Knesset, il s'est opposé à la demande de l'extrême droite de limoger la députée Hanin Zoabi, du parti nationaliste arabe Balad, après sa participation à la "Flottille de la liberté pour Gaza" en mai 2010, épisode qui s'était soldé par la mort de neuf militants propalestiniens turcs tués par l'armée israélienne.

Si Rivlin a toujours tenu des positions radicales contre la création d'un Etat palestinien, il a plusieurs fois plaidé pour une meilleure intégration des Arabes israéliens, qui constituent près de 21% de la population du pays. Il se lève contre la récente promesse de Netanyahu de faire voter une loi constitutionnelle faisant d'Israël "l'Etat-nation du peuple juif". Une loi essentiellement symbolique, qui vise à s'attirer les grâces du parti ultranationaliste Israël Beitenou. En 2011, il s'insurge contre les députés de la Knesset qui souhaitent instaurer un contrôle sur les ONG de gauche et une taxation des financements étrangers vers ces organisations.

Un fan de foot à la blague facile

Autant de positions qui font de lui "l'un des politiciens les plus aimés et les respectés d'Israël", d'après le quotidien Haaretz (en anglais). Surnommé "Ruby", Rivlin est régulièrement caricaturé, reconnaissable à son imposante bedaine et son hilarité à la limite de la grivoiserie. L'homme apparaît souvent dans la célèbre émission satirique "Eretz Nehederet" (sorte de "Guignols de l'info" israéliens), rigolard et assénant à coups de plaisanteries graveleuses ses quatre vérités au monde politique, Netanyahu en première ligne.

Grand fan de foot, il a témoigné de nombreuses fois son soutien au Beitar Jerusalem, un club connu pour ses supporters très à droite et anti-musulmans. "Figure centrale de l'équipe" dans les années 1960, d'après le site anglophone du journal Yediot Aharonot, Ynetnews, il devient, pendant un temps, président du club. 

Le journaliste d'Haaretz Asher Schechter évoque ainsi le nouveau président : "Vous voyez les comédies romantiques où le gentil loser arrête finalement de faire l'idiot et se démène pour gagner le cœur de la fille. Il est dur de ne pas soutenir ce type. Vous avez sans doute été charmé de la même façon par la carrière politique de Reuven 'Ruby' Rivlin."

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