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Israël : à chaque offensive de Tsahal son arme polémique

Obus à fléchettes, phosphore blanc, bombes à sous-munitions... Lors de ses dernières opérations, l'armée israélienne a toujours été pointée du doigt pour l'utilisation d'une arme controversée.

Article rédigé par Louis San
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Du phosphore blanc explose au-dessus de la ville de Gaza, lors de l'opération "Plomb durci", le 8 janvier 2009. (MOHAMMED SALEM / REUTERS)

Alors que le secrétaire général de l'ONU et le chef de la diplomatie américaine tentent de parvenir à un accord pour un cessez-le-feu au Proche-Orient, mardi 22 juillet, Israël poursuit le pilonnage de la bande de Gaza. Avec des obus à fléchettes, notamment. Au quinzième jour de l'offensive israélienne, le bilan continue de s'aggraver : au moins 600 Palestiniens sont morts et quelque 3 640 ont été blessés.

Ce bilan est notamment dû à l'utilisation d'armes non conventionnelles de la part de Tsahal, selon plusieurs ONG. Des accusations qui ont également émaillé les précédents épisodes du conflit israélo-palestinien. En cause, à chaque fois : leur imprécision. En effet, selon le droit international humanitaire, lors des combats, les troupes doivent utiliser des dispositifs qui font, dans la mesure du possible, la distinction entre les combattants et les civils, relève la Croix-Rouge. Francetv info remonte le fil des armes controversées utilisées par Tsahal.

Les obus à fléchettes pour "Barrière de protection"

De quoi s'agit-il ? C'est un engin qui explose dans les airs et rejette des milliers de fléchettes métalliques de 3,7 cm de longueur. Elles s'éparpillent selon un arc conique de 300 m de long et environ 90 m de large.

"Sur le plan technique, c'est de la grenaille dirigée. Cela peut pénètrer la tôle et donc détruire des roquettes", remarque Jean-Vincent Brisset, expert militaire et directeur de recherche à l'Institut des relations internationales et stratégiques, contacté par francetv info.

Ce qui pose problème. Habituellement, ces bombes sont utilisées dans des zones forestières grâce à leur efficacité contre des ennemis couverts par la végétation. Sauf que "dans la bande de Gaza, la densité de population est la plus élevée au monde, avec 4 000 habitants au km2", rappelait Courrier international en 2010. Ainsi, pour l'ONG israélienne B'Tselem, l'emploi de cette arme est illégal à Gaza. "Rien ne peut justifier l'utilisation d'obus à fléchettes dans la bande de Gaza", dénonce-t-elle. L'Etat hébreu reconnaît utiliser ces armes, mais affirme qu'elles sont conformes au droit international. "Dans ce contexte, c'est clairement de l'antipersonnel", estime Jean-Vincent Brisset. Autrement dit, "c'est fait pour tuer des gens, pas pour détruire des tunnels", poursuit-il.

Du phosphore blanc pendant l'opération "Plomb durci"

De quoi s'agit-il ? Cet agent chimique est une arme destinée à créer un écran de fumée pour masquer les mouvements de troupe sur le champ de bataille. "Les explosions des bombes au phosphore sont spectaculaires et produisent une grande quantité de fumée qui aveugle l'ennnemi et permet à nos troupes d'avancer", expliquait un expert militaire au Times (en anglais).

Du phosphore blanc explose au-dessus de la ville de Gaza, lors de l'opération "Plomb durci", le 8 janvier 2009. (MOHAMMED SALEM / REUTERS)

Il cause "de graves brûlures de la peau, des muscles, voire des os. Sa combustion ne s'arrête que lorsqu'il est privé d'oxygène", relevait Le Figaro, en 2009.

Contenu sensible
Un Palestinien souffrant de brûlures au phosphore blanc, à l'hôpital Al-Shifa de Gaza, le 22 janvier 2009. (OLIVIER LABAN-MATTEI / AFP)

Ce qui pose problème. Après de nombreux démentis, Tsahal a reconnu, en janvier 2009, avoir utilisé du phosphore blanc lors de l'opération "Plomb durci", qui a débuté fin décembre 2008 et s'est achevée un mois plus tard. Or, il "ne devrait jamais être utilisé dans des zones civiles, en raison de ses effets dévastateurs", précisait à l'époque des faits Christopher Cobb-Smith, expert en balistique cité par Amnesty International"Un recours aussi fréquent à cette arme dans les quartiers résidentiels de Gaza, où la population est dense, est non discriminant par nature", avait-il ajouté.

"Si vous utilisez cela dans une zone ouverte, d'un point de vue légal, pas de problème. Mais dans une zone où se trouvent les civils, c'est vraiment un grand problème", expliquait Fred Abrahams, l'un des responsables de l'ONG Human Rights Watch, à L'Humanité. Amnesty International a même dénoncé "des crimes de guerre" dans un rapport (PDF, en anglais).

Des bombes à sous-munitions lors de la "guerre de juillet"

De quoi s'agit-il ? "Ce sont des containers avec de plus petites armes à l'intérieur", explique Jean-Vincent Brisset. Les projectiles sont "de la taille d'une grenade ou d'une canette de soda", écrivait Le Monde en octobre 2006, quelques mois après ce conflit entre Israël et le Liban. En explosant, jusqu'à 644 petites bombes s'éparpillent au sol, sur une surface grande comme un terrain de football.

Ce qui pose problème. "Entre 15 et 40% de ces engins n'explosent pas. Beaucoup restent pendus dans les arbres, accrochés par leur ruban jaune et cachés parmi les raisins, les olives et les oranges", précisait la Croix-Rouge en 2007. Tsahal ne l'ignore pas. A l'été 2006, son objectif était d'empêcher le Hezbollah libanais de positionner ses lance-roquettes près de la frontière à portée de tir des villes israéliennes. Problème, ces munitions gênent également les agriculteurs qui ne peuvent plus accéder à leurs champs. De nombreux civils ont été blessés ou tués par ces sous-munitions, rapportait, en 2006, l'Institut des Nations unies pour la recherche sur le désarmement dans un rapport (PDF).

Comme les obus à fléchettes ou le phosphore blanc, cette arme n'est pas interdite par les conventions internationales. Mais son utilisation est encadrée. Et il ne faut pas y faire appel dans des zones civiles. "Des conventions internationales tentent de les éradiquer car elles polluent le sol pendant des siècles et continuent de faire des victimes après les conflits", ajoute Jean-Vincent Brisset. Mais selon l'expert, Israël peut continuer à agir comme bon lui semble car le pays n'est pas signataire de nombreuses conventions. L'Etat hébreu est donc à l'abri de possibles pénalités. Et le chercheur de conclure : "Les sanctions sont prises pour des pays comme la Corée du Nord. Pour Israël, il y aura toujours le veto d'un pays membre du Conseil de sécurité de l'ONU."

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