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Séisme à Taïwan : un bilan meurtrier lié aux malfaçons d'un immeuble ?

La grande majorité des victimes du séisme, qui a frappé le sud du pays samedi matin, ont trouvé la mort dans l'effondrement d'un seul et même bâtiment, à Tainan.

Article rédigé par Camille Caldini
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Des secouristes extraient un corps du bâtiment de 17 étages qui s'est effondré, à Tainan, après le séisme du 6 février 2016. (TYRONE SIU / REUTERS)

Dans le sud de Taïwan, la ville de Tainan a été la plus violemment frappée par le séisme de samedi matin. Un bilan provisoire des autorités fait état, lundi 8 février, de 38 morts, dont 36 ont été découverts dans les décombres d'un même immeuble de 17 étages : le Weiguan Jinlong, construit au début des années 1990. Une centaine de personnes sont probablement toujours coincées sous les décombres. Alors que les secours espèrent toujours trouver des survivants, la construction de cet immeuble suscite de nombreuses questions. 

Des pots de peinture dans les piliers

L'imposante résidence s'est écroulée comme un château de cartes, alors que la plupart des immeubles voisins ont résisté. Sur les photos du Weiguan Jinlong, un détail a immédiatement fait naître les soupçons. Le séisme a mis au jour la présence de gros bidons d'huile de cuisson et de peinture, scellés à l'intérieur des piliers du bâtiment

Des bidons ont été découverts dans les piliers de l'immeuble Weiguan Jinlong, où l'on dénombre 36 morts lundi 8 février 2016, après le séisme qui a touché Taïwan samedi. (WALLY SANTANA/AP/SIPA / AP)

Une technique qui a longtemps été utilisée, à Taïwan. Les constructeurs y avaient recours "pour fabriquer des piliers plus larges, mais pas plus lourds", selon Tai Yun-fa, ingénieur cité par l'agence de presse chinoise Central News Agency (en anglais). Depuis le violent séisme de 1999, qui a fait plus de 2 400 morts, l'utilisation de ces bidons métalliques est interdite. Des milliers de bâtiments et maisons avaient cédé, dans plusieurs villes de Taiwan, révélant l'utilisation de ce subterfuge dans certaines structures.

Des prêts bancaires refusés aux résidents

Selon les autorités locales, toutefois, le bâtiment a été construit en toute légalité et a d'ailleurs survécu au séisme meurtrier de 1999. Mais des survivants témoignent de l'insalubrité des lieux, bien connue des habitants du quartier. Une sexagénaire affirme à Reuters que le chantier a été mené par deux entreprises différentes. Selon elle, les habitants de l'immeuble se plaignaient, "avant le tremblement de terre, de la chute du carrelage mural, d'ascenseurs défectueux, de la tuyauterie bouchée".

Sa fille, qui occupait un appartement du 14e étage avec son mari et son enfant de 7 ans, raconte que la banque voisine "refuse les prêts aux résidents du Weiguan Jinlong, à cause de la médiocre construction du bâtiment". A leur arrivée, eux-mêmes ont dû s'adresser à un autre établissement pour pouvoir acheter l'appartement, où leur fille est morte, samedi, dans le séisme.

L'immeuble Weiguan Jinlong, à Tainan (Taiwan), après le séisme de magnitude 6.4, le 6 février 2016. (CTI TV / AFP)

Dans le quartier de Yongkang, où se trouve le Weiguan Jinlong, une retraitée raconte qu'elle a assisté aux travaux de construction et a pensé, à l'époque, "que seuls des gens venus d'ailleurs achèteraient ici, les gens du quartier n'oseraient jamais". Le Français Cedric Jaeg, qui habite le district voisin de Sinhua, confirme à francetv info, que "les voisins savent que le bâtiment a des soucis depuis longtemps" et "les habitants se plaignent depuis un bon moment".

Le maire de Tainan a reconnu que des survivants avaient évoqué des "violations" de la loi, sans donner plus de détail. L'élu a demandé à la justice d'enquêter et affirme que le gouvernement a embauché trois équipes d'ingénieurs civils "pour préserver les preuves pendant les opérations de sauvetage, pour pouvoir assister les résidents qui voudraient déposer plainte". "Nous tiendrons les constructeurs pour responsables, s'ils ont enfreint la loi", a-t-il ajouté. Mais la première entreprise chargée du chantier a fait faillite pendant les travaux, et la seconde a suivi quelques années plus tard.

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