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La DCRI accusée d'avoir fait pression pour supprimer un article de Wikipédia

Pour le ministère de l'Intérieur, la page incriminée contenait "des informations militaires classées". Wikipédia a dénoncé la démarche et l'article a refait son apparition. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Capture d'écran de l'article de Wikipédia que la DCRI a voulu faire supprimer, en mars 2013.  (WIKIPEDIA / FRANCETV INFO)

"Effet Streisand" garanti. La Wikimedia Foundation a accusé, samedi 6 avril, la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) d'avoir fait supprimer un article de l'encyclopédie gratuite en ligne Wikipédia, "sous la menace".

L'article en question, créé le 24 juillet 2009, parle d'une station hertzienne militaire dans le Puy-de-Dôme. Pour la DCRI, celui-ci porte atteinte au secret de la défense nationale car il contient "des informations militaires classées", un délit passible de de 7 ans de prison et 100 000 euros d'amende rappelle le blog Hotel Wikipedia de Rue89.

La version de Wikipédia

Sur son site, la Wikimedia Foundation, qui est basée aux Etats-Unis et possède les serveurs hébergeant Wikipédia, explique avoir été contactée le 4 mars par la DCRI qui demandait "la suppression" de l'article incriminé. "Nous avons demandé plus d'informations à la DCRI. (...) Malheureusement, elle a refusé d'apporter plus de précisions et a redemandé que l'article soit effacé dans son intégralité", explique la Fondation, qui a refusé de se plier à cette demande. 

"Le 30 mars, nous avons découvert que la DCRI, visiblement mécontente de la réponse de la Fondation, avait contacté un volontaire possédant les droits d'administrateur et résidant en France", poursuit la Fondation. Elle a "insisté" afin qu'il utilise ses "droits administratifs pour supprimer immédiatement l'article". Sous la menace d'une garde à vue et d'une mise en examen, le bénévole, qui "n'est pas l'auteur du contenu", a été contraint de supprimer l'article, raconte de son côté Wikimédia France, sur son blog.

La version des autorités  

Le ministère de l'Intérieur a réfuté, samedi dans la soirée, les accusations de pressions et explique que le passage litigieux concernait "l'organisation de la composante nucléaire de la défense nationale""Dans un état de droit, on ne peut pas assimiler à une menace l'engagement d'une procédure judiciaire" concernant un "passage qui pose problème à la sécurité nationale", estime la place Beauvau.

Selon les autorités, le bénévole "a été mis en garde contre le risque d'engagement de poursuites judiciaires" dont il pourrait être l'objet "en tant que responsable juridique de Wikipédia France", et après un refus initial de retirer l'article. Cela s'est fait "à la demande du parquet, sous le contrôle de l'autorité judiciaire", précisent-elles encore.

Un résultat : "l'effet Streisand"

Si le ministère voulait faire oublier des informations, c'est raté. Sa démarche n'a pas qu'accentuer l'attention portée à l'article ; un cas d'école de "l'effet Streisand", phénomène qui consiste en la diffusion considérable d'une information restée confidentielle jusqu'à ce qu'on cherche à la censurer. Ainsi, la page, supprimée jeudi, "a été restaurée dans la nuit de vendredi à samedi par une personne qui habite en Suisse", précise Wikimédia France. Et l'article, seulement en français jusque là, a été traduit en anglais samedi.

Wikimédia dénonce enfin la démarche et se justifie. "La Fondation s'oppose vivement à des tentatives gouvernementales d'intimider les bénévoles qui consacrent leur temps" à Wikipédia. "Dans les cas où il n'y a pas de menace apparente (...), nous demandons plus d'informations avant de supprimer du contenu", poursuit la Fondation. Et de conclure : "Faire autrement serait autoriser la censure (...)." 

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