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Le coût du droit d'asile en France en quatre graphiques

Selon un rapport de la Cour des comptes dévoilé par "Le Figaro", la politique d'asile serait "au bord de l'embolie" et coûterait 2 milliards d'euros par an.

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Des familles de mal-logés occupent le gymnase Saint-Merri à Paris, à l'initiative de l'association Droit au logement, le 28 décembre 2008. (LOIC VENANCE / AFP)

"Dès 1793, les révolutionnaires affirmaient dans leur constitution que la France 'donne asile aux étrangers bannis de leur patrie'", rappelait François Hollande dans un discours prononcé fin 2014. La France est restée fidèle à ce principe républicain malgré les coûts croissants liés au droit d'asile. Ils avoisineraient les 2 milliards d'euros par an, selon un document de la Cour des comptes dévoilé par Le Figaro (article payant), dimanche 12 avril. Dans leur conclusion, les magistrats évoquent une politique d'asile "au bord de l'embolie" qui ne serait "pas soutenable à court terme". 

Si la Cour des comptes a "déploré", lundi, une publication "prématurée" de ce document "non définitif", plusieurs éléments de ce rapport d'étape retiennent l'attention. Alors que l'examen de la réforme du droit d'asile débute mercredi en commission au Sénat, francetv info illustre les réalités du droit d'asile en France.

Quelle est l'évolution du nombre de demandes d'asile ?

Dans ses observations, la Cour des comptes estime que la "situation dégradée" est due principalement à une hausse des demandes d’asile lors des dernières années, jusqu'à "atteindre 66 251 dossiers déposés" en 2013. Une procédure d’asile qui serait "dévoyée", selon la juridiction financière, car elle serait utilisée en partie par des migrants en situation irrégulière "pour des motifs à dominante économique".

Comme le montre le graphique ci-dessous, entre 2007 et 2014 (autrement dit entre le début du mandat de Nicolas Sarkozy et la période actuelle) le nombre total de demandes d'asile a presque doublé, passant de 35 520 à 64 811. Il comprend les premières demandes d'asile (y compris pour les mineurs accompagnants) ainsi que les réexamens de dossiers.

Il faut noter que la France a déjà atteint des pics importants dans le passé, comme le note un rapport de l'Assemblée nationale publié en 2014. En 2003, 52 200 premières demandes d'asile ont été déposées contre 45 454 en 2014. En 1989, ce nombre montait même à 61 400.

Quel est le coût généré par les demandeurs d'asile ?

Selon la Cour des comptes, le droit d'asile coûterait environ 2 milliards d'euros par an à la France, répartis entre les dépenses pour les demandeurs d'asile (990 millions environ) et celles pour les déboutés du droit d'asile (1,022 milliard d'euros environ). Le calcul a été réalisé sur les "dépenses totales effectuées pour les demandeurs d'asile" que ce soit avec les coûts directs (hébergement, accueil, instruction des dossiers) ou les coûts indirects (santé, scolarité).

Comme le montre le graphique ci-dessous, le premier poste de dépense pour les demandeurs d'asile concerne l'hébergement. En 2013, "47 603 places d’hébergement d’urgence ont été financées", pour un total de 410,38 millions euros en 2013, note le rapport. L'accès à la santé présente également un coût. Fin 2012, "252 437 personnes étaient bénéficiaires de l’AME [Aide médicale d'Etat] pour un coût de 587,5 millions d'euros", affirme le rapport, qui évoque aussi une hausse de 26% des dépenses de l'AME en 2013, pour atteindre 744 millions d'euros.

La Cour des comptes estime la hausse des coûts pour les demandeurs d'asile à 60% en cinq ans : "Le coût global s'élèverait à 990 millions d'euros environ en 2013, contre 626 millions d'euros en 2009." A noter que l'augmentation des coûts n'est pas uniquement causée par l'augmentation du nombre de demandes, puisque le coût par demandeur est également en hausse. Il est passé de 11 795 euros en 2009 à 13 724 euros en 2013, soit une progression de 16%.

Quel est le coût généré par les déboutés du droit d'asile ? 

Lorsqu'un demandeur d'asile reçoit une réponse négative, celle-ci est parfois assortie d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais cette mesure administrative est rarement appliquée. Entre janvier et mai 2014, sur les 8 630 OQTF prononcées, seules 561 personnes ont été réellement éloignées à la suite d’un refus d’asile (soit 6% du total), selon la DGEF (Direction générale des étrangers en France).

Et comme un refus n'est pas toujours accompagné d'une OQTF, la Cour des comptes estime qu'au final "les éloignements effectifs ne concernent que 1% des déboutés du droit d’asile". Ces déboutés du droit d'asile représentent donc un coût : 1,022 milliard d'euros environ (soit un coût moyen par débouté allant jusqu'à 5 528 euros par an). En effet, lorsqu'ils restent en France, les déboutés peuvent continuer de bénéficier de droits à la santé, à la scolarité et à l'hébergement. Ainsi, selon différentes estimations, entre 12% et 50% des places d'hébergement réservées au droit d'asile sont en fait occupées par des déboutés.

Pour la Cour des comptes, la politique du droit d'asile souffre de deux défaillances majeures : les déboutés et les délais de réponse. Concernant les personnes déboutées, "tant que la question de l’organisation systématique et rapide de leur retour ne sera pas réglée, le système ne pourra fonctionner correctement", souligne la Cour dans ses conclusions.

Quels sont les délais de réponse ?

Pour la Cour des comptes, les délais de réponse restent l'un des problèmes majeurs du système, et c'est ce qui explique les coûts excessifs du droit d'asile français. La réforme du droit d'asile actuellement à l'étude prévoit une réduction des délais des traitements de dossiers par l'Ofpra (Office français de protection des réfugiés et apatrides) à 90 jours, "soit une réduction de moitié par rapport au délai constaté en 2012", note la Cour.

Mais les magistrats se montrent prudents, en rappelant que les objectifs de délais n'ont jamais été atteints ces dernières années, "ce qui pourrait conduire à émettre des doutes sur la sincérité des objectifs fixés par le ministère de l'Intérieur"

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