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Comment des aubergines ont mené à l'interpellation de deux bâtonniers corses

Philippe Gatti et Dominique Ferrari, ancien et actuel bâtonniers d'Ajaccio, ont été interpellés dans le cadre d'une enquête sur des attentats contre des gendarmeries. Le premier a été relâché, le second mis en examen.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
Les avocats Philippe Gatti (G) et Camille Romani (D), qui le défend aujourd'hui, lors d'une audience de la 16e chambre de la cour d'appel d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône), le 9 mars 2010. (MAXPPP)

"Qu'est-ce que c'est que cette ratatouille, ça devient grotesque !" Philippe Gatti s'insurge au micro de France Info, jeudi 9 octobre. En Corse, les robes noires sont dans la rue. Les avocats protestent contre l'interpellation de deux de leurs pairs, Dominique Ferrari, le bâtonnier d'Ajaccio (Corse-du-Sud), et Philippe Gatti, son prédécesseur. Le premier a été mis en examen dans l'après-midi. Le second a été relâché.

Ce que ne digère pas Philippe Gatti ? Les quarante heures d'interrogatoire qu'il a subies "pour élucider une affaire de courgettes", selon lui.

Un arsenal et des légumes

Pour comprendre cette métaphore légumière, il faut remonter au 16 décembre 2013. Onze jours plus tôt, deux attentats à la roquette ont frappé les gendarmeries d'Ajaccio et de Bastia. Les enquêteurs perquisitionnent un box d'une résidence d'Ajaccio. Et y découvrent un véritable arsenal : 40 kilos d’explosifs, du cordon détonant, des armes, des munitions, des gilets pare-balles et deux scooters. C'est le premier élément - et il est de poids - impliquant une célèbre robe noire de l'île : la locataire du box n'est autre que la sœur du bâtonnier, Dominique Ferrari.

Mais ce n'est pas tout : dans le box, se trouve un sac plastique contenant un ticket de caisse, révèle France 3 Corse Viastella. Il concerne l'achat d'aubergines pour un montant de 1,89 euro. Du ticket, les enquêteurs remontent à la carte bancaire qui a servi au paiement. Sa propriétaire ? Michèle Gatti, la femme… de l'ex-bâtonnier.

Dix mois plus tard, ces perquisitions mènent à une vaste opération d'interpellations dans les environs d'Ajaccio. Il fait encore nuit quand des policiers de la sous-direction antiterroriste et des gendarmes de la section de recherches frappent à la porte de Philippe Gatti, lundi 6 octobre. "A 6 heures du matin, six fonctionnaires armés sont rentrés chez moi", s'offusque l'ex-bâtonnier d'Ajaccio. Philippe Gatti est arrêté, tout comme Dominique Ferrari ainsi qu'une dizaine de personnes appartenant à la mouvance nationaliste.

L'itinéraire d'un sachet d'alimentation

Dominique Ferrari est présenté à un juge antiterroriste, jeudi 9 octobre, et mis en examen. Philippe Gatti est relâché. "Tout cela pour donner des informations sur l'itinéraire d'un sachet d'alimentation qui contenait des aubergines", s'agace l'avocat sur France Info. Le parquet de Paris, joint par francetv info, précise qu'à ce stade, aucune charge n'a été retenue contre lui.

Pour Antoine Albertini, journaliste à France 3 Corse Viastella, les gendarmes ont appliqué la méthode du "tous cousins, tous coupables". "Or il n'est pas rare que des sacs plastique jetés dans des poubelles soient récupérés. Les plastiqueurs s'en servent ensuite comme gants pour manipuler des explosifs", explique-t-il.

L'avocat de Philippe Gatti et de son épouse, Camille Romani, dénonce une situation "kafkaïenne" "Mes clients sont placés dans un abîme d'incompréhension et de perplexité, aussi profond que si on les interrogeait sur les attentats du 11 septembre 2001 à New York." Interrogé par France 3 Corse Viastella, l'avocat poursuit : "Philippe est épuisé physiquement après une garde à vue éprouvante. Une simple convocation, suivie d’une audition, aurait largement suffi à démêler l’invraisemblable coïncidence qui a mené à son interpellation." Cette histoire d'aubergines va rester en travers de la gorge de son client, estime Camille Romani : "C'est un très lourd préjudice professionnel."

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