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Un prêtre mis en examen pour pédophilie à Lyon : "Ses supérieurs ont toujours été informés de son passé"

François Devaux fait partie des victimes du père Bernard Preynat, auteur présumé d'une série d'agressions sexuelles sur des scouts entre 1970 et 1991. Il témoigne.

Article rédigé par Camille Adaoust
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Jugé pour agressions sexuelles sur mineurs de 15 ans, Bernard Preynat encadrait un groupe de scouts de Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône) au moment des faits, dans les années 1980 et 1990. (ASSOCIATION LA PAROLE LIBEREE)

Il faisait partie du groupe de scouts de Saint-Luc. François Devaux est l'une des victimes présumées du père Bernard Preynat, soupçonné d'actes pédophiles dans les années 1980 et 1990. Après de multiples plaintes et dénonciations de la part des parents, le prêtre lyonnais a été mis en examen pour "agressions sexuelles et viols sur mineurs de 15 ans par personne ayant autorité", mercredi 27 janvier, et placé sous contrôle judiciaire. "Mon client a reconnu les faits qui lui ont été reprochés devant le juge d'instruction" à l'issue de sa garde à vue, a rapporté son avocat, Frédéric Doyez. Une dizaine de personnes pourraient être concernées au total. Vingt-cinq ans après, les langues parviennent à se délier et les victimes bravent la loi du silence.

"Tu es mon grand garçon, c'est notre secret"

François Devaux n'avait alors que 10 ans. Louveteau dans le groupe de Saint-Luc, à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), il était encadré par le père Bernard Preynat, tout comme les 400 autres jeunes du camp. A la tête du groupe des années 1970 à 1991, le prêtre "était un homme charismatique, il était admiré de tous. C'était quelqu'un qui brillait", se souvient François Devaux, contacté par francetv infoEn mai 1990 pourtant, "dans une pièce isolée, il m’a pris la jambe et m’a levé. Il a glissé sa main le long de ma cuisse, elle est allée jusqu’à ma fesse droite et il m’a embrassé sur la bouche", se souvient cet homme de 36 ans, aujourd'hui marié.

Son histoire n'est pas isolée. Sur le site de La parole libérée, l'association qu'il a créée en décembre 2015, les témoignages s'accumulent. "Il s'est serré contre moi en me disant 'tu es mon grand garçon, c'est notre secret, il ne faut pas en parler'. Puis il a enlevé son pantalon et m'a forcé à le caresser en me disant que j'étais son garçon", raconte par exemple Christian. "Il m'enlaçait en me demandant de faire pareil, il me prenait les mains qu'il mettait derrière son dos et me serrait fort, exprimant une sorte de râles et j'étais comme compacté contre son torse", décrit encore Bertrand. Suivent les récits de Laurent, Alexandre, Didier, Axel ou encore Jérôme. Tous s'enchaînent et se ressemblent.

Le groupe de scouts Saint-Luc à Sainte-Foy-lès-Lyon (Rhône), dans les années 1980. (ASSOCIATION LA PAROLE LIBEREE)

"J'en ai immédiatement parlé à mes parents, explique François Devaux. Ils ont pris contact avec le supérieur, avec le vicaire, avec le supérieur du supérieur." Des demandes restées sans résultat. En 1991, les parents décident donc d'écrire au cardinal Albert Decourtray (PDF), de l'Archevêché de Lyon. Ce dernier transmet la lettre au père Preynat, qui reconnaît s'"être mal conduit avec François", comme il le dit dans ce courrier envoyé au père de la victime et publié par la suite sur le site de La parole libérée.

Des mutations à répétition pour le prêtre lyonnais

Le prêtre est alors muté, à plusieurs reprises. Il quitte Sainte-Foy-lès-Lyon en 1991 pour Neulise (Loire). En 1999, il est ensuite envoyé à Cours-la-Ville (Rhône) puis au Coteau (Loire) deux ans plus tard. Nommé doyen en 2003, il devient responsable de six paroisses. En 2015 enfin, il part pour le Service diocésain de la formation (Sedif) de Lyon. "Preynat a lui-même dit lors de notre confrontation mardi que ses supérieurs ont toujours été informés de son passé, ça me semble catastrophique", juge François Devaux. Le président de l'association dénonce l'absence de réaction du diocèse de Lyon : "Ils l’ont même placé dans une paroisse et l’ont mis a un poste de doyen à donner des cours de catéchisme à des petits enfants."

Le prêtre a en effet rejoint Lyon pour intégrer le Sedif, afin de devenir catéchiste, ou animateur en paroisse et dans les hôpitaux, comme le rapportait alors Le Pays. Depuis, le prêtre a été relevé de toute "responsabilité pastorale et tout contact avec les mineurs lui a été interdit", expliquait en octobre dernier un communiqué du diocèse, relayé par le directeur de cabinet de l'archevêque de Lyon, Pierre Durieux.

Aujourd'hui chef d'entreprise et père de trois petites filles "magnifiques", dit-il, François veut faire connaître toute la vérité. "L'association a été créée pour dénoncer l'omerta faite par le diocèse. Il faut partager cette expérience pour qu'on puisse en retirer les bonnes réflexions et pour proposer aux victimes de se joindre à notre action", explique François Devaux. A travers l'association, il est déterminé à remettre en question l'institution catholique et exhorte les fidèles "qui sont parfois dans le déni par rapport à ces choses-là" de s'interroger.  

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