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Bienvenue à La Rotonde, la brasserie où Macron a fêté sa qualification

Le candidat d'En marche ! s'est rendu dans cette célèbre brasserie parisienne après sa victoire au premier tour de la présidentielle. Un dîner qui lui a valu une volée de critiques.

Article rédigé par Elise Lambert
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
Emmanuel Macron à la brasserie La Rotonde, le soir de sa qualification au premier tour de la présidentielle, à Paris, le 23 avril 2017. (MAXPPP)

"Vous n'avez rien compris à la vie", a lancé Emmanuel Macron à plusieurs journalistes venus suivre sa soirée électorale, dimanche 23 avril. Arrivé en tête du premier tour de l'élection présidentielle, l'ancien ministre de l'Economie avait convié son cercle le plus proche à la célèbre brasserie La Rotonde, dans le 6e arrondissement de Paris, pour fêter sa qualification.

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Une petite fête immédiatement comparée à celle organisée par Nicolas Sarkozy au Fouquet's en 2007 après le second tour. "Un Fouquet's de substitution", pour le vice-président du FN Florian Philippot, "une fête indigne", selon David Cormand, le patron d'EELV.

Si La Rotonde a peu à voir avec l'établissement de luxe des Champs-Elysées, elle accueille tout de même, depuis plus de cent ans, de nombreuses personnalités du monde politique, économique et artistique.

Une adresse mythique de la rive gauche

La brasserie La Rotonde dans le 6e arrondissement de Paris, le 23 mars 2017. (PHOTO12 / GILLES TARGAT)

Les noms les plus illustres du siècle dernier se sont assis sur les banquettes à capitons du 105, boulevard du Montparnasse. A l'abri de ses rideaux carmin et de sa décoration de style Second Empire, la brasserie a vu passer le gratin des poètes, peintres, chanteurs et intellectuels du début du XXe siècle. "Dès 1910, Montmartre commence à passer de mode et l'on voit les artistes de la Butte commencer à s'installer dans le périmètre du carrefour Vavin", note le site de La Rotonde.

Les peintres Chagall et Braque s'y installent. Apollinaire, Satie, Debussy, Cocteau, Modigliani, Picasso, Breton, Aragon et même Trotski y viennent régulièrement pour casser la croûte ou boire une anisette. Les écrivains américains de la bohème "génération perdue" comme Hemingway, Miller et Fitzgerald viennent profiter de la vie parisienne de l'entre-deux-guerres.

Tenue depuis trois générations par des Auvergnats, la famille Tafanel, La Rotonde est aujourd'hui un des lieux prisés du "Tout-Paris" politique et artistique, décrit Le Point. Dans l'assiette, on célèbre le terroir français, du gigot d'agneau de Lozère aux escargots de Bourgogne. Le bœuf se décline en entrecôte, filet, côte ou tartare, et s'accompagne d'une traditionnelle béarnaise. Un repas complet y coûte une quarantaine d'euros. Comptez le double ou le triple pour le Fouquet's.

Un lieu apprécié par Macron depuis des années

La Rotonde n'a pas été choisie par hasard par le candidat d'En marche !. "Il s'y rend à titre personnel très régulièrement", indique le responsable de la communication d'Emmanuel Macron, Sylvain Fort, à franceinfo.

C'est un lieu qu'il aime bien, c'est tout.

Sylvain Fort, responsable de la communication d'Emmanuel Macron

à franceinfo

"Hier soir, il voulait juste organiser un événement sympathique avec ses soutiens,  c'était pas un défilé de stars comme au Fouquet's, poursuit Sylvain Fort. Nous, ça fait neuf mois qu'on mange des sandwichs, on était contents d'aller au restaurant." Au menu, des asperges avec des tranches de saumon, du cabillaud et du bœuf, "payés par le mouvement", précise le responsable. "C'est pas un étoilé, c'est un restaurant normal", assure-t-il.

C'est aussi dans ce lieu feutré qu'au début des années 2010, Emmanuel Macron organisait les réunions du "groupe de La Rotonde", chargé de rédiger le futur programme économique du candidat Hollande, décrit Le Monde. Autour de l'ancien énarque et banquier d'affaires, plusieurs économistes se retrouvent régulièrement pour préparer l'alternance, tels que Jean Pisani-Ferry, Philippe Aghion, Elie Cohen ou Gilbert Cette... Dont la plupart soutiennent désormais le candidat d'En marche !.

Ce cercle d'économistes partage une certaine vision de la social-démocratie : Philippe Aghion est théoricien de la croissance et de l'innovation, Elie Cohen, spécialiste des politiques industrielles, et Gilbert Cette, spécialiste du marché du travail, poursuit Le Monde. Ce sont ces mêmes économistes, favorables à une politique de l'offre, qui vont convaincre François Hollande de "baisser les charges des entreprises et de desserrer leurs contraintes sociales et administratives", détaille L'Express.

Royal y digère sa défaite à la primaire socialiste…

Le 105 boulevard du Montparnasse est fréquenté par une autre proche de François Hollande. Lors de la campagne pour la primaire socialiste de 2011, c'est dans ses espaces feutrés que l'ancienne candidate à la présidentielle, Ségolène Royal, réunit ses soutiens régulièrement. Le soir du premier tour de la primaire, le patron du restaurant a même mis du champagne au frais pour fêter la victoire de la présidente de Poitou-Charentes, racontent les journalistes Antonin André et Karim Rissouli dans L'homme qui ne devait pas être président (Albin Michel).

Pierre Mauroy et Ségolène Royal devant la brasserie La Rotonde à Paris, le 22 avril 2008. (JEAN-LUC LUYSSEN / GAMMA-RAPHO)

Ségolène Royal n'obtient que 7% des voix, mais est attablée à La Rotonde quarante-huit heures plus tard pour réfléchir à sa stratégie pour le second tour. "Est-ce qu'on doit le sortir quand même ?" demande le restaurateur au sujet du champagne. "Bien sûr qu'on va le boire !" répond avec enthousiasme la candidate battue. Ce jour-là, malgré les encouragements de son entourage à soutenir François Hollande, Ségolène Royal sort de l'établissement sans avoir tranché. Pour la future ministre de l'Environnement, La Rotonde garde à cet instant le goût de la défaite.

Autour d'elle se tient son habituel "conseil politique", pour la plupart de futurs ministres des gouvernements Ayrault : Guillaume Garot, Najat Vallaud-Belkacem, Dominique Bertinotti ou encore Delphine Batho, note Paris Match. "Le restaurant était situé près de ses locaux de campagne, précise cette dernière à franceinfo. On avait tous beaucoup de travail, donc les réunions avaient lieu tous les quinze jours environ à l'heure du déjeuner. Il y a une grande salle là-bas qui le permet."

C'était un choix pratique, je ne crois pas que ça ait été un lieu emblématique.

Delphine Batho, ancien soutien de Ségolène Royal

à franceinfo

… Hollande y fête sa victoire 

François Hollande le soir de sa victoire à la primaire socialiste, au restaurant La Rotonde, à Paris, le 17 octobre 2011. (JOEL SAGET / AFP)

Quelques mois avant son accession à l'Elysée, c'est encore à La Rotonde que François Hollande décide de célébrer sa victoire à la primaire socialiste, le 16 octobre 2011. Avec 56,57% des voix, le député de Corrèze bat largement Martine Aubry. Après une photographie avec la maire de Lille sur le perron du siège du PS, François Hollande donne rendez-vous à ses proches boulevard du Montparnasse.

Autour de la table sont présents les amis : Kader Arif, Michel Sapin, Isabelle Sima, Faouzi Lamdaoui, Bruno Le Roux ou encore Bernard Poignant, décrit Le Figaro. Stéphane Le Foll, resté au Mans, arrive en retard. Il y a aussi des ralliés, plus ou moins proches : Pierre Moscovici, Manuel Valls et Vincent Peillon. L'heure est à la fête et à la victoire. Huit mois plus tard, le maire de Tulle, sur lequel peu pariaient, accède à l'Elysée. Un signe pour Emmanuel Macron ?

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