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Législatives : cinq astuces pour s'approprier le soutien de Macron sans avoir eu l'investiture LREM

A gauche comme à droite, des candidats entretiennent le flou sur leur appartenance politique et font croire à un soutien d'Emmanuel Macron alors qu'il n'en est rien.

Article rédigé par Vincent Daniel
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6 min
De nombreux candidats aux législatives se présentent sous l'étiquette "majorité présidentielle" sans avoir été investis par La République en marche.  (DR)

Confusion, ambiguïté... Pas toujours facile de s'y retrouver face aux affiches des candidats aux élections législatives des 11 et 18 juin ! Par proximité idéologique avec Emmanuel Macron ou par opportunisme électoral, plusieurs candidats n'hésitent pas à se réclamer de la "majorité présidentielle" alors qu'ils n'ont pas été investis par La République en marche (LREM). Découvrez cinq astuces utilisées par ces candidats, de gauche comme de droite, pour apparaître comme les postulants du parti d'Emmanuel Macron.

1Utiliser la mention "majorité présidentielle"

Dans de "nombreuses circonscriptions", les électeurs vont devoir départager plusieurs candidats s'affichant avec la mention "majorité présidentielle" sur leurs tracts, reconnaît Jean-Paul Delevoye, président de la commission nationale d'investiture de LREM, interrogé par franceinfo. "Les électeurs nous appellent, ils sont perdus", explique-t-il, dénonçant la "confusion sur le terrain".

Au moins, cela prouve que toutes ces élections tournent autour du président.

Jean-Paul Delevoye, président de la commission nationale d'investiture de LREM

à franceinfo

"Le plus classique, ce sont des députés socialistes qui créent l'ambiguïté pour se faire réélire", note-t-il. Mais on retrouve aussi des candidats Les Républicains ou encore des membres d'En marche ! mécontents que la commission d'investiture ne les ait pas désignés. "On incite nos candidats à nous signaler les cas litigieux", précise Jean-Paul Delevoye. 

Malek Boutih, Karim Amrouni et Sonia Krimi : trois candidats qui évoquent la "majorité présidentielle" sur leur tract, sans pour autant avoir l'investiture En marche !. (DR)

Difficile toutefois de s'appuyer sur le Code électoral, peu précis sur le contenu des affiches. "L'image du président est publique, l'utilisation de la mention 'majorité présidentielle' est légale…" reconnaît le président de la commission d'investiture. "Nous avons des juristes qui planchent sur cette question, mais la marge de manœuvre est faible." Jean-Paul Delevoye se réserve tout de même la possibilité de saisir la justice en référé (une procédure rapide) contre "les cas les plus grotesques : ceux qui utilisent la même police que LREM ou qui reprennent carrément le nom de notre mouvement".

2Choisir le bleu

En 2012, les candidats socialistes se reconnaissaient facilement. Le slogan "Donner une majorité au changement" était entouré de rouge-rose, couleurs de la campagne de François Hollande. En 2017, ils sont plusieurs à avoir choisi le bleu clair, accompagné d'un graphisme très proche de celui utilisé par l'équipe d'Emmanuel Macron lors de la campagne présidentielle. C'est notamment le cas de Manuel Valls, candidat dans l'Essonne investi ni par le PS ni par LREM. Mais le bleu est également utilisé par des candidats investis par le PS, comme Myriam El Khomri, candidate à Paris, ou encore Anthony Pitalier, candidat en Vendée.

  (DR)

"Le bleu est historiquement associé à la monarchie mais s'apparente dans la société moderne à l'autorité, à la police et au travail, revendiqués par l'UMP et le Front national", expliquait en 2012 Arnaud Mercier, professeur en sciences de l'information et de la communication à l'université Paris II Panthéon-Assas, au Figaro. Pour lui, la couleur des formations politiques est un symbole important : "Choisir une couleur, c'est inscrire une signature symbolique visuelle forte qui permettra d'acquérir une visibilité immédiate dans des affiches ou des tracts. La couleur en politique est un capital précieux qui appartient aux partis et qu'ils peuvent utiliser à volonté."

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3Faire disparaître le logo du parti

Investie par le PS en Indre-et-Loire, l'ancienne ministre Marisol Touraine a dévoilé une affiche déroutante pour ses camarades du parti. Le graphisme et les couleurs de La République en marche sont repris, le slogan "la majorité présidentielle avec Emmanuel Macron" apposé… et le logo du Parti socialiste, lui, ne figure même pas sur l'affiche. De quoi faire bondir le PS local, qui lui a retiré son soutien et a saisi la commission des conflits du parti en vue d'une sanction pouvant aller jusqu'à l'exclusion. "Je suis, je demeure socialiste, et je ne renonce pas à mon histoire, ni à mon identité politique", s'est défendue Marisol Touraine auprès de Libération. Elle dénonce des manœuvres de la part de "frondeurs".

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Autre exemple à Paris, où Pierre-Yves Bournazel, candidat investi par Les Républicains, s’affiche en candidat de la "majorité présidentielle avec Emmanuel Macron et Edouard Philippe", sur fond bleu, et sans le logo de son parti. "Les gens connaissent mon parcours, je suis un homme libre et je fais un choix de cohérence pour mes idées et mes convictions", assume le conseiller LR de Paris, contacté par franceinfo. Du côté de LR, on ne commente pas ce choix qui irrite cependant nombre de militants. 

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Pierre-Yves Bournazel, ancien porte-parole d'Alain Juppé, pointe les "similitudes" entre son candidat à la primaire de la droite et le vainqueur de la présidentielle. LREM n'a pas investi de candidat dans sa circonscription, mais il est notamment opposé à Myriam El Khomri. L'ancienne ministre du Travail, investie par le PS, se présente elle aussi sous une bannière "majorité présidentielle". "Nouveau président, nouveau Premier ministre, je suis l'homme neuf", balaie Pierre-Yves Bournazel, pointant une "candidate du passé et du passif".

4S'afficher avec Emmanuel Macron

Autre astuce choisie par certains députés socialistes sortants qui font face à des candidats LREM : montrer que l’on a été proche du nouveau président de la République. C’est le cas d’Erwann Binet, candidat à sa succession. Le rapporteur de la loi sur le mariage pour tous a fait placarder sur les panneaux d'affichage de sa circonscription de l’Isère une photo d'Emmanuel Macron en train de lui serrer la main. "Je ne change pas d'avis sur ma volonté de participer et de vouloir le succès de la France et d'Emmanuel Macron. Le PS n'a pas dit qu'il serait dans l'opposition. Et puis la photo est magnifique", se justifie Erwann Binet auprès de franceinfo. "Il est assez désespéré pour faire ça", raille un porte-parole de LREM.

Affiche d'Erwann Binet serrant la main d'Emmanuel Macron, photographiée à Cheyssieu (Isère), le 14 mai 2017. (MAXPPP)

Autre socialiste sortant, Luc Belot, à Angers. Sur ses tracts, il utilise l’image du chef de l’Etat. De quoi agacer le candidat officiel de LREM, Matthieu Orphelin, qui pose, lui aussi, aux côtés d’Emmanuel Macron. "Les électeurs ne seront pas dupes", veut croire cet ancien porte-parole de la Fondation Hulot, interrogé par France 2

Si elle n'utilise pas l'image du président, Armelle Malvoisin représente la "11e circonscription [de Paris] avec Macron". Un choix "tout à fait légal", précise la candidate, qui a fait valider son matériel électoral par un avocat. Militante d'En marche ! et dissidente "assumée", Armelle Malvoisin n'avait pas postulé pour obtenir une investiture de LREM. C'est le choix de la ministre Marielle de Sarnez, membre du MoDem, dans sa circonscription qui a servi de déclic, explique-t-elle à franceinfo. Armelle Malvoisin dénonce des "arrangements inacceptables" avec le parti de François Bayrou.

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5Détourner le slogan d'En marche !

Le "marcheur" est à la mode chez les candidats, même s’il n’appartient pas à LREM. Exemple à Evry (Essonne), où Manuel Valls est candidat sans étiquette. Le mouvement d’Emmanuel Macron n’a investi personne face à lui. Mais 21 candidats lui font face, dont deux soutiens du président de la République : Jean-Luc Raymond sous les couleurs de "L'espoir est en marche !" et Alban Bakary pour "Le renouvellement en marche !"… 

  (DR)

Ce cas n'est pas rare non plus : dans la 11e circonscription du Nord, le candidat investi par LREM fait face à un candidat "En marche citoyens", rapporte La Voix du Nord"Investi à 15 heures, je ne l’étais plus à 17 heures", raconte Denis Vinckier. En cause : l'accord conclu entre François Bayrou et Emmanuel Macron. Denis Vinckier assume le détournement du slogan du parti présidentiel : "Je ne suis pas en marche depuis hier matin. C’est pourquoi je n’ai aucun problème de communication. J’ai donné une direction à la marche." Laurent Pietraszewski, le candidat investi par LREM, promet d'être "particulièrement vigilant sur la communication" utilisée par le dissident.

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