Cet article date de plus de six ans.

Emmanuel Macron décroche une large majorité à l'Assemblée nationale : voici ce que ça change

Au Palais-Bourbon, La République en marche disposera à elle seule de 308 députés. Une majorité confortable.

Article rédigé par Sophie Brunn
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Emmanuel Macron, le 12 juin 2017 à l'Elysée (JACQUES WITT / SIPA)

La République en marche va donc disposer de 308 sièges à l'Assemblée nationale, selon les chiffres du ministère de l'Intérieur. Une majorité très large lui permettant d'adopter les réformes voulues par Emmanuel Macron sans le soutien d'aucun autre parti. Quelles sont les conséquences de ce résultat ? Ce large groupe, constitué majoritairement de novices, sera-t-il compliqué à gérer ? L'opposition sera-t-elle inexistante dans l'Hémicycle ? Franceinfo vous donne quelques éléments de réponse.

>> Législatives : résultats, réactions, analyses... Suivez notre direct

1Emmanuel Macron n'a plus besoin du MoDem pour faire voter ses réformes

Il y a quelques semaines encore, les partisans d'Emmanuel Macron eux-mêmes ne misaient pas sur une majorité si large. Ils comptaient plutôt sur l'apport des députés du MoDem, voire sur des alliances au cas par cas avec des députés issus d'autres groupes, comme Les Républicains, pour construire des "majorités de projet". C'est d'ailleurs le sens originel du mouvement "de droite et de gauche" d'Emmanuel Macron.

Le vote des Français aux élections législatives a finalement dépassé toutes les espérances du président. Avec 308 députés, l'exécutif devrait être en mesure de faire passer facilement toutes ses réformes, sans même avoir besoin des voix de son allié du MoDem, qui totalise 42 sièges. Cela dit, si cette majorité est confortable, elle est bien inférieure à ce que prévoyaient les estimations de l'entre-deux-tours. Elle ne peut pas non plus être comparée au record de 2002, où l'UMP totalisait à lui seul 358 sièges.

Interrogé par franceinfo, un proche du président s'en félicite, notamment dans l'hypothèse où les choses tourneraient mal avec François Bayrou – une hypothèse probable au vu des premières tensions apparues avec le garde des Sceaux et des ennuis judiciaires du MoDem dans l'affaire de ses assistants parlementaires européens. "Cela nous évite de nous retrouver dans la main de François Bayrou", glisse ce proche d'Emmanuel Macron.

Il faut qu'on puisse avancer avec ou sans le MoDem, qu'on se prémunisse d'éventuels caprices comme il y en a eu sur les investitures. Il ne s'agit pas de les exclure, mais il ne faut pas en être prisonnier.

Un proche du président

à franceinfo

Sans "exclure", pour l'heure, François Bayrou, un autre proche du chef de l'Etat estime que cette majorité lui permet d'avoir les coudées franches : "Les couacs, ça ne va pas durer longtemps. Bayrou a déjà fait le coup une première fois avec les investitures, une deuxième avec le Premier ministre. Il n'y aura pas de troisième fois. Emmanuel Macron saura d'autant mieux trancher qu'il n'a pas besoin du MoDem."

2Une opposition réduite en taille, mais pas silencieuse

Face à la claire majorité de La République en marche à l'Assemblée nationale, l'opposition ne pourra jouer qu'un rôle limité. Elle aura le plus grand mal à empêcher l'adoption des lois souhaitées par le président de la République. Malgré cela, le règlement de l'Assemblée nationale garantit à l'opposition un certain nombre de droits.

La première question qui se pose est de savoir combien de groupes vont se constituer, et dans quel camp ils vont se ranger : celui de la majorité ou celui de l'opposition ? Car, c'est bien ce choix qui détermine la place et les moyens de chaque groupe au palais Bourbon. Pour la première fois cette année, cette question est ouverte : au-delà des élus investis sous l'étiquette LREM, des députés d'autres partis, que ce soit au PS ou aux Républicains, ont fait campagne pour la "majorité présidentielle". Vont-ils se ranger derrière La République en marche ?

Sur deux séances consécutives de questions au gouvernement, les différents groupes d'opposition peuvent se partager 15 questions, soit autant que les groupes de la majorité. En revanche, les députés non-inscrits ne peuvent, eux, poser qu'une seule question toutes les huit séances.

Concernant l'examen en séance des textes de loi, l'organisation des débats "garantit le droit d'expression de tous les groupes". Les groupes d'opposition ont même droit à une forme de "bonus". Le règlement réserve la présidence de la Commission des finances à un député d'un groupe d'opposition. Par ailleurs, la composition du bureau de l'Assemblée doit "s’efforcer de reproduire la configuration politique de l’Assemblée". L'opposition aura aussi droit à un certain nombre de vice-présidences.

En revanche, pour saisir le Conseil constitutionnel avant la promulgation d'une loi, il faut un minimum de soixante députés (ou soixante sénateurs). La gauche, même en additionnant les députés de la gauche radicale et les socialistes, n'atteint pas ce quota. Elle ne pourra donc pas saisir le Conseil constitutionnel.

3Un groupe majoritaire qui peut se révéler difficile à gérer

D'après Le Canard enchaîné, Emmanuel Macron se serait lui-même inquiété d'une majorité trop large, quand les estimations lui prédisaient plus de 400 sièges. "Il va falloir les encadrer de près pour éviter le foutoir", aurait-il lâché, selon l'hebdomadaire. Interrogé par franceinfo, un ancien dirigeant socialiste de l'Assemblée ne dit pas autre chose : "Plus la majorité est large, plus elle est difficile à tenir." Mais c'est surtout le profil et la diversité de ces nouveaux élus, pour la plupart novices en politique, qui l'inquiètent. 

Ces députés n'auront jamais eu de démarche collective, ils n'ont pas de socle commun idéologique, ils ne partagent rien si ce n'est le badge qu'ils ont mis pour être élus.

Un ancien dirigeant socialiste

à franceinfo

"Au début, ce sera tout beau tout joli, mais une mandature, c'est long, poursuit ce dirigeant socialiste. A moyen terme, il y a un risque énorme de bazar."

Les proches du président, eux, refusent d'y voir la moindre difficulté. Le sénateur François Patriat estime ainsi que les députés d'En marche ! voudront "apprendre et soutenir le président, ce n'est pas une démarche qui incite à la fronde". Et le renouvellement des élus et leur appartenance à la société civile seraient une garantie contre le risque de dissidence. "En 1981, quand Mitterrand a eu sa large majorité, elle était composée d'élus, de politiques déjà rôdés aux croche-pieds et qui avaient de l'appétit pour le pouvoir. Là, ce sera très différent : la moitié n'a jamais siégé." Un ancien député socialiste passé à En marche ! abonde : "Le seul but des frondeurs en se levant le matin, c'était de régler leurs comptes avec François Hollande. Là, ce ne sera pas pareil. Vous pouvez avoir des majorités remuantes, mais constructives."

Il faudra quand même trouver le bon président de groupe. A priori, il sera désigné parmi les (rares) députés sortants, même si le nom de Benjamin Griveaux, actuel porte-parole du mouvement, est aussi cité. Beaucoup estiment également que Richard Ferrand aurait le bon CV : "Un profil de proviseur, à la fois convivial et ombrageux, qui a une forme d'autorité et de la proximité avec le président", confie un pilier du mouvement. Un ancien député socialiste insiste sur les qualités nécessaires : "Si on fait du Bruno Le Roux bis [président du groupe PS de 2012 à la fin 2016], c'est-à-dire ne pas discuter, ne pas manager, dans deux ans la moitié des députés ne vont plus se pointer." Un proche du président assure n'avoir aucune inquiétude sur le casting. "Emmanuel va trouver. C'est lui qui va mettre tout le monde partout. Que voulez-vous, Jupiter, c'est Jupiter !", conclut-il en riant.

4Une majorité plus facile à trouver pour les réformes constitutionnelles

La réforme présentée par François Bayrou pour moraliser la vie publique comprend une réforme de la Constitution. La suppression de la Cour de justice de la République, l'interdiction de cumuler plus de trois mandats successifs ou l'indépendance des magistrats du parquet nécessitent en effet de modifier la loi fondamentale.

Pour la changer, Emmanuel Macron devra passer soit par un référendum, soit par le Congrès. S'il choisit la deuxième voix, la réforme constitutionnelle doit recueillir une majorité des 3/5e de l'Assemblée et du Sénat pour être adoptée. C'est donc arithmétique : plus large est la majorité dont le gouvernement dispose à l'Assemblée, moins il a besoin de voix au Sénat (même si le texte doit, préalablement à son vote par le Congrès, être adopté en termes identiques par les deux Chambres). La barre des 3/5e s'établit à 555 parlementaires (il y a 577 députés et 348 sénateurs).

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.