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"François Hollande n'a pas les moyens de faire avancer l'Europe comme il l'entend"

En déplacement à Bruxelles pour rencontrer les 28 dirigeants de l'UE, le chef de l'Etat veut "réorienter l'Europe". Mais quelle peut être son influence, après les résultats des élections européennes ? Analyse du politologue Eddy Fougier. 

Article rédigé par Julie Rasplus - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le président français François Hollande arrive à Bruxelles, le 27 mai 2014, pour une réunion avec le Parti socialiste européen (PSE) suivie d'un dîner informel avec les 28 dirigeants de l'Union européenne. (THIERRY CHARLIER / AFP)

Après le score calamiteux du PS lors des élections de dimanche 25 mai, François Hollande est de retour dans l'arène européenne, mardi 27 mai. Le président français se déplace à Bruxelles pour un dîner informel entre les 28 dirigeants de l'UE. Au menu : l'analyse des résultats du scrutin européen. Il devrait tenter d'y défendre sa position, à savoir sa volonté de "réorienter l'Europe" en rompant avec l'austérité, comme il l'a expliqué lundi dans son allocution télévisée

Mais avec la poussée spectaculaire du Front national et le désaveu électoral de sa politique gouvernementale, comment François Hollande va-t-il être perçu par ses partenaires européens ? Décryptage avec Eddy Fougier, politologue et chercheur associé à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). 

Francetv info : Est-ce que les résultats de ces élections européennes vont avoir une influence sur le poids de la France au sein de l'Europe ? 

Eddy Fougier : Il ne sera pas plus fort, en tout cas à court terme. D'abord en raison du piètre score de François Hollande au regard de ceux obtenus par le Premier ministre italien, Matteo Renzi (40,8%), et par Angela Merkel, créditée de 36% des voix. Sur cette base, il est clair que le rapport de force n'est pas favorable au président français. Avec 24 députés frontistes sur 74, la voix de la France va être moins influente, moins audible auprès des autres chefs d'Etat. 

François Hollande a appelé, lundi, à "réorienter l'Europe" et en finir avec l'austérité. Peut-il vraiment le faire en l'état actuel des choses ? 

Même les alliances ne lui sont pas favorables. En Espagne, le PS s'est effondré et en Italie, le président du Conseil Matteo Renzi n'est pas vraiment sur la même ligne que le président français. François Hollande est assez seul dans sa volonté de changer la politique européenne. Il l'avait reconnu en 2012, il le reste aujourd'hui.

Avec les résultats des élections de dimanche, la dynamique n'est clairement pas de son côté. Il affirme qu'il veut influer sur la politique européenne, mais, sans vouloir l'offenser, quelle est sa crédibilité ? Le PS fait 14% et la croissance française est nulle au premier trimestre 2014, quand celle de l'Allemagne atteint 0,8%. D'un point de vue économique et social, François Hollande n'a pas les moyens de faire avancer l'Europe comme il l'entend. 

Va-t-il se retrouver isolé par rapport aux autres dirigeants européens ? 

Pas vraiment, car la France reste tout de même la deuxième économie de la zone euro et, surtout, un pays fondateur qui a sa voix au chapitre. Mais l'idée selon laquelle c'est un Etat qui donne le ton, c'est terminé ! On le voit bien avec le couple franco-allemand formé par Hollande et Merkel : il est très déséquilibré. On va certes écouter la voix de la France, mais son poids ne sera pas prépondérant. Et on le constate déjà. Quand la France dit quelque chose, les autres se disent : "On va discuter." Quand l'Allemagne s'oppose ou appuie dans un sens, ça bouge.

François Hollande peut-il s'appuyer sur un autre allié qu'Angela Merkel pour peser un peu plus ? 

Ce n'est pas gagné. Côté anglais, pas la peine d'en parler : le Royaume-Uni ne partage pas la même idée de la construction européenne et le Premier ministre David Cameron pense à un référendum pour sortir de l'Europe. En Espagne, le président du gouvernement Mariano Rajoy est plutôt sur la même ligne qu'Angela Merkel.

Il y aurait éventuellement une option "alliance des jeunes pousses", à savoir Manuel Valls et Matteo Renzi... Mais ce ne serait pas très crédible car le président du Conseil italien est dans une logique de réformes drastiques que la France ne veut pas mettre en place. Bref, François Hollande n'a pas forcément de levier pour essayer de faire un contrepoids par rapport à l'Allemagne. 

Comment peut-il redorer son blason ? 

Il faut que les réformes aboutissent, avec des effets sur l'emploi, les déficits publics et la compétitivité économique. L'Allemagne a reconnu que la France allait dans le bon sens. C'est un élément central dans le rapport de force européen, pour peser dans les négociations et montrer qu'on mène une politique crédible. Mais il ne lui reste plus beaucoup de cartouches.

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