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Patrick Drahi : un empire à 50 milliards de dette

Dans l'ombre du multimilliardaire tycoon des télécommunications et des médias, un empire de quelque 25 milliards d'euros, construit sur un endettement colossal.

Article rédigé par Benoît Collombat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Patrick Drahi lors d'une réception à Polytechnique (VINCENT ISORE / MAXPPP)

L'homme fuit la presse, les médias. Discret, Patrick Drahi, est pourtant le nouveau roi des télécommunications et des médias, neuvième fortune de France, devant Vincent Bolloré. Son empire, regroupé au sein du groupe Altice, compte quelque 55 000 salariés, un chiffre d’affaires de 25 milliards d’euros, avec des réseaux câblés et de téléphonie mobile. En France, il s’agit de Numéricable-SFR. L’autre versant de cet empire, c’est la presse. Patrick Drahi possède notamment Libération, L’Express, BFM TV ou RMC.

Un homme qui fuit les projecteurs

Patrick Drahi s’est installé en Suisse, non loin de Genève, sur la commune de Colony, une colline "dorée" où se retrouvent les milliardaires. Le journaliste Luigino Canal, économiste et journaliste fait, depuis 16 ans, la liste des 300 plus grandes fortunes de Suisse pour le magazine Bilan.

Patrick Drahi a plusieurs maisons, mais aucune à son nom directement : elles sont soit au nom de sa femme, soit au nom de diverses sociétés genevoises

Luigino Canal

"On est chemin de Ruth, explique-t-il. C’est un des chemins les plus prestigieux de Colony, qui doit faire 3-4 kilomètres. On trouve de tout : l’ambassade du Qatar, la famille royale saoudienne a ses quartiers ici. On trouve des Russes, des oligarques. On n’est pas dans les millionnaires, on est dans les milliardaires. - Donc là, on sort de la voiture. - Face à nous, le lac Léman. Patrick Drahi a plusieurs maisons, mais aucune à son nom directement : elles sont soit au nom de sa femme, soit au nom de diverses sociétés genevoises. Il a investi aussi au centre de Genève, il a racheté d’autres propriétés, un peu plus loin. Il a investi dans les chalets à Zermatt. Donc je pense qu’il doit y avoir autour de 100-150 millions d’euros d’investissement dans l’immobilier sur Genève et Zermatt.Zermatt, c’est une commune dans le canton du Valais où Patrick Drahi bénéficie d’un statut fiscal très avantageux. 

Un spécialiste de l’optimisation fiscale

Il suffit de se glisser dans les coulisses de son groupe Altice, dont le siège est domicilié à Amsterdam, pour s’en rendre compte. Avec un organigramme financier très "luxembourgeois".

Il y a six niveaux de holdings entre Altice Luxembourg et Numéricable France

Benoît Boussemart

L’économiste Benoît Boussemart a tenté de reconstituer les pièces du puzzle : "On a Altice-Pays Bas, qui contrôle une société qui s’appelle Altice-Luxembourg, qui elle-même contrôle une société qui s’appelle Altice-France mais qui est luxembourgeoise. Donc il y  a six niveaux de holdings entre Altice Luxembourg et Numéricable France."

L’empire Drahi : un endettement colossal

Patrick Drahi assume parfaitement ses 50 milliards d’euros d’endettement devant les sénateurs, en juin dernier : "Aujourd’hui, on me critique sur mon niveau de dettes, mais je dors beaucoup plus facilement avec 50 milliards de dettes qu’avec les premiers 50 000 francs français de dette que j’ai contracté quand j’ai créé mon entreprise en 1991."

Désormais les banques déroulent le tapis rouge à Patrick Drahi, et lui proposent de ne rembourser que les intérêts, pas le capital. Elles y trouvent aussi leur compte, explique Christopher Dembick, analyste financier chez Saxo Bank, explique que les banques y trouvent aussi leur compte : "Il y a un réel intérêt aujourd’hui d’avoir une relation à la fois de prêteurs par rapport aux grandes entreprises, mais bien au-delà surtout de banque conseil. De les conseiller éventuellement sur leur évolution stratégique. Elles leur font en quelque sorte le cadeau de ne pas rembourser le capital dans l’immédiat."

Donner des garanties aux banques

Il dispose d’une valorisation de ses actifs sur les marchés de 70 milliards, mais surtout : il coupe dans les coûts pour dégager des marges quand il reprend une entreprise. Son ancien associé Thierry Pigeon s’en souvient. Les sociétés que visent Patrick Drahi sont des sociétés dans lesquelles il y a beaucoup de gras. Quand on veut rentabiliser une société, il faut faire un peu de nettoyage pour la faire mieux repartir ensuite. La conséquence concrète de cette stratégie, c’est la suppression de plus de 1 000 postes chez SFR, et d’un tiers des salariés à Libération et L’Express. 

Finalement, ça lui importe peu d’avoir un président de droite ou d’avoir un président de gauche. Ce que Patrick Drahi veut éviter à tout prix, c’est la régulation du secteur des télécoms

Julia Cagé

En rachetant des médias, Patrick Drahi s’est également assuré la bienveillance des politiques. L’économiste Julia Cagé estime que cela peut le servir dans ses affaires : "Finalement, ça lui importe peu d’avoir un président de droite ou d’avoir un président de gauche. Ce que Patrick Drahi veut éviter à tout prix, c’est la régulation du secteur des télécoms. Donc c’est politique au sens où il veut s’acheter de l’influence politique pour s’ouvrir des portes". Derrière la figure de Patrick Drahi, c’est toute la presse qui est en pleine recomposition, avec une dizaine d’hommes d’affaires et de financiers qui contrôlent désormais les médias.


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