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Six questions sur le Ceta, ce traité de libre-échange auquel vous n'avez pas tout compris

Le Canada a mis fin aux négociations avec la Wallonie sur le Ceta, vendredi. Les habitants de cette région francophone de Belgique demandent des garanties sur ce traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Une manifestation contre le traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne à Bruxelles (Belgique), le 20 octobre 2016. (ARIS OIKONOMOU / SOOC / AFP)

Vous avez aimé le Tafta ? Vous allez adorer le Ceta. Vous en avez peut-être entendu parler ces derniers jours : le Ceta – "Comprehensive economic and trade agreement", pour "accord économique et commercial global" –, c'est un projet de traité de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne. Il a reçu le soutien du gouvernement français, mais a rencontré la farouche opposition des députés wallons en Belgique. Résultat : sa ratification, prévue le 27 octobre, est repoussée sine die. Franceinfo vous résume tout ce qu'il faut savoir.

C'est quoi, au juste, le Ceta ?

Le Ceta, c'est à peu près la petite sœur du Tafta, le traité transatlantique encore en cours de négociation entre l'Union européenne et les Etats-Unis. Mais cette fois, l'accord de libre-échange concerne l'Union européenne et le Canada. Le Ceta, c'est avant tout un accord commercial de plus de 1 000 pages, très techniques, qui prévoit une réduction des droits de douanes entre les continents pour favoriser les échanges.

Il prévoit également une harmonisation des normes. "En clair, une entreprise qui veut exporter au Canada pourra désormais utiliser les mêmes tests qu'elle utilise pour obtenir sa certification en Europe, par exemple pour prouver que les jouets ou les tissus qu'elle fabrique ne sont pas inflammables. Plus besoin de refaire une certification au Canada", explique sur franceinfo Sébastien Jean, directeur du Centre d'études prospectives et d'informations internationales (CEPII).

Quels sont les grands domaines concernés ?

L'agriculture est un des grands domaines touché par le Ceta.  "Chaque année, le Canada pourra exporter sans droits de douane vers l’Europe 45 840 tonnes de bœuf sans hormone (contre 4 162 aujourd’hui), 75 000 tonnes de porc sans ractopamine (contre 5 549)", détaille Le Monde. A l'inverse, l'Europe pourra aussi exporter davantage de produits sans droits de douane, comme le fromage. 

Par ailleurs, avec le Ceta, 30% des marchés publics canadiens seront ouverts aux entreprises européennes, contre 10% aujourd'hui. Les marchés publics européens, eux, sont déjà ouverts à 90%, relaie Le Monde.

L'accord prévoit également le fonctionnement d'une juridiction (ICS pour Investment Court Systemchargée de régler les différends entre les Etats et les investisseurs. En outre, le Ceta prévoit des instances pour harmoniser les évolutions réglementaires de part et d'autre de l'Atlantique.

Quels sont les champs exclus par le Ceta ?

L'audiovisuel a été exclu de la négociation au nom de "l’exception culturelle". En ce qui concerne l'environnement, l'accord de Paris de la Cop 21 ne figure pas dans le Ceta. 

Pas de bœuf aux hormones, ni de poulet au chlore, ni d'OGM prévus par le Ceta. Sur son site internet, la commission précise bien que le Ceta "n'aura aucune incidence sur les règles relatives à l'environnement et à l'alimentation dans l'UE. Les producteurs canadiens ne peuvent importer et vendre des produits dans l'UE que s'ils respectent pleinement la réglementation européenne en vigueur, sans aucune exception. Par exemple, l'AECG [accord économique et commercial global] ne modifiera pas les restrictions imposées par l'UE sur le bœuf aux hormones ou sur les OGM."

Pourquoi la France est favorable au Ceta et pas au Tafta ?

Le Ceta, c'est "l'anti-Tafta", selon le secrétaire d'Etat au Commerce extérieur, Matthias Fekl. Le même demandait en août dernier l'arrêt des négociations sur le traité de libre-échange avec les Etats-Unis, "faute de soutien politique". Pourquoi le Ceta a-t-il cette fois ses faveurs ? Le projet d'accord "nous donne les garanties nécessaires sur ce que nous avions posé comme règles", affirme Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture.

Le gouvernement assure que concernant le Ceta, il y a eu une véritable négociation, et que cet accord international serait un modèle du genre. La commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, a, de son côté, déclaré que "le Ceta est le meilleur accord commercial que l'UE ait jamais négocié", rapporte L'Expansion.

Alors, il est où le problème ?

"Pas climato-compatible". Nicolas Hulot regrette que les 13 pages du Ceta sur le développement durable ne soient pas contraignantes, comme il l'a expliqué sur franceinfo. Par ailleurs, il note que le Ceta a été écrit avant l'accord de Paris sur le climat. "Nous craignons donc qu'il ne soit pas climato-compatible", ajoute-t-il.

Ne protège pas assez les produits français. L'eurodéputé José Bové a fait du fromage un symbole de cette lutte anti-Ceta. En fait, le Ceta prévoit une liste des appellations européennes protégées, rappelle Le Monde, pour justement éviter que les fromages français, par exemple, ne soient copiés au Canada. Mais pour les opposants, ce n'est pas suffisant. Ils dénoncent une liste incomplète. Trente-deux fromages ne seraient pas protégés.

Des agriculteurs menacés. Invité de France inter, José Bové se dit inquiet de l'augmentation des importations venant du Canada : "On est déjà en excédent dans l'agriculture, et on va importer alors qu'on en n'a pas besoin."

L'absence de principe de précaution. "Le principe de précaution est le grand absent de cet accord", regrette Karine Jacquemart, directrice de l'ONG Foodwatch France, relaie Le Parisien. L'ONG craint donc qu'on autorise des produits industriels sans se soucier des impacts sur la santé. Ainsi, elle redoute qu'il soit plus difficile d'interdire certains OGM à l'avenir.

Risque d'"affaiblir les Etats". Les tribunaux d'arbitrage sont aussi un sujet de crispations notamment pour les Wallons. "Sur le papier, ce n’est pas nécessairement une mauvaise idée de créer un tribunal où un juge indépendant pourra régler ce type de conflits. Le problème est que l’on prend le risque d’affaiblir encore davantage des Etats qui tentent actuellement de réguler la mondialisation et de reprendre la main sur certaines multinationales d’un point de vue fiscal, social…", explique à Challenges Sylvie Matelly, directrice adjointe de l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris).

Et maintenant ?

Tous les regards étaient braqués vers les francophones de Belgique, car dans le système fédéral belge, il suffit qu'un seul des trois Parlements régionaux s'oppose à un traité pour qu'il soit rejeté au niveau national. Or, vendredi, la Wallonie a rejeté le projet. L'Union européenne "n'est pas capable maintenant d'avoir un accord international", a regretté la ministre canadienne après l'échec des négociations. La ratification est donc repoussée jusqu'à nouvel ordre.

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