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Provocs en série et virilité en danger : la vie énervée d'Eric Zemmour

Article rédigé par Vincent Matalon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Eric Zemmour donne une conférence à Nice (Alpes-Maritimes), le 13 mars 2012. (MAXPPP)

En affirmant que "95% des juifs français" avaient été sauvés pendant la guerre grâce au maréchal Pétain, le journaliste du Figaro a une fois de plus fait scandale.

Eric Zemmour et les polémiques, acte VI, scène 23. Samedi 4 octobre, sur le plateau d'"On n'est pas couché", sur France 2, l'éditorialiste a une fois de plus fait parler de lui. Ce soir-là, invité à s'expliquer sur un chapitre de son nouveau livre, Le Suicide français, consacré au régime de Vichy, Eric Zemmour affirme à la chroniqueuse Léa Salamé que "95% des juifs français" ont été sauvés pendant la seconde guerre mondiale grâce au maréchal Pétain.

Comme lors de chaque sortie controversée, il se justifie en expliquant vouloir pourfendre "l'idéologie dominante, que vous incarnez tous très bien sur ce plateau". Entre déceptions politiques et obsessions passéistes, retour sur le parcours énervé d'un polémiste de moins en moins seul contre tous.

Ancien chevelu "pas très doué pour la drague"

Né en 1958 et élevé à Drancy (Seine-Saint-Denis) dans une famille de juifs pieds-noirs, le jeune Zemmour n'a pas toujours porté dans son cœur le conservatisme dont il se fait aujourd'hui le héraut. "Biberonné à la culture 68, je lisais Charlie Hebdo, écoutais les Rolling Stones, portais les cheveux longs et bouclés. On m'appelait Rocheteau [du nom de la star bouclée de l'AS Saint-Etienne dans les années 1970]", confiait-il en 2006 à Libération au sujet de ses jeunes années.

Eduqué dans le culte de la réussite scolaire par une mère au foyer qui le hisse parfois au rang de "demi-dieu", l'ado passe son temps plongé dans les classiques de la littérature française qu'il adore, ainsi que dans les pages des quotidiens nationaux. De ces lectures compulsives de l'actualité à l'heure des Trente glorieuses, il tire un goût prononcé pour l'intervention de l'Etat dans le domaine économique, et une certaine balourdise au moment d'approcher les filles de son âge. "Pas très doué pour la drague en boîte de nuit", Eric Zemmour raconte à Technikart avoir été capable à cette époque de "s'étriper [avec ses amis] sur des questions de nationalisation".

Reconverti en pourfendeur du "système"

Le tournant de la rigueur des années Mitterrand scelle le divorce du jeune homme avec la gauche. Diplômé de Sciences Po mais recalé à deux reprises au concours d'entrée de l'ENA, il trouve dans "le féminisme, l’antiracisme et l’idéologie gay, qu'[il] exècre", de nouveaux combats à mener. Il s'y emploie à partir de 1985 au Quotidien de Paris, journal qui réserve un accueil chaleureux aux plumes polémiques, puis au Figaro dix ans plus tard.

Ses analyses controversées et ses succès en librairie (son portrait de Jacques Chirac, L'homme qui ne s'aimait pas, est particulièrement remarqué en 2002), lui ouvrent les portes des plateaux télé, où sa présence garantit des étincelles. Ses saillies en série sur le métissage, l'immigration ou la délinquance font grimper en flèche la notoriété de celui qui se plaît désormais à se qualifier d'"adversaire du système à l'intérieur du système".

Obsédé, avec Alain Soral, par le déclin de la "masculinité"

Un sujet hérisse particulièrement le poil d'Eric Zemmour : le déclin de la "masculinité", causé, selon, lui par l'influence grandissante du féminisme. "Les hommes sont sommés de devenir des femmes comme les autres. Ils n'ont plus le droit de désirer, de séduire ou de draguer. Ils ne doivent plus qu'aimer", s'étrangle-t-il auprès de Libération au moment de promouvoir son essai sur ce thème, Le Premier Sexe, paru en 2006.

Cette prise de position lui vaut d'être comparé au sulfureux Alain Soral, lui aussi remonté contre le féminisme. Pendant longtemps, Eric Zemmour n'a d'ailleurs pas caché une proximité intellectuelle avec le polémiste proche de Dieudonné et de certains milieux d'extrême droite. "On correspond beaucoup ensemble car on est en accord sur des tas de points", reconnaissait-il en 2009 dans les colonnes de Technikart. Rue89 rappelle même que Zemmour n'hésitait pas à saluer en public, en 2011, un "type intelligent" avec qui "il [avait] des relations régulières".

Parfois condamné, de plus en plus approuvé

Deux dérapages plus ou moins contrôlés du polémiste lui ont valu un passage devant les tribunaux. Pour avoir affirmé en 2010 sur Canal+ que "la plupart des trafiquants [étaient] noirs et arabes", Eric Zemmour a été reconnu coupable par le tribunal correctionnel de Paris de provocation à la discrimination raciale, tout en étant relaxé des poursuites de diffamation raciale, rapportait en février 2011 Rue89.

Lors de la même audience, il a été condamné à une amende avec sursis pour avoir, sur France Ô en mars 2010, soutenu que les recruteurs avaient "le droit" de ne pas embaucher "des Arabes et des Noirs". Une pratique discriminatoire interdite par la loi. 

Mais ces réprimandes constituent sans doute pour Eric Zemmour un maigre prix à payer en échange de la médiatisation grandissante de ses idées conservatrices. "Aujourd'hui, il est plus suivi que vilipendé, explique au Figaro (article abonnés) son ancien compère d'"On n'est pas couché", Eric Naulleau. Avant, il prêchait dans le désert. Il fait partie maintenant d'un chœur." Au risque de rejoindre une certaine nouvelle "pensée unique" qu'il dit tant exécrer.

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