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L'incroyable histoire du "Transperceneige", BD adaptée au cinéma

C'est l'histoire d'une bande dessinée qui se passe dans un train Corail futuriste. Oubliée du grand public, elle devient un blockbuster au cinéma.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La couverture de l'album "Le Transperceneige" signé Jean-Marc Rochette et Jacques Lob.  (JEAN-MARC ROCHETTE ET JACQUES LOB / CASTERMAN)

"Parcourant la blanche immensité d'un hiver éternel et glacé, d'un bout à l'autre de la planète, roule un train qui jamais ne s'arrête." Les premiers mots du Transperceneige, BD dont l'adaptation au cinéma par le Sud-Coréen Bong Joon-Ho sort en salles mercredi 30 octobre, sonnent comme un conte de fées. Un conte post-apocalyptique plutôt : tout ce qui reste de l'humanité s'est réfugié dans un train qui roule sans cesse pour fuir une nouvelle ère glaciaire. Ce qu'on sait moins, c'est que l'histoire de cette saga (3 tomes parus, du début des années 80 à 2000) fraye aussi avec l'incroyable.

L'impossible quête d'un dessinateur

Quand le scénariste Jacques Lob - à qui on doit entre autres SuperDupont - met un point final au scénario du Transperceneige à la fin des années 70, il choisit le dessinateur Alexis pour la mettre en images. Ce dernier, la trentaine, est l'étoile montante de la nouvelle génération d'auteurs de l'époque. Son trait est souple, son univers naturellement porté vers la parodie. Mais il meurt, à 31 ans, d'une rupture d'anévrisme, alors qu'il ne planchait que sur le tout début de la série. Lob teste ensuite plusieurs dessinateurs, dont Régis Loisel (devenu célèbre avec Peter Pan). En vain. Avant de donner sa chance à Jean-Marc Rochette, jeune dessinateur tendance punk qui sévit sur la série underground Edmond le Cochon.

Pas vraiment le genre de CV qui vous propulse dessinateur d'une série sombre au scénario claustrophobique, qui se déroule dans un train hybride entre un Corail des années 80 et le Transsibérien. Lob a noirci l'histoire après la mort d'Alexis, note Nicolas Finet, dans le livre Histoires du Transperceneige. Avec le recul, Jean-Marc Rochette n'en disconvient pas : "Imaginez que vous apprenez à nager et que vous devez vous qualifier pour les Jeux olympiques, explique-t-il au Monde.fr. Ajoutez à cela le fait que l'action du Transperceneige se déroule entièrement dans un train, ce qui fait que vous n'avez pas le moindre recul. Lob voulait en fait un dessinateur qui puisse réaliser des visages pendant 120 pages."

L'improbable suite d'un album qui ne devait pas en avoir

Une fois l'album terminé, Rochette ne veut plus entendre parler de BD. Il se consacre à la peinture, devient dessinateur dans L'Equipe, chargé d'illustrer chaque lundi la rubrique "le but de la semaine". Jacques Lob meurt en 1990, l'album devient une BD culte de la période, sans dépasser le cercle des initiés. 

Jaques Lob ne voulait pas que Le Transperceneige ait une suite. Et pourtant, Rochette propose le défi à l'écrivain Benjamin Legrand, en 1999. "Jean-Marc me dit : 'Et si on faisait une suite au Transperceneige ?' Je lui réponds : 'T'es marrant, toi. A la fin, ils sont tous morts. Il n'y a plus personne sur terre'", raconte Benjamin Legrand, cité par le site spécialisé Cloneweb. Deux tomes sortent cependant, revisitant l'univers créé par Lob plutôt qu'en narrant la suite. Un succès d'estime en librairie, sans plus. On parle d'une adaptation au cinéma par Robert Hossein, sans plus.

Le jour où la BD a failli mourir

Un jour de 2005, dans la matinée. Jean-Marc Rochette reçoit une lettre. Son éditeur, Casterman, l'informe que les invendus du Transperceneige vont partir au pilon, rapporte Télérama. Le même jour de 2005, dans l'après-midi. Un coup de téléphone. Encore Casterman. Qui lui apprend que Le Transperceneige va être adapté au cinéma par un réalisateur sud-coréen qui en a lu une édition pirate dans une librairie de Séoul. Plus question de pilonner l'album. La BD va connaître une deuxième vie. Il faudra tout de même huit ans, deux moutures du scénario et un an et demi de pré-production au réalisateur Bong Joon-Ho pour en venir à bout.

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